C’est une des Panhard et Levassor peu connue qui fut conçue spécialement pour les Eliminatoires de la 5ème Coupe Gordon-Bennet.

Celles-ci ont couru sur le nouveau circuit de l’Argonne – imposé par le gouvernement – ne vit malheureusement pas la victoire des trois Panhard et Levassor spéciales (n° 8, 18, et 28), le droit de participation des voitures françaises à l’épreuve courue au Taunus revenant à : la Richard-Brasier n° de Théry, la Mors n°7 de Salleron, et la Turcat-Méry n°10 de Rougier, qui enlevèrent les trois premières places.

Rappelons que la Coupe Gordon Benett née en 1899, a été crée par James Gordon Bennett junior, le richissime propriétaire du New York Herald, et qui proposait aux Automobile-Clubs d’organiser un Prix international avec des équipes nationales.

Le règlement précisait notamment que l’épreuve annuelle sera organisée par le pays vainqueur de l’édition précédente, et que c’est la nationalité du constructeur automobile qui compte, pas celle du pilote.

Chaque pays pouvait donc engager trois voitures de conception nationale.

La France était, à l’époque, le premier constructeur automobile du monde, ainsi que le principal organisateur de courses, aussi c’est l’Automobile Club de France qui élabore la première course.
En quelques années, la coupe Gordon Bennett devient un événement de portée mondiale.
C’est à cette occasion qu’ont été introduites les couleurs nationales en automobile.

RÉSUMÉ DE LA COURSE

Sur les voitures engagées par Panhard et Levassor – dite alors « la grande victorieuse » -, 3 pilotes : Tart, Teste et Farman.

Tart dut abandonner au 3ème tour, une culasse s’étant fendue en raison de l’échauffement exagéré du moteur.

Celles de Teste et Farman termineront respectivement 7ème et 8ème, sur 10 concurrents ayant réussi à boucler les 6 tours des 89 km du circuit, alors que 29 concurrents avaient pris le départ !

Pourtant, lors des 1er et 2ème tours, Maurice Farman tenait la tête suivi par Gabriel et Théry, mais il dut la céder au 3ème pour la seconde place.

Lors du 4ème tour, et à cause de l’échauffement de son moteur, il dut ralentir.

On peut juger du retard qu’il prit alors, quand on sait qu’il l’effectua en 1h 26mn 38s, alors qu’il avait réalisé le meilleur temps de l’épreuve lors du second tour effectué en 48mn 44s, le vainqueur Théry n’ayant pu descendre en-dessous des 50mn 28s !

C’était une dure leçon pour la maison Panhard et Levassor, d’autant plus que son radiateur très particulier en éventail, ses ingénieurs avaient tout particulièrement soigné le refroidissement : raté !

TOUR D’HORIZON SUR LES NOUVEAUTES TECHNIQUES

Par contre la nouvelle transmission par arbre avec cardan avait remarquablement tenu.

Curieusement, peu de techniciens croyaient alors à ce type de transmission, surtout chez P.L. qui s’était jusque là montré le plus fervent vulgarisateur de celle par chaine !

Voici d’ailleurs ce que répondaient ses services aux multiples questions posées par les curieux, et les autres concurrents, réponse transcrite par Baudry de Saunier dans un numéro de « La Vie Automobile » d’alors :

« Les pignons de chaînes des voitures de course sont arrivés maintenant (alors que la démultiplication va diminuant chaque année tandis que s’accroit la puissance des moteurs) à égaler en diamètres les roues de chaînes.

On aurait pu monter les roues motrices directement en bout d’arbre du différentiel, elles n’auraient pas tourné ni plus, ni moins vite que montés sur l’essieu.

Dès lors, pourquoi ne pas monter les roues motrices directement sur l’arbre du différentiel, pourquoi relier cet arbre aux roues motrices par des chaînes qui n’abordant guère de puissance il est vrai (3%) en absorbent cependant et qui sont plus lourdes, exigent des tendeurs, peuvent casser et obligent à des rechanges ?

Ce que nous avons fait ? Nous avons mis l’arbre du différentiel sur les ressorts arrière de la voiture et les roues motrices nécessairement au bout de cet arbre »

Cela dit, Panhard et Levassor s’empressait d’ajouter : « Quant à modifier en quoi que ce soit notre fabrication générale, cette nouveauté n’y prétend pas car ce qui nous parait logique d’appliquer à une voiture de course, nous semblerait téméraire pour l’instant sur une voiture de tourisme ! »

Après cette profession de foi, si l’usager partait rassuré, les pilotes, eux, pouvaient toujours se demander s’il n’était pas téméraire non plus de prendre des risques dans une épreuve si importante !

La seconde innovation technique concernait l’embrayage tout nouveau aussi.

Mais laissons la parole au grand spécialiste Baudry de Saunier pour nous décrire cette nouveauté :

« Découpez des arceaux de tôle de fer, très mince, en laissant à l’extérieur une dizaine de dents.
Découpez autant d’arceaux analogues, mais pourvus dents à l’intérieur.
Enchevêtrez les cerceaux régulièrement, de façon que les dents externes et internent alternent, qu’un cerceau à dents à l’extérieur soit compris entre 2 cerceaux à dents à l’intérieur.
Vous formez ainsi une pile de cerceaux bien réguliers comme des feuillets.

Si vous admettez maintenant que le volant moteur faisant suite à l’embrayage, porte des rainures qui lui permettent de recevoir toutes les dents extérieures et que l’arbre de la boite porte des rainures qui lui permettent de recevoir toutes les dents intérieures, vous voyez que le moteur et la boite sont joints par des plaquettes qui sont libres et fonctionnent doucement entre elles, mais qui vont se solidifier dès qu’une pression, même relativement faible, viendra s’exercer sur elles.

Cette pression, c’est la ressort de l’embrayage qui la donne. Un tel dispositif ne fonctionne que dans l’huile. Il est très progressif et robuste et, nécessairement, supprime toute poussée sur le vilebrequin ».

Enfin, troisième nouveauté plus spectaculaire puisque extérieure celle-là, et déjà citée : le radiateur en éventail, avec montage oblique des tubes de circulation.

Celle-ci se faisait à l’aide d’une pompe rotative, mais l’ensemble du système – pourtant très avant-gardiste à l’époque – ne semble pas avoir été imité alors.

Le mauvais classement des Panhard et Levassor y fut certainement pour quelque chose.

La consommation d’huile devait être aussi très importante, si l’on se réfère à la contenance du réservoir placé devant le tablier : 24 litres.

En étudiant les plans d’époque des archives P.L., on remarque qu’au volant-embrayage succédait une boite à 3 vitesses, dont la plus haute était en prise directe, et à la sortie de l’arbre de transmission, comme cela était courant à l’époque.

Un frein (à ruban ou à mâchoire) agissait sur l’arbre de transmission, et était commandé par la pédale de droite, celle de gauche commandant l’embrayage : il n’y avait donc pas de pédale d’accélérateur comme de nos jours.

Pour l’accélération – et les vues du volant le confirment – le pilote se servait d’une manette fixée au volant.

A sa droite, étaient disposés deux leviers montés sur le longeron du châssis : le plus court placé à l’extérieur commandait les vitesses, tandis que celui extérieur agissait sur les freins à mâchoire des roues arrière.

Sur certaines photos apparait un troisième levier qui devait être destiné à commander l’accélération.

Le châssis en tôle d’acier, ne présentait rien de bien particulier. Il reposait sur les essieux par des ressorts semi-elliptiques classiques.

Il faut pourtant remarquer que roues et pneumatiques étaient légèrement différents à l’avant et à l’arrière : pour l’avant le diamètre extérieur des pneus était de 800 mm, et pour l’arrière de 880mm. Le nombre de rayons de ces derniers était aussi plus important.

Le réservoir d’essence en forme de fût, d’une contenance d’environ 65 litres, était monté entre les crosses de suspension arrière, et les deux dernières traverses.


L’emplacement de la manivelle de lancement était aussi particulier.

En effet, situé tout à gauche du châssis contre le longeron, elle entrainait par chaîne un important pignon cal sur le vilebrequin.

LA CARROSSERIE

Celle-ci était réduite au minimum comme toutes les voitures de course de l’époque, c’est ç dire sans carénage, comme ce fit généralement le cas jusqu’en 1912-1913.

Deux sièges baquets étaient fixés sur une sorte de petite caisse, celui du pilote étant surélevé, et disposé plus en avant que celui de son mécanicien.

Les flancs du capot étaient à persiennes pouvant s’ouvrir vers le haut, et il comportait sur le dessus deux trappes d’aération ouvrant vers l’arrière.

Les photos d’époque prouvent qu’au moins Farman fit tout, ou partie de la course sans ce capot, augmentant ainsi le refroidissement du moteur.

Les ailes plates disposées en oblique devaient être particulièrement utiles pour protéger pilotes et mécanicien des projections de caillasse qui se rencontraient à profusion sur les routes d’alors.

Pourtant, nombre de voitures de courses n’en étaient pas munies.

Normalement ces Panhard et Levassor auraient du être peintes en bleu de France, suivant le règlement international, peut-être pas encore officiel.

Mais l’unification était loin d’être faite, et d’après les photos, les Panhard et Levassor de course semblaient être peintes en gris blanc, ou encore en gris bleuté.

Quant au réservoir du radiateur, il était en laiton jaune, ainsi que le collecteur inférieur.

Charly RAMPAL (Archives Panhard et Levassor)

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