CD 64 : RESTAURER POUR COURIR
Après la dernière victoire historique de Panhard au Mans 1962, le monogramme CD, commence à se faire connaître dans le petit monde du sport automobile.
Après une année de transition en 1963 avec le moteur DKW, CD revient avec le moteur Panhard en 1964.
Deux voitures furent engagées aux 24 Heures du Mans :
- La n°45 pour Guilhaudin / Bertaut
- La n°44 pour Verrier / Lelong
Toutes les deux ne virent jamais le drapeau à damiers.
Panne d’embrayage doublée d’une usure de reins excessive pour l’une et moteur cassé pour l’autre.
L’historique de ces voitures vous avez été conté par ailleurs, attachons nous à la n°45 qui avait repris du service au début des années 2000 aux mains de son propriétaire du moment, mais aussi talentueux pilote de VHC : Pierre-Michel Fournier (PMF).
Ce dernier est bien connu des amateurs de MEP, puisqu’il pilotait une X27 après avoir exploité à fond les possibilités d’une X2 (Châssis n°69) que j’ai possédée et pilotée pendant de nombreuses saisons.
Mais revenons au CD 64. les deux prototypes du Mans existent toujours : je les ai rencontrés.
L’un a coulé pendant longtemps des jours paisibles sur la côte d’Azur au Musée de Mougin, mais peut-on l’envier ?
L’autre avait repris goût à la piste dans les épreuves d’endurance des véhicules d’époque.
C’est donc en juin 2001 que la décision fut prise de restaurer la bête restée dans son jus jusque là.
Avant tout, il faut commencer par un démontage en règles, c'est-à-dire ordonné et référencer. Pas jeter tout et n’importe quoi dans des cartons posés au sol par hasard !
Comme sur un HBR ou la CD 62, la CD 64 est constituée d’un châssis poutre sur lequel est boulonnée une carrosserie en stratifiée de verre d’un seul morceau, sauf le capot qui constitue toute la partie avant.
Toutes les connexions électriques et mécaniques sont débranchées et repérées, avant que toute la famille ne se rassemble pour séparer les deux ensembles.
Pendant ce temps, l’arceau de sécurité obligatoire pour courir en VHC est commandé à la « Carrosserie Prestige » à Ligny le Chatel.
PMF, malgré sa bonne volonté, n’a pas le savoir faire nécessaire pour assurer à sa belle une robe et les entrailles qu’elle mérite.
D’autant qu’à se niveau, la compétition ne supporte pas l’improvisation.
Aussi, en novembre 2001, il prend contact avec le Centre de Formation des Apprentis (CFA) de la Chambre des métiers d’Orléans.
Il en profite au passage pour se faire sponsoriser par les peintures Sikkens qui fournissent les produits.
L’accord avec la direction est conclu avec pour objectif de valoriser le travail des apprentis.
Le 24 novembre, le pare-brise fendu est démonté en vue de sa re-fabrication chez un bombeur de verre à Paris.
Le 2 janvier 2002, tous les éléments de carrosserie sont amenés au CFA.
Le travail démarre immédiatement et il va durer jusqu’au 14 mars.
Ponçage complet jusqu’à la fibre, sous-couche de blocage, apprêt, 1et et 2ème couche de peinture, puis 3 couches de vernis.
Les apprentis sont accros et s’impliquent à fond dans leur travail : de la qualité qui en résulte dépendra le reflet du savoir faire.
Pour cela, il faut se faire connaître et le responsable chargé de la qualité au CFA contacte les journaux locaux et FR3 régional : c’est un succès.
Le CD 64 devient la vedette locale. L’émission Turbo sur M6 viendra lui donner la dimension nationale qui lui manquait.
Pendant ce temps, le châssis, ses trains roulants et la mécanique prennent la direction du sorcier de Valnay : Alain Gawski.
Les deux bêtes s’affrontent. Mais rien ne résistera aux mains expertes d’Alain.
Il y mettra toute son énergie, toutes ses soirées, tous ses week-ends et 2 semaines de ses vacances. Car Alain a un job dans la journée : il faut bien nourrir se famille !
Quelques amis et pilotes viendront l’aider et l’encourager dans cette entreprise : ça réchauffe le cœur et motive l’envie.
Mais pour celui qui travaille, le résultat est au bout du chemin :
- le châssis poutre est sablé et repeint
- toutes les rotules sont changées
- les canalisations de freins sont remplacées en modèle aviation
- les freins AV à disques et AR à tambour sont entièrement reconditionnés à neuf
- le réservoir en alu, fragilisé par l’âge , est refait en inox (pour avoir vu sa complexité, il n’y avait qu’Alain qui pouvait s’y atteler !)
- la transmission, l’embrayage, la direction, le pédalier (accélérateur, frein, embrayage) sont vérifiés
- enfin, le châssis est réglé, alignement, carrossage, chasse et pincement.
Ça y est, le 15 mars, les pièces du puzzle sont de retour chez PMF.
Un énorme travail reste à faire pour pouvoir rouler début avril.
Une crainte : le pare-brise. C’est Carglass de la région qui le posera.
La caisse est complètement posée sur le châssis. Sa mise en retraite aidant, PMF a pu travailler sans relâche pour aboutir.
Le 23 mars tout est prêt. Mais il faut retourner à Valnay pour finaliser mécanique et électricité.
Il faut travailler avec ordre et méthode, car un proto de 1964 ne se construit pas comme une voiture de série des années 2000.
C’est de l’Art, de la chirurgie de précision, ce n’est pas pour aller promener bobonne sur les bords de la Marne ou faire « tut – tut » le bras à la portière lors de défilé de quelques clubs !
Non, ici c’est « la compète », il faut aller vite et longtemps. Il en faut pour tous les goûts.
La qualité du travail de maitre Gawski s’exprime de nouveau : il faut faire marcher l’électricité, le tableau de bord et tous ses instruments, penser au coupe-circuit, à l’extincteur, finit d’ajuster l’arceau de sécurité, les sièges, les harnais, la commande de la boite ZF, etc…
Des détails ont été améliorés, des astuces ont trouvé le jour comme l’avant du châssis qui a été astucieusement adapté afin de faciliter un éventuel changement en course.
Le moteur a été entièrement révisé et quand on connaît la puissance que Gawski arrive à tirer du moteur Panhard, avec une fiabilité acceptable, on a toutes les raisons d’être optimiste.
Une véritable obsession que cette voiture. Elle fera souvent relever Alain la nuit : une idée a germé, il faut vite la noter !
Heureusement que chez gens là, on partage les mêmes passions, sinon, c’étaient le divorce assuré !
Enfin, le vendredi 4 avril, après une dernière vérification et un peu d’appréhension, c’est le démarrage du moteur, puis les premiers kilomètres autour de Valnay.
Le bilan est positif, tout semble fonctionner, on peut relâcher la pression.
Pas pour longtemps, car il faut partir au Mans le 7 avril pour de véritables essais sur la piste qu’offre l’ACO à ses adhérents.
Il y a là, une vingtaine de voitures prêtes à s’offrir aux mains de pilotes experts.
Le temps est frais et la pluie menace.
Les 4 pilotes prévus pour chevaucher la bête sont là : Alain Gawski, Bernard Leprince, François Caillaux et PMF.
Par série de 5 / 6 tours, chacun essaye d’analyser le comportement de chaque organe pour en corriger éventuellement les dysfonctionnements ou améliorer certains réglages.
Le régime moteur est limité à 6.000 tours, ce qui n’est pas mal pour un rodage et qui en dit long sur les futures possibilités.
Les chronos s’échelonnent entre 2’35 et 2’45.
Quelques commandes s’avèrent difficiles d’accès lorsque le pilote est harnaché.
Les modifications à apporter sont notées.
En début d’apm, le moteur se met à ratatouiller. L’alimentation électrique est passée au peigne fin.
Finalement, les coupables en reviennent à quelques saletés qui se sont infiltrées dans le circuit d’alimentation en essence.
Les essais se poursuivent et le temps passe vite.
Les chronos se stabilisent à un bon niveau. On peut enfin calculer les moyennes et la consommation.
La tenue de route est particulièrement excellente.
L’impression d’être sur des rails confirme le ressenti des pilotes de 1964.
Bien sûr, la limité est trouvée en courbe ou dans le chemin aux bœufs, mais le sentiment de sécurité et de maitrise est là, grâce à ce comportement très sain qui téléphone au pilote les moindres réactions.
De retour à l’atelier, de nombreux détails restent à peaufiner :
- passage du démarreur en commande électrique
- installation du lave-glace
- 2ème pompe à essence avec interrupteur de commande correspondant
- éclairage intérieur du capot
- étanchéité du plexiglas AR
- amélioration de l’éclairage
- nouveau rétroviseur panoramique intérieur.
Le 1er Mai, une réunion des mécanos est organisée pour échanger des idées, organiser le stand, déterminer les tâches de chacun, optimiser les temps d’arrêt au stand, conforter l’esprit d’équipe pour être au top de la réussite.
Après quelques sorties « vitrine » comme les « Journées bleues » où les sponsors sont invités à faire quelques tours (c’est le prix à payer au bénévolat), les choses sérieuse commenceront les 19 et 20 Mai avec les 2 Tours d’Horloge à Magny-Cours.
Ce sera la première confrontation et cette CD 64 y retrouvera ses adversaires d’un temps hélas trop vite passé : TR3, MG, Alfa, Porsche…
Mais ceci est une autre histoire…
Charly RAMPAL Remerciement à Pierre Michel Fournier pour ses photos et ses commentaires
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