Les « Choristes », le grand succès inattendu de l’année 2004, a choisi le car Panhard K173 de Jean-Pierre Maynard, comme l’unique autocar du film.

Simple et authentique, le film de Christophe Barratier recèle une émotion qui touchera chacun au plus profond de lui.

LE SUJET DU FILM

En 1949, Clément Mathieu (Gérard Jugnot), professeur de musique sans emploi, est nommé surveillant dans un internat de rééducation pour mineurs.

Particulièrement répressif, le système d’éducation du directeur Rachin, peine à maintenir l’autorité sur des élèves difficiles.

En familiarisant les pensionnaires à la magie du chant, Mathieu, va transformer leur vie … et la sienne !

COMMENT EN EST-ON ARRIVE A CET AUTOCAR ?

Contacté en juillet 2003, Jean-Pierre va investir l’argent de la location de son autocar, pour le rafraichir afin d’être plus présentable pour le film.

Le film devant se tourner ans les environs de Clermont-Ferrand, c’est un garagiste de cette ville qui fut le déclencheur du contact. Car notre ami JPM habitait près du Puy en Velay en Haute Loire.

Il connaissait le journaliste de « La Vie de l’Auto » qui avait fait un reportage sur le car de JPM et dont j’en ai extrait quelques les grandes lignes dans la fin de mon article.

Cet autocar correspondait en effet à ce que souhaitait la production après avoir vu un Mercédès et un Citroën.

Après avoir passé en revue l’engin et constaté que certaines parties de la carrosserie présentait un aspect « dentelles du Puy » pas vraiment adapté à un véhicule des années cinquante (le film se situe entre 1947 et 1949), JPM proposa de refaire toute la partie située en dessous des vitres, la réfection du toit n’étant pas jouable, la réponse fut qu’on se débrouillera…

LA RESTAURATION A L’ARRACHE

Nous étions début août et le tournage devait avoir lieu les 1 et 2 septembre, il n’y avait donc pas de temps à perdre.

Le matériel nécessaire acquis ou emprunté (ponceuses), les phares et la calandre déposés, JPM consacra ses jours de congé à poncer, mastiquer, reponcer, apprêter, reponcer et peinture panneau par panneau.

Ces opérations eurent lieu dans la cour de sa maison avec l’aide de sa femme levée tous les jours à 6h du matin.

Bien, aidé par une météo exceptionnelle, JPM peignait en « rouge basque » le soir tard et tôt le matin afin d’éviter que trop d’insectes ne viennent se coller.

Le bas sera terminé le samedi 9 août.

Suite à une nouvelle visite, la production souhaite à ce que le haut soit fait pour les besoins de la scène finale du film.

Cette partie supérieure située entre les glaces et le toit proprement dit étant difficile d’accès et en très mauvais état, sera plus difficile à traiter, la météo devenant de surcroit plus capricieuse

Pendant ce temps, Raymonde, la femme de JPM s’attaquera aux roues, à l’échelle d’accès à la galerie de toit et au nettoyage intérieur : tout est presque prêt le dimanche 31 août à 12h.

Voyant un petit bout de marge, quelques retouches seront effectuées sur le pare-brise et les vitres arrière.  

Les pare-chocs seront aussi traités, les bavettes changées et les baguettes détordues et remontées.

Tout est prêt pour le grand départ : dimanche soir 19h vers Pont du Château.

150 km et 3h30 plus tard les Meynard’s family sont à l’hôtel doté d’un parking dont les dimensions et l’espace permettent d’accueillir l’autocar sans difficulté.

LE TOURNAGE

Lundi 7 heures : tout est en place et les intervenants semblent satisfaits de l’état de l’autocar.

JPM en profite pour démonter les rétroviseurs (Ivéco 1981 !) et changer ses plaques pour en mettre des conformes à la législation de l’époque (système avant 1950) fournies par la société RCA Maillefaud.

Puis se sera la mise en situation où JPM doit revêtir le costume de conducteur et les figurants installés confortablement sur les sièges en cuir : le tournage peut commencer !

Il faut noter au passage que, sur le lieu de tournage constitué par la petite route ombragée d’accès au château de Ravel, pas moins de huit camions de matériels son là pour assurer la réalisation du film !

La première scène est constituée par la montée dans l’autocar de l’acteur principal (G. Jugnot). Ceci pourrait paraitre anodin mais la position des acteurs et des matériels est au centimètre près par rapport aux caméras.

Il faut donc que JPM arrive ni trop près ni trop loin.

Cette scène sera reprise environ 6 fois : c’est-à-dire 6 marches arrière sans rétros et 6 manœuvres pratiquement sur place.

L’assistance de direction étant constituée uniquement d’huile de coude : il ne faut pas faiblir !

La porte à ouverture semi-automatique (encore de l’huile de coude !) fonctionnera sans faiblir.

Il sera aussi demandé à Jean-Pierre d’arriver sans moteur, de ne pas freiner (le Telma est là) et de repartir moteur arrêté pour ne démarrer que le véhicule en déplacement, les sons étant enregistrés après pour être reportés sur la bande.

D’autres passages avec l’autocar mettront en scène le fils du producteur (J. Perrin).

Bien qu’il ne soit tourné que 2 mn réelles de film par jour, cela dure des heures et reste éprouvant.

Ce petit bout de film aura quand même mobilisé JPM et le K173 pendant deux jours avant qu’il s’en retourne dans sa résidence hivernale de Queyrières en Puy en Velay.

Maintenant, vous ne regarderez plus ce film de la même façon..

L’AUTOCAR K173 SON HISTOIRE

Cet autocar est né à la fin de 1949.

Vendu neuf par l’agent Panhard de Figeac, dans le Lot, à M. Jean Magne, transporteur à Lascelle, une petite localité du Cantal, un chauffeur l’a conduit, en châssis roulant muni d’un seul siège et sans protection, chez Amiel et Bodoira, carrossiers à Albi, dans le Tarn.

A cette époque la plupart des autocars, basés sur des châssis de camion, et carrossés « à la carte » selon les besoins de l’exploitation.

Ce n’est qu’avec l’arrivée des Isobloc de Joseph Besset a la fin des années 30 et dont je vous ai parlé dans un article du 11 mars 2021, puis des Chausson (dans l’immédiat après-guerre) que les transporteurs vont pouvoir disposer d’autocars de conception caisse-poutre moderne, inspirée des brevets de l’Américain Gary Wood, vendus entièrement carrossés.

Toujours est-il qu’en janvier 1950, la calandre abondamment chromée de notre Panhard flambant neuve, pointe en direction du Cantal, son port d’attache.

Les Transports Magne vont l’exploiter en excursion : Côte d’Azur, Côte Basque, Lourdes, mais aussi Italie et Autriche.

SA CONCEPTION ET SON EQUIPEMENT

Pour monter à bord, il y a deux marches à gravir. Il est équipé de 30 fauteuils individuels, pourvus de tétères et garnis de cuir bicolore, marron et rouge.

Du coup la longueur de la caisse est raisonnable pour pouvoir virer sur les petites routes de montagne.

La visibilité est très bonne grâce aux vitres d’angle incurvées et l’espace pour étendre ses jambes suffisant.

Un chauffage de bon aloi vient prendre la chaleur sur le radiateur juste devant le moteur : une attention rare en 1950, car les hivers sont rudes dans le Cantal !

Quant aux bagages, ils trouvent leur place dans le coffre arrière dont l’immense porte basculante peut supporter malles et bicyclettes.

Et il reste encore la galerie sur le toit.

Le démarrage s’effectue en tournant un gros bouton noir, genre gazinière, juste sous l’énorme volant à quatre branches.

Le 4 cylindre Panhard répond immédiatement, étonnant pour un diésel, mais grâce à culasse Lanova par besoin de préchauffage.

Si la température est plutôt basse, il suffit alors d’appuyer sur un bouton qui agit sur deux résistances électriques réchauffant directement l’air dans le filtre.

Ce 4HL que nous panhardistes connaissons bien, et le meilleur diésel du moment et il équipera les autocars Floirat, Million-Guiet Tubauto jusqu’aux autorails Billard.

DES FREINS A RHEOSTAT

Pendant que le moteur monte en température et que la bonbonne d’air comprimée des freins de remplit, jetons un petit coup d’œil au tableau de bord.

Rien pour détourner l’attention, que de l’essentiel : un gros compteur de vitesse gradué jusqu’à 85 km/h, un ampèremètre et un thermomètre d’eau surplombent quelques tirettes et boutons actionnant le chauffage, les antibrouillard et l’éclairage des plafonniers.

Tout à côté du gros capot capitonné sous lequel ronronne le moteur, un mano indique la pression d’air.

Car le freinage est assuré par câbles et air comprimé : un compresseur, une bonbonne d’air, et sous le car, deux « poumons » qui commandent un palonnier et des câbles reliés aux freins sur les quatre roues.

Comme le Panhard était appelé à circuler sur les routes accidentées, son propriétaire n’avait pas lésiné sur le bon de commande et a fait installer un des premiers ralentisseurs électriques, plus communément appelés par la suite Telma, mais qui porte la marque du fabricant : la compagnie Electromécanique de l’Aveyron.

Ce système agit en sortie de boite, sur la transmission et se commande depuis un levier à trois positions, situé à gauche sous le volant.

UNE « QUEUE DE VACHE » COMMANDE LA BOITE

Le passage des vitesses se fait à l’aide d’une « queue de vache» qui sert de levier.

Le double pédalage est indispensable et le moteur fait preuve d’une belle vivacité malgré beaucoup de vibrations.

En ligne droite à 50 km/h, on passe la 5ème en tenant bien le volant qui est très lourd façon volant à inertie, car les 2m50 de largeur sont difficiles à placer sur les petites routes du Puy en Velay : c’est pas le moment de croiser un tracteur, mais il transmet fidèlement le mauvais état de la chaussée.

Dans les descentes, il est préférable d’anticiper et jouer avec le Telma : un petit cran et on ralentit, un 2ème cran et on s’arrête presque, tout ça sans toucher à la pédale de frein.

Facile et rassurant dans ces cols qui ont été le terrain de jeu de son enfance !

MAIS OU JEAN-PIERRE MEYNARD AVAIT-IL TROUVE CE CAR ?

JPM a longtemps travaillé en Arabie Saoudite et en lisant la LVA, il note une annonce qui proposait cet autocar du côté d’Aurillac.

Lors d’un de ses retours en France, il avait été le voir et l’affaire fut conclue.

Il est vrai que JPM a de l’espace pour le ranger, car toutes ses caves, granges et dépendances sont remplie de Panhard, entières ou en épaves.

En tout cas, un grand Merci à Jean-Pierre d’avoir sauvé cette pépite qui maintenant avec ce film, ce K173 est rentré dans la légende du cinéma.

UN EXTRAIT DU FILM CORRESPONDANT :

 Charly  RAMPAL  (Photos Noir et Blanc Marlène Meynard et Extraits du Film pour la couleur + Informations de JP Decker)