Il n’y a pas vingt ans que les premières automobiles (des Panhard & Levassor !) ont fait leurs premiers tours de roues sur les routes de France, mais ce nouveau moyen de locomotion, s’il n’est pas encore à la portée de toutes les bourses, ne suscite plus guère l’étonnement ou l‘hostilité.

Mieux, les dangers présentés par les voitures attelées sont mis en évidence, et les statistiques des compagnies d’assurances prouvent que l’automobile est moins dangereuse que le cheval.

A Paris, ou la circulation mêlée des automobiles et des véhicules attelés commence a provoquer des bouchons et des problèmes de stationnement, la police verbalise à tour de bras, s’appuyant notamment sur un décret de 1852 qui interdit « le stationnement sans nécessité sur la voie publique des voitures attelées ou non attelées »…

Il est que l’on dénombre quelque 30.000 automobiles sur les routes de France et que ce chiffre va croissant ; en 1907, la production totale de l’industrie automobile française a atteint 25.200 unités.

La firme de l’avenue d’Ivry, naguère en tète des ventes, connait en 1907 une sensible baisse de production, avec 1043 unités, contre 1336 en 1906.

Les concurrents se nomment Renault (probablement le leader du marché avec une production de 3066 véhicules en 1907) et Peugeot, mais aussi Unic, Georges Richard, Berliet, De Dion-Bouton, Darracq, Delahaye, Hotchkiss, Charron ou Aries.

Et pourtant, pour cette année 1908, la gamme des modèles disponibles est rien moins que pléthorique : de la 8 CV a trois cylindres à la grosse 65 CV 6 cylindres, l’acheteur a donc le choix entre onze châssis qui peuvent être carrossés de six manières différentes, mentionnées au catalogue : victoria, double phaéton avec capote, limousine, demi-limousine, landaulet, limousine ou limousine à capotage.

Mais, s’il le désire, le client peut évidemment toujours faire carrosser sa voiture suivant son gout personnel par un autre carrossier, comme le précise le catalogue « Les dimensions des châssis ont été établies de façon à pouvoir se prêter à l’établissement de tous les genres de carrosseries.

De plus, « le choix des matériaux fait l’objet d’une étude spéciale, de façon à ce que chaque pièce soit fabriquée avec le métal qui convient à son genre de travail ».

LES MOTEURS

Techniquement, les mécaniques sont très semblables : tous les moteurs sont les mêmes, aux dimensions et au nombre de cylindrés prés.

La petite 8 CV ne dispose que de trois cylindres, et tous les autres modèles sont à 4 cylindres, à l’exception de la toute nouvelle 65 CV à 6 cylindres, dont les livraisons ne deviennent d’ailleurs effectives que dans le courant de l’année.

Tous ces moteurs sont du type à cylindres séparés et dérivent encore du Centaure deuxième version, dit « allégé », monté sur tous les modèles depuis 1904.

Les cylindres sont en fonte, mais moyennant un supplément de 2.000 francs, on peut faire monter des cylindres en acier, disposition adoptée d’office sur la 65 CV.

Cette mécanique comporte un vilebrequin à 5 paliers et un système de distribution à trois soupapes par cylindre.

Du coté de l’admission se trouve le carburateur, on peut monter du même coté une dynamo servant à recharger les accumulateurs (la batterie).

Du côte de l’échappement sont placées la pompe de circulation d’eau et la magnéto.

Ces deux organes sont montés sur le même arbre, qui reçoit le mouvement de l’arbre à cames par l’intermédiaire d’engrenages.

Cet arbre est supporté par trois paliers avec chapeaux; ceux-ci sont reliés aux paliers par deux écrous qu’il suffit de dévisser pour pouvoir démonter la pompe et la magnéto.

L’allumage par magnéto et bougies est apparu sur les modèles 1904.

A partir de 24 CV, les moteurs possèdent un système de décompression destiné à faciliter la mise en marche, en ne conservant que la compression nécessaire pour l’allumage.

Le carburateur à réglage automatique invente par le commandant Krebs est monté sur toutes les Panhard depuis 1903.

Grace à lui, la consommation de carburant est devenue plus raisonnable, de l’ordre de « 400 grammes par cheval et par heure ».

Un nouveau régulateur hydraulique (il était auparavant à force centrifuge) qui fait corps avec le carburateur permet de compenser les variations de pression de l’eau, suivant le régime du moteur.

Une pompe centrifuge commandée par engrenages assure la circulation; la distribution d’eau dans les cylindres se fait en série l’eau passe d’abord dans le quatrième cylindre et se rend successivement dans les trois autres, avant d’arriver dans le radiateur.

Cette disposition a permis de réduire au minimum les tuyauteries.

Le graissage des moteurs et des engrenages se fait à l’huile minérale.

Depuis cette année, un nouveau système de graissage règle automatiquement le débit d’huile en fonction de la dépression existante au carburateur, et non plus en fonction du régime du moteur (sauf sur la 24 CV).

Avec l’ancien système, lorsque le moteur tourne à vide et a donc peu d’effort à fournir, le débit est trop abondant et provoque des dégagements de fumée qui encrassent les bougies et sont désagréables à l’odorat, alors que si le moteur tourne lentement en utilisant toute sa puissance, le débit d’huile est insuffisant.

Ce nouveau système apporte donc un progrès appréciable.

La transmission s’effectue par chaines sur la plupart des modèles, mais deux modèles, la 10 CV et la 15 CV, reçoivent une transmission par cardan expérimentée par Krebs sur les modèles de compétition depuis quelques années.

La transmission par cardan est appelée à se généraliser sur tous les modèles avant 1914.

L’embrayage s’opère par la friction de nombreuses rondelles métalliques ou lames d’acier plongées continuellement dans un bain d’huile.

Une combinaison de deux ressorts permet d’exercer une pression croissante sur les rondelles au moment de l’embrayage.

Le changement de vitesses à train baladeur possède une prise directe.

Les boites sont à 4 rapports, sauf sur la 8 CV et une 10 CV.

Le système de freinage fait appel, d’une part à des mâchoires agissant à l’extérieur d’une poulie montée sur le différentiel, d’autre part a des tambours montes sur les roues arrière.

De plus, les voitures reçoivent un nouveau mode de freinage par le moteur, prévu spécialement pour les parcours en montagne, et qui consiste a modifier le jeu des soupapes d’échappement, de façon à créer une résistance par une succession de périodes d’aspiration et de compression.

LES CHASSIS

Le châssis, en bois armé, est présenté comme plus résistant que le châssis métallique tout en étant aussi léger ; soit le client le fait carrosser a l’usine, soit il le confie a un carrossier de son choix.

Une fois la voiture terminée, elle rentre dans les ateliers de l’avenue d’Ivry pour être essayée sur un long parcours, avant d’être enfin remise au client.

LA GAMME CARROSSEES

On se lance aussi avenue d’lvry dans la fabrication de gros moteurs 4 cylindres à régime lent, commandés par la direction de l’Aéronautique du Ministère de la Guerre pour les premiers grands dirigeables français Patrie et République.

La diversité de ses productions et son dynamisme industriel vont permettre a la firme P & L de reprendre son ascension. Malheureusement, René Panhard, le bâtisseur initial de cette belle entreprise, n’aura pas le temps d’en voir les heureux effets.

Il meurt en 1908 à l’âge de 67 ans.

Charly  RAMPAL  (Doc photo + doc. personnelle et informations documentées de Bernard Vermeylen).