DYNA JUNIOR : L’IDEE, LE CONFLIT, LES DEBUTS PROMETTEURS
Paul Panhard avec son fils Jean et son neveu René, peuvent se vanter, dans ce salon d’octobre 1951, d’avoir montré deux nouveautés qui ont passionné les foules.
Ce fut d’une part la « Dyna Junior » voiture de sport 2 / 3 places, dont le succès allait dépasser largement les prévisions et, de l’autre, la boite automatique « Robot » que je vous ai présenté dans mon article du 7 novembre 2019 et qui a vivement intéressé les foules.
Nous les panhardistes, savons que notre marque favorite ne méconnait pas les problèmes de l’avenir et s’attaque à leur solution avec un allant qui lui vaudra le surnom légendaire de « Doyenne d’avant-garde ».
N’est-ce point Panhard qui, dès 1931, adopta le débrayage automatique et la roue libre, montrant ainsi la voie du progrès.
Avec la Dyna X qui se présentait à l’aube des années cinquante, en cinq version différentes, Panhard occupe à cette époque une place de choix sur le marché de la voiture populaire certes, mais qui s’adresse aux initiées.
Sa production quotidienne de 65 voitures par jour, lui permet de satisfaire de façon relativement rapide les livraisons : celles-ci n’excédant pas 4 ou 5 mois (un délai normal à cette époque).
Mais revenons au Junior qui va vraiment démarrer au printemps 1952.
Ce modèle révélé à ce dernier salon et qui présente de grandes différences avec le prototype initial de Di Rosa, va se mouvoir en modèle définitif.
L’IDEE : POURQUOI UN MODELE JUNIOR ?
Au début des années cinquante, la Dyna X est déjà une voiture très appréciée en Europe, mais elle reste pratiquement inconnue aux Etats-Unis.
Le Directeur des exportations de Panhard se montre donc très intéressé lorsqu’il a vent d’une proposition reçue par le patron de sa firme à la fin de l’hiver 1950 / 1951.
Cette offre émane de l’Américain J-B Fergusson dont la société new-yorkaise Fergus-Motors envisage de construire un petit engin sportif bon marché destiné aux étudiants d’universités américaines.
Souhaitant fabriquer une voiture dérivée des modèles européens, Fergusson a déjà financé une première étude en 1949 à partir de l’Austin A40, mais finalement, le projet ne s’est pas concrétisé.
Stimulé par la vogue de plus en plus croissante aux USA des petits cabriolets anglais MG-TD Midget, l’Américain persiste dans son idée et il s’adresse maintenant à Panhard.
Celui-ci accueille favorablement ce projet venu d’outre-Atlantique et il accepte de commander l’étude et la réalisation d’un prototype sportif ultra économique basé sur le châssis de sa Dyna : la X.
Il s’adresse au carrossier de poids lourds Di Rosa qui a déjà habillé de nombreux camions et autocars pour Panhard.
L’entreprise familiale Di Rosa s’appelle S.I.A.A. (Société Industrielle Aéronautique et Automobile) et ses ateliers se situent à la Garenne-Colombes, dans la proche banlieue nord-ouest de Paris.
L’étude de la petite sportive franco-américaine est confiée à Albert Lemaitre, l’un des trois dessinateurs de Di Rosa qui, selon un schéma fourni par Panhard, trace une carrosserie d’une grande simplicité (à une seule porte !) dont l’élaboration sur un châssis Dyna 4 cv s’effectue entre la mi-avril et le début de juin 1951.
Lorsqu’il est terminé, la direction de Panhard s’estime satisfaite de ce premier prototype à condition d’y apporter quelques retouches.
Hélas, il n’en n’est pas de même de l’autre côté de l’Atlantique où M. Fergusson n’apprécie pas du tout la silhouette rustique de l’engin, persuadé qu’il ne correspond pas du tout au goût des jeunes américains.
M. Fergusson demande donc à Di Rosa de lui réaliser deux autres modèles : un coupé et un cabriolet, également basés sur le châssis de la Dyna Panhard.
A sa commande, Fergusson joints des dessins de profil à l’échelle, datés de la mi-juin 1951, auxquels Di Rosa devra se conformer et qui représentent des modèles nettement élaborés.
Albert Lemaitre établira la liasse des plans détaillés de ces deux voitures et il suivra la préparation en atelier qui durera jusqu’à l’hiver suivant.
C’est à la fin juin 1951, pour justifier son refus du premier prototype Di Rosa et pour différer un éventuel accord avec Panhard, B. Fergusson prend le prétexte de la guerre de Corée qui dure plus longtemps que prévu et coûte la vie de beaucoup d’américains.
Dans un courrier adressé à Paul et Jean Panhard, il explique qu’il deviendrait choquant, dans les circonstances présentes, de poursuivre la préparation d’une voiture de loisirs pour les jeunes universitaires bien éloignés des combats.
Peu de temps après, Paul et Jean Panhard décident de reprendre le projet à leur compte.
Au début d’août 1951, ils demandent à Di Rosa (voir mon article du 21 mai 2012) de leur préparer deux exemplaires évolués, et ceci dans les plus brefs délais, car ils souhaitent les montrer sur leur stand du Salon de Paris 1951 et dans leur magasin des Champs-Elysées.
A cadence accéléré, en sacrifiant les vacances d’été, Albert Lemaitre et son équipe parviennent à terminer à temps ces deux nouveaux prototypes qui, pour eux, ne constituent toujours qu’une étape vers les modèles définitifs dont les plans sont parvenus en juin aux Etats-Unis.
SUCCES AU SALON D’OCTOBRE 1951, MAIS…
C’est à ce salon d’octobre 1951 et devant le succès du roadster exposé, baptisé maintenant « Junior », obtient un tel succès que Panhard décide de lancer sa production en série le plus rapidement possible.
Ci-dessous les photos inédites du Junior en situation au Salon de Paris en 1951
Il passe une commande ferme de 500 Junior au carrossier Di Rosa, dont une huitaine à livrer d’urgence pour permettre d’expérimenter les diverses solutions souhaitées par le constructeur.
Le début de la commercialisation s’effectuera à partir d’avril 1952.
… DEBORDE PAR LA DEMANDE.
Avant de fabriquer la Junior en série, le carrossier Di Rosa percevra une avance substantielle de Panhard pour lui permettre de s’équiper en outillage et louer des locaux supplémentaires, pour construire en plus de ses autocars et véhicules industriels.
Di Rosa a été obligé de louer à un tarif très élevé les anciennes usines Roche à St Denis mais, malgré cela, on constatera que le carrossier n’est pas capable de suivre la cadence de production imposée par le succès du Junior.
DE GRAVES CONSEQUENCES
Du coup, Panhard devra les lignes d’assemblage dans son usine d’Orléans, d’abord partiellement puis totalement à partir de l’hiver 1952 / 1953.
Cette récupération d’urgence dans le bouleversement des conditions de fabrication ne tardera pas à entrainer de sérieuses frictions entre Panhard et Di Rosa : le premier s’estimant perturber dans son organisation et ne voulant pas payer une quelconque indemnisation, le second devant faire face à des difficultés financières si graves qu’elles l’obligeront à fermer ses portes peu de temps après.
L’affaire n’en restera pas là et sur plainte de Mme Di Rosa contre Panhard, qui sera condamné à verser d’importants dédommagements à la famille Di Rosa.
En revanche, Panhard conservera la propriété, contestée par le carrossier, des droits sur la Junior.
Le calme revenu, les ventes peuvent reprendre enfin au printemps.. Ouf !
On verra la Junior être la vedette de plusieurs salons internationaux, comme ici au British Motos Show en 1952.
Il fera son entrée aux USA par le salon d’Hollywood en octobre 1953. Notez les modifications obligatoires pour le marché américains :
- clignotants sous phares
- pare-choc renforcés.
Ou en Californie aux Etablissements Loomis : le Junior se vend avec un hard-top spécial.
Charly RAMPAL (Archives Panhard)