Le nom de René Bonnet est pour nous autres panhardistes, intimement lié à la marque Panhard et nous lui devons une très grande partie des 1.600 victoires qui a fait de la mécanique Panhard, un des plus beau palmarès sportif d’une marque automobile, française de surcroit.

Mais plus généralement, c’est grâce à lui que le sport automobile en France renaissait de ses cendres après la deuxième guerre mondiale.

Né le 27  décembre 1904 à Vaunas (Allier) il nous a quitté le 13 janvier 1983, voilà tout juste 40 ans.

Je ne vais pas vous raconter son histoire, je l’ai déjà fait en de nombreuses circonstances à travers ses voitures et ses victoires, mais en profiter pour remettre les pendules à l’heure et pour qu’un jour les enfants sachent ce qu’il était.

René Bonnet est intimement lié sur le plan de l’histoire de l’automobile en général et de l’histoire du sport automobile en particulier.

Ce qu’il faut dire d’abord, c’est que René Bonnet fut non seulement l’un des meilleurs pilotes de course français, mais encore le constructeur dont les voitures firent briller les couleurs françaises sur tous les grands circuits internationaux entre 1938 et 1964, c’est-à-dire durant plus d’un quart de siècle.

Ce qu’il faut souligner ensuite, c’est que, de 1950 au milieu des années 60 — soit pendant quinze ans René Bonnet fut le seul à représenter valablement la France dans les plus grandes compétitions sportives automobiles internationales. Durant cette période de basses eaux au cours de laquelle les voitures françaises ne faisaient plus que de la figuration en Formule 1 et n’apparaissaient même plus en grosses cylindrées « Sport », les DB — puis les René-Bonnet — firent beaucoup mieux que se défendre, monopolisant en fait toutes les victoires de catégorie et s’adjugeant même à maintes reprises le classement général devant des voitures autrement plus dangereuses, plus prestigieuses et surtout beaucoup plus puissantes.

Si l’on regarde rapidement l’ossature du palmarès des DB – et pour ne citer que les plus grandes épreuves internationales — on ne peut qu’être convaincu.

On observe également au passage que beaucoup de ces succès — et non des moindres furent remportés par des voitures DB pilotées par René Bonnet lui-même.

Ce qu’il faut clamer haut et fort c’est que René Bonnet a été l’homme à qui le sport automobile français doit son renouveau et la place qu’il occupe aujourd’hui après la traversée du désert » qui a suivi la seconde guerre mondiale.

C’est en cela que René Bonnet a joué un rôle essentiel : celui du « relayeur » maintenant le témoin et le flambeau entre la grande époque des Delage, Delahave, Talbot et Bugatti et celle des Matra, Renault et autres Ligier qui, sans lui et sans l’exemple courageux qu’il a donné, n’auraient peut-être jamais affronté la compétition de haut niveau.

Aujourd’hui, on fait croire que le renouveau du sport automobile en France date de la coupe R8 Gordini et de la Formule France sur le plan promotionnel.

Mais en 1954, on oublie que René Bonnet avait créé la Formule Monomil et si l’on veut rester avec la mécanique Panhard, bien avant la Formule bleue et les MP X2.

Le moment est venu d’énoncer une vérité délicate mais qu’il faut avoir le courage de formuler : et Amédée Gordini ? diront certains.

Eh bien ! Allons y, comparons, s’il vous plaît, la partie internationale du palmarès des voitures de René Bonnet et celle du palmarès des voitures d’Amédée Gordini, et soyons simplement de bonne foi.

Cela dit, fermons la parenthèse aussi vite que je l’ai ouverte : Amédée Gordini a su habilement faire survivre une légende à l’abri des ailes d’une grande marque — laquelle, en contrepartie, a fort astucieusement exploité son nom, alors que la marque Panhard a toujours été méprisée.

Si le drapeau tricolore a pu être hissé si souvent, quand même, au mât de la victoire entre 1950 et 1965 — cela aussi bien au Mans qu’en terre étrangère et même outre-Atlantique, c’est à René Bonnet, à personne d’autre, et à ses extraordinaires petites voitures bleues que la France le doit.

Sur les six cent soixante coaches DB HBR 5 que construisit René Bonnet, n’en vendit-il pas d’ailleurs une centaine à sa clientèle américaine ?

Quel constructeur français peut se targuer d’un tel pourcentage ?

Surtout si l’on songe aux moyens plus que réduits qui furent toujours les siens.

Voilà pour ce qui concerne le pilote.

L’HOMME

Quant à l’homme, il ne se plaignait jamais et sa qualité dominante était une volonté de fer forçant l’admiration.

Et pourtant il vivait constamment avec une épine plantée dans le Coeur.

Cette épine, c’était le silence qui s’était fait autour de son nom, de sa vie, de son palmarès et de son oeuvre.

Voilà un homme qui, durant les années 50 et les premières années 60, avait souvent fait la « une » et les pages centrales de tous les magazines de l’automobile.

Et puis, à partir du jour où une grande firme s’appropria l’acquis que René Bonnet lui laissait par la force des choses, plus rien… ou presque.

Dans la plupart des écrits relatifs à cette firme, seulement quelques lignes embarrassées pour rappeler l’origine de son département automobile — le seul qualificatif généreusement accordé à René Bonnet étant le plus souvent celui de « mauvais gestionnaire ».

René Bonnet ressentait d’autant plus douloureusement cette blessure secrète que le nom de son ancien associé — lequel était demeuré très proche des milieux « officiels » et « bien pensants » de l’automobile — n’était pas quant à lui, tombé dans les mêmes oubliettes.

Par ailleurs, ses anciens pilotes, ceux auxquels il avait donné leur chance, semblaient avoir perdu jusqu’à son adresse et son numéro de téléphone.

C’est finalement grâce à trois hommes qu‘un jour à Castel Launay le 2 juin 1991, ils décidèrent de créer l’Amicale D.B., ils avaient pour nom : Robert Sobeau, Jean-Pierre Allain et Jean Moulin.

Mais aussi Dominique Perruchon, le fidèle historien de René Bonnet et surtout Alain Gaillard et son livre magistral sur D.B., relatant les faits sportifs et rien que les faits.

Aujourd’hui l’Amicale D.B. sous la direction de Roland Roy, un ancien de MATRA, continue à travers le mouvement de la voiture ancienne, de faire vivre le « B » de la marque D.B.

C’est ainsi que l’an dernier les 2 et 3 juillet, dans le cadre du Mans Classic, un hommage a été rendu à la mécanique Panhard et aux D.B. sur le circuit de la Sarthe : merci à la F.F.V.E. et à Peter’s organisation.

Voilà, je n’en dirai pas plus, il suffit de lire une partie de son palmarès ci-dessous…

PRINCIPALES  VICTOIRES QUI ONT MARQUE LA CARRIERE DE RENE BONNET

• ETATS-UNIS — quatre victoires aux 12 Heures de Sebring (1952, 1953, 1956, 1959) : — Championnat des Etats-Unis 1958 de la voiture de sport au-dessous de 1.000 cm’.

• ITALIE — sept victoires aux Mille Miglia de 1952 à 1958 ; — une victoire à la Targa Florio 1960 ;

• GRANDE-BRETAGNE — deux victoires au Tourist Trophy (1954 et 1955) ;

• MONACO — deux victoires de catégorie au Rallye de Monte-Carlo (1959 et 1961).

• ALLEMAGNE — deux victoires aux Mille Kilomètres du Nürburgring (1959 et 1960). • FRANCE — cinq victoires à l’indice de performance aux 24 Heures du Mans (1954, 1956, 1959, 1960, 1961) et trois coupes biennales (1953-54, 1955-56, 1959-60) ;

une victoire au classement général du Tour de France 1952 et quatre victoires de catégorie dans la même épreuve (1956, 1958, 1959,. 1960) ;

quatre victoires au Bol d’Or de 1950 à 1954 ;

trois victoires au Circuit d’Auvergne (1958, 1959, 1960) ;

deux victoires aux Mille Kilomètres de Paris (1956 et 1960) ;

une victoire aux 12 Heures Internationales de Reims 1958 (qua-tre premières places de la catégorie 751 à 1.000 cm’) ;

une victoire au Grand Prix de Pau 1958 (sept premières places de la catégorie) ;

une victoire au Tour de Corse 1957.

Si l’on ajoute aux triomphes remportés dans ces épreuves prestigieuses d’innombrables victoires obtenues dans les Grands Prix de Paris, Bordeaux, Caen, La Baule, Nîmes, Reims, Roubaix, etc, dans les rallyes de Lyon-Charbonnières, de Lorraine, du Limousin, de Nantes, du Perche, Jeanne-d’Arc, Soleil-Cannes, etc…, Dans les courses de côte les plus célèbres telles que celle du Mont Ventoux, on comprend que la marque D.B., chère à René Bonnet, apporta à la mécanique Panhard la plupart des 1600 victoires qui doivent être inscrites à son actif.

 — la première voiture au monde à être commercialisée avec un moteur central : la René Bonnet « Djet », en 1962 ;

l’apport technologique initial qu’une grande firme a très bien su exploiter ultérieurement ;

l’homme qui n’a fait triompher que des moteurs français : Citroën immédiatement avant et après la guerre, Panhard de 1950 à 1961 inclus, Renault de 1962 jusqu’à l’extinction de sa marque ;

l’homme qui a « sorti » des pilotes tels que Laureau, Armagnac, Cornet, Bouharde, Beltoise, Bayol, Schlesser et bien d’autres encore.

Puis, lorsque René Bonnet construisit sous son seul nom des voitures équipées cette fois de moteurs Renault, ce fut la victoire à l’indice énergétique de Beltoise-Bobrowski aux 24 Heures du Mans 1963.

Mais René Bonnet, c’était un monument, et ce fut encore :

 — l’épopée des Racers 500 de 1950 à 1952 ;

la première formule de promotion de monoplaces monotypes avec les Monomill en 1954-1955 ;

les voitures de Formule I de 750 cm’ à compresseur en 1955 ;

 — une moisson impressionnante de records du monde ;

la tentative de construction d’une monoplace bimotorisée ;

les fameux coaches DB type HBR 5 et cabriolets DB type « Le Mans » qui furent les seules voitures françaises de sport et de grand tourisme modernes de leur époque et qui reléguèrent immédiatement les grosses cylindrées décadentes au rang de monstres antédiluviens.

Alors, qui dit mieux ?

Charly RAMPAL   (sentiment relayé par François Jolly en son temps)