QUAND LE CIEL NOUS TOMBA SUR LA TETE !

Pourtant, tout avait bien commencé !
C’est sous un soleil radieux que la route vers Le Mans s’offrait à nous.

Point d’autoroute à l’époque et pourtant la circulation est des plus fluides en cette veille de week-end où les célèbres 24H du Mans allaient attirer une fois encore la foule des grands jours.

La chaussée du petit village de La Châtre n’est pas encombrée, à part quelques cyclistes et quelques 4cv.
Après un rapide passage devant l’hôtel de France qui abrite l’équipe Aston Martin, favorite de l’épreuve, nous souhaitons faire un tour de circuit pour se rendre compte des changements.

Sur la ligne de départ, les stands ont été reculés et modifiés. Le dernier étage s’est orné de gradins supplémentaires. Un tableau d’affichage immense domine les tribunes pour l’instant désertes : c’est la quatrième mutation depuis sa création et la longueur du circuit a été raccourcie à 13km461. Le circuit est toujours ouvert à la circulation.

Le « S » est toujours le même, une passerelle Dunlop a été rajoutée, l’extérieur du virage est comme à l’accoutumé, couvert de sable. Puis nous déboulons sur la longue ligne droite de Mulsanne toujours sans protection contre les peupliers qui la bordent. Le circuit est un vrai billard et c’est tant mieux car si la Commission Sportive Internationale a limité la cylindrée à 3 litres, les voitures les plus rapides dépasseront les 270 km/h.
Le long virage de Mulsanne abrite maintenant sur sa droite des emplacements réservés au panneautage : la nouvelle ligne des stands rend la lisibilité des temps périlleuse.
Les infos arriveront des stands par téléphone et seront transmises ici aux pilotes qui auront le temps de les lire.
Rien n’a changé pour les virages suivants sauf que le revêtement est tout neuf.

Le circuit le plus impressionnant au monde pour une course de 24h, a donc subit depuis le dramatique accident de 1955, un re-styling de bon aloi.
La courbe Dunlop a vu son rayon augmenté.

Pendant que les 200.000 spectateurs commencent à s’amasser autour du circuit, faisons l’inventaire des forces en présence.

Stanguellini et OSCA présentent tous deux des 750 cc, leur objectif : s’approprier le prestigieux « Indice de Performance » basé sur la consommation et qui favorise les petites cylindrées au rang des quels DB et Panhard sont au rendez-vous.

DB, 2 fois vainqueurs en 54 et 56 veut prouver qu’ils n’ont pas encore tiré le maximum de leur voiture et du moteur Panhard.

Monopole, après 3 victoires consécutives en 50, 51 et 52, Panhard prenant le relais en 53, n’ont plus brillé : assistera-t-on à un retour que tous espèrent vivement ?
Tojeiro aligne une barquette à moteur Climax.
Lotus est présent avec une MK 11 de 750cc et une nouvelle 2 litres qui sera pilotée par G. Hill et Cliff Allison.

La prestigieuse marque Alfa Roméo, en est réduite à aligner deux coupés Giulietta.
Une Perless vient de Warwick et fait partie des débutantes avec une Triumph coupée.
L’épouvantail à l’indice vient de Porsche qui aligne 5 voitures dont deux équipées du 4cyl. A plat de 1.600, les autres de l’habituel 1.500.

Enfin, pour le classement général, les Aston Martin seront opposées à une armada de Ferrari et autres Jaguar et 2 Maserati vieillissantes.
Notons que pour perpétuer la tradition, c’est une Bentley qui servira de voiture de Direction de course.

16h approche. Les tribunes sont pleines à craquer. Les derniers spectateurs arrivent en avion. Le départ est imminent.

Le drapeau tricolore s’abaisse : c’est parti, comme à son habitude, Moss a pris un départ canon et passe nettement détaché sous la passerelle Dunlop.
A la fin du premier tour, Moss mène toujours devant les Ferrari : c’est l’Aston DB R1 qui caracole en tête, mais la course ne fait que commencer

L’EAU DU CIEL ET DE L’ENFER

2 heures après le départ, c’est le déluge et le merveilleux revêtement se transforme en planche savonneuse. Dire que ces 24H du Mans ont été placées sous le signe de l’eau serait un euphémisme. Jamais de mémoire de manceau il n’avait plu aussi longtemps et avec une telle violence sur le circuit de la Sarthe !
Des trombes d’eau peu après le départ à la formidable averse qui éclate au moment de l’arrivée, les concurrents ont été soumis pendant près de la moitié de l’épreuve à une douche infernale.
Mais ce déchaînement des éléments nous a également valu la plus importante série d’accidents que l’on ait vu depuis la guerre.
Jamais comme cette année, les dérapages, les têtes à queue et les télescopages n’avaient été aussi nombreux. Dans ces conditions, il ne suffit pas d’être bon conducteur pour courir les 24H du Mans. Une 750 cc marche à 190 km/h et seuls des pilotes entrainés, connaissant à fond leur mécanique et la technique de compétition peuvent en tirer parti avec une marge de sécurité suffisante. Pour preuve, les ténors de formule 1 qui participaient à l’épreuve ont presque tous échappé aux accidents ainsi que les semi-professionnels de la formule sport.

Quant au public, il a lui aussi subi l’épreuve de l’eau. Il a vécu durant 24 heures dans un bourbier. Aussi les bars et les alentours de la fête foraine affichent complet. Les abords du circuit sont désertés.

LA COURSE A L’INDICE

Cinq marques pouvaient prétendre jouer un rôle : Lotus, encore auréolé de son succès en 1957, OSCA, qui avait enlevé ce classement aux 12H de Sebring, Stanguelini qui disposait de trois voitures dont deux avec une nouvelle carrosserie allégées, Porsche, DB et Panhard-Monopole.

Dès le départ, comme on pouvait s’y attendre l’OSCA de De Tomaso prit la tête, suivie d’ailleurs de celle de Laroche-Radix. Les deux voitures italiennes couvrent les deux premières heures de course à la moyenne remarquable de 150 km/h.
La pluie n’avait pas encore fait son apparition et la Porsche de Jean Berha était troisième avec 184 km/h. Puis vinrent les trombes d’eau, les accidents se multiplièrent, tous les pilotes levèrent le pied ce qui renforça encore la position des petites cylindrées à l’indice..
A la 4ème heure, De Tomaso était toujours en tête, son OSCA tournait comme une horloge : on dit même qu’il aurait eu des tours 20 secondes plus vite.
Le deuxième place était occupée par la DB de Gérard Laureau et Louis Cornet. Laroche et l’autre OSCA était troisième précédent la DB d’Armagnac.

René Bonnet avait deux cartes à jouer : la première place pour Laureau – il fallait alors attaquer l’OSCA sur laquelle le DB comptait un peu plus d’un tour de retard – et la troisième place en livrant bataille à la 2ème OSCA.

Bien que la 2ème DB ait été handicapée par une boite de vitesses réduite à 3 rapports (il manquait la première), il lui était possible de reprendre quelques secondes à chaque tour. René Bonnet préféra la prudence à ce plan de bataille hardi et il ne l’exécuta qu’à 50%.
Tandis que Laureau fut invité à calquer sa course sur celle de De Tomaso, sans chercher à réduire l’écart, Armagnac reçut l’ordre de combler les deux tours de retard que comptait sa DB 46 sur l’OSCA 41.

Les petites cylindrées n’ont jamais autant intéressées le public que cette année. Tout d’abord parce qu’elles formaient un groupe compact de 16 voitures représentant un éventail de marques assez divers et parce que leurs performances étaient sensiblement égales et en très net progrès par rapport à 55 et 56.

Les OSCA n’en finiront pas de nous étonner. Si l’on compare le temps de leur meilleur tour avec d’autres voitures dont les performances sont connues, on s’aperçoit qu’elles doivent certainement atteindre et même légèrement dépasser le 200 km/h !

DU COTE DES FRANCAISES

Chez DB, on est fort satisfait du résultat : trois voitures à l’arrivée sur quatre, c’est une excellente performance d’autant plus que les moteurs avaient subit de notables transformations de culbuterie et de culasse.
Elles tournèrent en 5’20’’ – 5’25’’ avec une vitesse de pointe de 185 / 190 km/h.
Laureau-Cornet terminent secobd suivis par Armagnac-Vidille.

L’autre DB, celle de Mougin-Lucien Bonnet finissent à une modeste 11ème place.

Chez Monopole, en revanche, les deux voitures munies de nouvelles culasses « quatre arbres » type Chancel ont dû se retirer rapidement. Consten, qui tournait le plus vite, a cassé une soupape et Cotton a littéralement éclaté son moteur.

De toute manière, leur vitesse de pointe n’était pas tellement remarquable compte tenu de ces modifications.

Les Monopoles n’ont pas brillé et, sur quatre voitures, une seule était modestement présente à l’arrivée : celle de Poch-Dunan qui termine 9ème à l’indice.

RESUME DE LA COURSE EN VIDEO :

Charly RAMPAL