Les années 50 étaient celles de l’insouciance aux Etats Unis. L’économie allait bon train, le carburant n’était pas cher, le réseau routier était en plein développement. Les automobiles  » full size  » faisaient un malheur, avec des modèles aux lignes de plus en plus longues, larges et délirantes.

Seuls quelques constructeurs américains avaient fait le pari inverse du toujours plus, comme Studebaker avec son économique Lark ou AMC avec sa Rambler American.

Il demeurait pourtant une faible proportion de la population au budget plus limité, à la recherche d’une voiture économique à l’usage. Les européens Volkswagen, Renault ou Fiat s’étaient aussi engouffrés sur ce créneau porteur.

Ces autos étrangères avaient en plus pour elles une images exotique, qui n’était pas pour déplaire à une clientèle jeune, soucieuse de se démarque du tout venant. Leurs faibles dimensions et leur maniabilité en faisaient aussi des véhicules appréciés du public féminin, et elles étaient parfois la seconde voiture du foyer.

Petit à petit, les européens grignotaient des parts de marché. Dans un premier temps, General Motors réagissait en ayant recours à des importations captives en provenance de ses filiales européennes Vauxhall et Opel. Pour les dirigeants du groupe, il devenait urgent de proposer un produit 100 % américain avant qu’il ne soit trop tard.

La réponse de la General Motors
C’est dans ce contexte que fut proposée à partir de 1960 la Chevrolet Corvair.
Ford fit de même avec sa Falcon très classique, et Chrysler avec sa Plymouth Valiant aux lignes plus tourmentées.

Si les dessins de ces deux dernières ne marquèrent pas l’histoire de l’automobile, la Corvair par contre allait laisser son empreinte tout au long des années

60, surtout en Europe. Ses lignes d’une rare sobriété dans le paysage automo-
bile US étaient l’oeuvre de l’équipe de Bill Mitchell, qui avait remplacé Harley J. Earl à la tête du bureau de style de la GM.

Une nervure de côté parcourait sans interruption toute la caisse, embellie par
une bande de chrome qui partageait la silhouette en deux parties inférieure et
supérieure.

La Corvair avait une allure symétrique, avec un volumineux coffre avant opposé au long capot moteur arrière. Les surfaces vitrées étaient généreuses.

Le terme Corvair fut déjà utilisé sur un concept car de coupé fastback sur base
Corvette.
Le  » Cor  » faisait référence à la Corvette, l’autre modèle décalé de la gamme Chevrolet.
Le  » Air  » évoquait le refroidissement par air de la mécanique, à moins qu’il ne s’agisse de rappeler que la voiture était dans l’air du temps, voir que la fluidité de ses lignes permettait à l’auto de glisser sans difficulté face à la résistance de l’air. Voir un peu des trois !

La 24, sous influence.
Panhard était exsangue. La seule solution était de proposer un modèle original,
dans un créneau non occupé par l’actionnaire principal, mais avec les moyens du
bord, et des finances limitées car sans soutien de Citroën. Il n’était évidemment
plus question d’étudier une nouvelle mécanique.
Lors de la présentation du coupé 24 le 24ème jour du mois de juin 1963 à
Versailles au coeur de la roseraie de la société Truffaut, Roland Peugeot fut impressionné par le travail réalisé avec de si petits moyens.
Le terme 24 rappelait aussi le palmarès des bicylindres Panhard aux 24 heures du Mans.
La presse quant à elle salua l’esthétique de la 24, ses trouvailles d’aménagement, son confort et ses qualités routières. Par contre, elle émettait des réserves concernant son habitabilité arrière et la faiblesse de sa mécanique. Elle était équipé d’un modeste bicylindre de 848 cm3 développant 50 ch.
La 24 demeurait un produit de conception 100 % Panhard, imaginé par Louis Bionier, épaulé par André Jouan et une équipe d’ingénieurs. Louis Bionier, responsable des études carrosseries, était entré chez Panhard et Levassor en 1921. Lors de la conception de la 24, il était en fin de carrière, et cette voiture fut son ultime création, voir son chef d’oeuvre pour la firme de l’Avenue d’Ivry.
Le look Corvair
Comme sur la Chevrolet Corvair, une nervure parcourait sans interruption toute la caisse. Les poignées de portières s’y intégraient tout naturellement.
Le dessin plat du pavillon était d’une grande finesse et conférait à la voiture une allure dynamique. Ses montants étaient plus larges à leur sommet qu’à leur base. Les doubles optiques sous verrière étaient très modernes.

Chausson sous traitant
La réalisation des carrosseries fut confiée à Chausson, tandis que le montage final avait lieu avenue d’Ivry à Paris. Les premiers modèles furent vendus fin 1963. Ils rentraient en concurrence sur le marché français avec la Renault Caravelle et le coupé Simca 1000, ainsi que avec quelques rares coupés étrangers.

La nouvelle Panhard 24 fut conçue pour être développée plus tard en version berline quatre portes. Les dirigeants de la firme d’Ivry étaient bien conscient qu’un coupé, aussi élégant et raffiné soit il, n’était pas suffisant à lui seul pour faire vivre une grande entreprise comme Panhard.

Des débuts prometteurs
Les premiers mois de ventes furent satisfaisants. La firme Panhard prenait place dans un marché qu’elle n’avait plus approché depuis l’abandon des sportives Junior.
La 24 était un modèle de conquête, qui faisait venir à Panhard des clients qui n’avaient jamais acheté des automobiles de la marque. Le développement de la 24 se poursuivait, et le premier objectif était de faire taire les critiques de la presse spécialisée concernant le manque d’efficacité du freinage.
8. Avant une chute rapide
Mais la courbe des ventes ne décollait pas comme espéré, bien au contraire, le production s’effondra de plus de 60 % entre 1964 et 1965.
Il fut en effet produit 29 924 Panhard en 1964 et seulement 11 631 l’année suivante. La production des berlines Panhard 17 fut interrompue en janvier 1965, et la 24 demeurait bien isolée au catalogue.
L’attrait de la nouveauté ne jouait plus. Le réseau Citroën en général ne se battait pas pour vendre des 24, et plus aucun effort promotionnel ou publicitaire ne fut mené en sa faveur.
Le niveau de production de la 24 chuta à 5 224 voitures en 1966 et à 2 456 en 1967. L’annonce de l’arrêt de la production fut faite par communiqué de presse le 28 août 1967. Il fut produit un total de 28 651 voitures du type 24.

LA LIGNE CORVAIR CHEZ LES AUTRES CONSTRUCTEURS
L’amateur d’automobile ne pouvait que constater la forte influence qu’avait exercé la Chevrolet Corvair sur le dessin de nombreuses berlines du moment.

La berline Fiat :
Comme son modèle américain, la Fiat possédait des doubles phares, et surtout une ceinture de caisse faisant le tour de la voiture. Le pavillon de toit semblait posé sur cette ceinture, et offrait une vaste surface vitrée grâce à ses montants très fins.

La BMW 1500 :
Cette voiture, ainsi que l’ensemble des dérivés qui allaient suivre, avait le même type de nervure sur les flancs que la Chevrolet Corvair, ainsi qu’une surface vitrée généreuse.
BMW inaugurait aussi sur la 1500 la calandre inversée qui allait devenir pour plusieurs décennies le signe distinctif de la marque bavaroise. Sans s’en rendre compte, Michelotti avait tracé les lignes d’un  » standard  » qui allait donner naissance au style BMW, avant que Chris Bangle ne le remette en cause à la fin du 20ème siècle.

L’Hillman IMP :
La IMP et ses dérivés n’ont jamais vraiment convaincu dans l’Hexagone, sans doute à cause de tarifs élevés. De ce fait, ce fut le plus souvent une voiture des beaux quartiers parisiens.

NSU PRINZ :
Les stylistes de NSU s’inspirèrent fortement de la Corvair, mais il n’était pas facile de réduire les 4,57 mètres de la Chevrolet.
L’équipe du constructeur allemand s’en sortit avec les honneurs, et les 3,44 mètres de la petite allemande ne manquaient pas d’élégance, adoptant toutes les astuces de style de la belle américaine : dessin du pavillon, nervure de caisse, aspect symétrique …
La nouvelle Prinz IV remporta un énorme succès. La fiscalité de son petit deux cylindres de 598 cm3 était un atout majeur sur de nombreux pays à l’exportation, en particulier en Italie.
Ses 32 ch Din lui autorisaient un vrai 120 km/h. La NSU Prinz 4 était une alternative crédible à la Coccinelle 1200 de Volkswagen.

Le style de la Prinz IV fut décliné sur de nombreux modèles commercialisés durant les années 60 et jusqu’en 1973 : 1000, 1000 C, 1000 TT et TTS, 1200, 1200 C, 1200 TT, type 110, 110S et SC. Toute versions confondues, la production fut supérieure à 1 million d’exemplaires.

ZAZ 968 :
Le constructeur russe Zaporojetz Automoblinij Zavad révéla en 1965 le modèle 966, copie presque conforme de la NSU Prinz. Ce modèle, et son dérivé la 968, furent produits jusqu’en 1993, ce qui en faisait alors la doyenne de la ligne Corvair, 34 ans après !

Charly RAMPAL