Claude Berton est un homme à part dans notre petit monde du VHC. Champion de France de la discipline dans les années 80, il a plusieurs cordes à son arc : décorateur, architecte, éleveur de moutons, professeur de dessin, conseiller municipal, il vit ses passions à travers ses nombreux talents. Il a la tête du pâtre Grec façon Georges Moustaki due certainement à son éternelle barbe de dix jours, il a cette gouaille des gens heureux sur lesquels les affres du destin n’ont pas de prises.

Mais pour nous, ses copains du VHC, il est avant tout un pilote de talent et un dessinateur hors pair qui jongle avec ses craies comme il manie son volant. Le pire, c’est que depuis 1976, il vit de ses dessins d’automobile : vivre de sa passion et de son talent, n’est-ce pas merveilleux ?

Ses yeux sont brillants de malice et son rire communicatif, comme s’il venait de faire de bonne blague tout en caressant sa barbe devenue blanche au fil du temps.

Car Claude Berton est un garçon hors norme qui est né à Montreuil en 1936 d’un père industriel de la chimie et d’une mère professeur de musique. Déjà, à l’âge de 3 ans, il dessine des voitures. Mais le lien avec l’automobile viendra du garage Alex Constantin qui se trouve juste dans sa rue. Je rappelle que Constantin préparait les 203 Peugeot et qu’il est surtout connu pour son compresseur du même nom.

C’est là qu’il passe des journées à tourner autour des Peugeot de course et à renifler cette bonne odeur d’huile chaude de ricin. C’est là qu’il vit construire en 1955 la barquette à mécanique Peugeot qu’il a possédé. Elle n’a jamais couru, mais elle a servi de mulet à celle qui a été engagée aux 24h du Mans 1954 et 1955 où elle a du abandonner respectivement à la 13ème et 9ème heure pour des ennuis de boite de vitesses.

Claude en avait rêvé, Constantin l’a réalisé en lui offrant cette voiture en partie démontée avec sa carrosserie alu non peinte !
C’est d’ailleurs avec elle qu’il couru en 1977 aux Coupes de l’âge d’Or naissantes.

Comme tous les artistes, Claude était nul à l’école, mais il voulait faire les Arts et Métiers pour espérer faire une carrière dans l’automobile. C’est alors que son cousin, Fromentier, le prit sous son aile pour le former au dessin publicitaire : Claude avait 17 ans. Il rentre alors à l’école des arts appliqués à l’industrie, à Paris, pour y décrocher 5 ans plus tard un diplôme de décorateur-designer.

Comme Constantin, Fromentier avait une vie tumultueuse, hors norme et plein de femmes : c’était bien plus marrant que ses parents et Claude en fera sa façon de vivre.

Puis, il rentre à l’Ecole nationale supérieure des beaux Arts qui est vraiment ennuyeuse pour lui qui pense toujours aux automobiles.
Sa première voiture, en 1958, sera une Simca 5 fourgonnette : il a toujours aimé les utilitaires.

La guerre d’Algérie l’appelle sous les drapeaux pendant six mois et quand il rentre en 1961, il trouve un poste de professeur de dessin au Lycée de Corbeil dans l’Essonne.
Entre temps, il a rencontré celle qui sera sa première femme de 1959 à 1976. D’origine limousine, elle lui fait connaître Limoges qui sera plus tard sa terre d’accueil.
La place des femmes dans la vie de Claude est très importante : 2 mariages et des vies communes qui frisent la vingtaine ! Quant aux déménagements, les doigts des deux mains ne suffisent pas !

Claude se veut être un homme libre et si à chaque séparation il laissait tout, il repartait toujours avec ses voitures. Sans être nostalgique du passé il s’y raccroche pourtant avec sa collection d’une autre époque.

Berton, le professeur, s’ennuie. Les postes d’enseignant se succèdent à Beauvais, Aubusson, Felletin, Paris, etc… tout comme les voitures Simca Sport, Peugeot 203 cabriolet, 403 cabriolet…

En parallèle de ses activités dans l’éducation nationale, Claude travaille dans un cabinet d’architecte à Paris.
Naturellement, Claude Berton entretient sa différence, comme un certain don d’ubiquité, mais cela ne suffit pas à son bonheur et il se lance dans l’élevage des moutons en 1965. Et voila Berton le joyeux drille devenu berger dans le Cantal. En 1968, il achète la seule voiture neuve de sa vie : un Land Rover diésel pour crapahuter dans le Cantal. Mais 3.000 km plus loin, elle est détruite dans un accident. La même année la brucellose détruit son élevage, il en profite pour déménager et devient conseiller municipal à Maille-sur-Benaize : une nouvelle vie recommence.

Sa carrière politique sera sans suite, mais petit à petit Claude se remet à dessiner des voitures.

Mais le démon de la course le travaille toujours. Grâce à son salaire d’enseignant, il s’offre un racer Panhard en 1972

à défaut d’une Gordini introuvable pour son petit budget. Claude allait voir les courses de voitures anciennes et s’il à fait du VEC c’est parce qu’il n’avait pas les moyens de viser les modernes. Et puis, en VEC, il y a cette ambiance de copains que Claude aimait bien.

En 1973, il cède le Racer pour acheter un autre Racer DB de 1952

ayant appartenu au saxophoniste de jazz Alex Combell et lors de sa première course à Croix en Ternois, il rencontre Bernard Coural qui désormais se charge de lui entretenir la mécanique Panhard de son Racer. En effet, la mécanique Panhard ne supporte pas l’à peu prêt. Claude est convaincu qu’il faut la confier à un spécialiste pour ne pas s’emmerder et avoir de bons résultats en course qui demeure sa principale distraction.

L’apprentissage se fait vite et en 1976, sa vie est transformée par une saison complète en VEC.
Il y a alors comme un déclic : Berton, le pilote, se double réellement du dessinateur car il vend ses dessins pour courir. Il cesse de travailler dans l’architecture et il ne donne plus que deux heures et demie de cours de dessin par semaine. Le reste du temps, il attelle le Racer à une Peugeot 403 ou une Volvo 122 S et il fonce vers les circuits. Le virus de la course le rend fou au point de tout vendre pour se les payer : meubles, tapisseries du XVIIème. Le tout était d’avoir de l’essence et il va faire 12 à 15 courses par saison.

Il n’a plus d’appartement et une vie de nomade commence pour lui, habitant chez l’un et chez l’autre de ses copains : c’est importants les copains, on ne peut rien faire sans eux !
Il anticipe même sur l’argent à venir et certains soirs, c’est grâce aux copains qu’il pourra rentrer.

Au terme de la saison 1976 où il se bat comme un forcené, il est champion de France VEC, titre qu’il obtient de nouveau en 1977. Il a du mérite, car à cette époque, les Stanguellini lui ont donné du fil à retordre, mais elles cassaient souvent et Claude profitait de cette aubaine quand il ne mettait pas son Racer dans le grillage qui bordait les pistes ! Car il n’avait de passion que pour son Racer, même s’il goutta à une Lotius F2 de 1967 ou une Grac MT14 avec lesquelles il couru aussi.
En 1977, il acheta une Alpine F3 de 1971, soi-disant ex-Cudini. C’était encore une folie pour trouver le financement : il du vendre une 203 cabriolet, une Mercédès 170 et Talbot Baby, véritable bête à chagrin.

Si Claude s’amuse, il se fait un nom dans le milieu automobile et dans la presse spécialisée pour ses titres mais aussi pour ses dessins. Il est de plus en plus invité et ses dessins se vendent bien.
Claude n’a donc plus rien à faire dans l’éducation nationale et en 1982, il démissionne pour se consacrer à 100% à ses dessins.

Installé à Limoges, il vit au rythme des courses de VEC et de la vente de ses dessins dont une grande partie de sa clientèle est féminine, ce qui n’est pas pour lui déplaire, car Claude est un grand séducteur !

Pendant des années, il ne changera pas et sa notoriété artistique augmente au fil du temps malgré la concurrence dans le domaine artistique. Il décroche même des contrats importants sous forme de commandes d’affiches pour les grandes manifestations sportives ou populaire comme la Foire de Limoges ou le Grand Prix de Tours. A la moyenne de deux dessins par semaine, il en perdu le décompte.

Quant au nombre de courses, c’est pareil, il en plus de 150 rien qu’avec son Racer ! En 20 ans, il l’a cassé de nombreuses fois, tant sa conduite était basée sur des prises de risques inconsidérées. La pauvre monoplace est repassée trois fois sur le marbre. Paradoxalement, ce sont ses pneus Michelin X qui duraient le plus tant ils étaient indestructibles !

A jouer avec le feu, les accidents ne tardent pas à venir comme cette course à Tanger où il se casse le nez et les dents… Côté moteur, c’est quelques casses aussi, mais son ami Coural est là pour palier à ces désagréments. De nombreuses très belles voitures se succèderont dans son garage : Studbaker Champion, JEFA/Alfa de 1967, Salmson, etc.. Elles serviront de monnaie d’échange, même son Racer y passera avec regret.

Charly RAMPAL