Dernier modèle de la carrière automobile de série de Panhard, la 24, se devait de prolonger l’exercice d’Economy Run qui a fait la renommée des Panhard, comme celui des rallyes dont je vous ai déjà raconté les faits.

LA PETITE DERNIERE NE DECOIT PAS

Du fait de son espace intérieur plus réduit, la Panhard 24 s’adresse à une autre clientèle que les Dyna et PL 17.

Animée par la même mécanique, elle n’entend cependant pas se priver de l’économie comme argument commercial.

A côté des 24CT et BT dotées en série du Tigre, la gamme comprend toujours des modèles à moteur normal : 24 C et 24 B et même BA.

Ici encore, ce sont ces versions moins sportives que l’on va engager dans les concours d’économie.

Pour son baptême au Mobil français, en mai 1964, la nouvelle venue a fort à faire car les organisateurs ont durci le règlement afin de donner au concours une valeur incontestable.

Des temps sont imposés pour la partie « montagne » du parcours routier et, lors de l’épreuve d’efficacité, courue sur le circuit d’Albi, les concurrents subissent des pénalisations très dures (un centilitre d’essence par seconde de retard).

Ci-dessous, deux des Panhard engagées au Mobil 1964, la 24 C de Jules Favières et la PL17 de Courbe / Molina :

C’est une 24 C qui remporte d’une tête sa catégorie aux mains d’André Parayre et de Lucien Pineau, avec une consommation d’à peine plus de 5 litres.

Panhard doit concéder la seconde place à une… Dauphine.

Vient ensuite la PL 17 de Georges Molina et Claude Courbe, puis une seconde 24 C conduite par Jules Favières.

Le Drouais qui a maintenant le modèle bien en main renoue avec le succès en gagnant le Mobil autrichien la même année.

Gavé par son carburateur double corps, le Tigre sur lequel ont misé Hubert et Gérard Aublet a trop d’appétit et leur 24 CT arrive en huitième et dernière position.

L’année suivante la victoire est incontestable.

La 24 C ayant disparu du catalogue, ce sont plusieurs 24 B qui s’engagent.

Le parcours entre Strasbourg et Saint-Jean de Luz emprunte des routes sinueuses et détrempées.

A l’épreuve d’efficacité (sur le circuit de Charade en Auvergne) s’ajoutent sept spéciales chronométrées sur divers tronçons routiers et au circuit d’Albi.

Les moyennes imposées sont élevées, ce qui récompense les voitures dont la tenue de route permet d’avaler les virages sans ralentir.

Le succès de Panhard va être d’autant plus net qu’au cours des épreuves, 17 des 35 voitures se disqualifient.

A côté des spécialistes comme Philippe d’Espouy (moins chanceux sur Fiat que naguère sur Panhard), de nouveaux concurrents défendent les couleurs de l’Avenue d’Ivry, dont le coureur cycliste breton : Jean Robic, vainqueur du Tour de France 1947.

Son coéquipier Pierre Lelong lui prodigue ses conseils et le tandem amène une 24 B à la victoire absolue, tant en consommation qu’en efficacité.

On trouve deux autres 24 B aux troisième et quatrième places de leur catégorie.

Jean Robic s’est découvert une nouvelle vocation et s’engage l’année suivante sur un coupé Opel Kadett, mais sans pouvoir s’imposer.

De son côté, pour deux ans encore, Pierre Lelong reste fidèle à Panhard, et bien lui en prend.

Avec Guy Jouanneaux, il offre en 1966 à une 24 une double victoire de classe, tant en efficacité qu’en rendement énergétique.

Les épreuves sur routes sont abandonnées et les voitures subissent durant 20 heures sur le circuit du Mans une éprouvante course de fond aux règles draconiennes (aucune neutralisation de temps n’est possible, même pour les changements de pilotes).

Pour 1967, Pierre Lelong se contente d’une victoire au rendement, sa 24 devant s’incliner en consommation devant deux coupés Fiat 850.

REVANCHE SUR L’ADVERSITE

Quelques mois plus tard, la marque doyenne disparaît du paysage automobile.

Mais Panhard triomphe encore de l’édition 1968 du Mobil, qui se déroule au Mans pour la troisième fois consécutive : la 24 d’André Parayre et Hubert Aublet s’impose comme la plus sobre de toutes les voitures engagées.

Mais cette participation est un chant du cygne car l’épreuve n’est ouverte qu’aux voitures de moins de deux ans.

Avec des règles du jeu durcies d’année en année, les concours d’économie sont devenus un banc d’essai très dur, et les nombreux succès glanés par les Panhard, tant dans le Mobil (rien qu’en France, 11 victoires absolues en 13 ans) que dans le concours concurrent organisé par la Caltex (trois victoires absolues en six ans), prouvent la validité technique de leur conception au même titre que leur palmarès en rallyes.

Ce n’est pas un hasard si les deux types d’épreuves sont confondus dans les ultimes campagnes de presse destinées à vendre les 24.

Il est bien dommage que, sur le plan commercial, cette dernière ait dû se contenter de ce succès d’estime.

GALERIE DE PORTRAITS

Parmi les concurrents aux concours d’économie, Panhard a pu compter sur une bonne dizaine de fidèles qui lui ont permis, pendant treize ans, de figurer aux places d’honneur.

En voici le portrait rapidement brossé :

Aublet, Hubert : né en 1934, cet exploitant agricole de Limoux (Aude) participe à son premier Mobil en 1960.

On le voit à presque toutes les éditions suivantes jusqu’en 1968 (sauf en 1963 et 1967), dont plusieurs fois avec son frère Gérard (1961, 1964, 1965).

Il remporte en 1968 la dernière victoire Panhard avec André Parayre.

Courbe, Claude : ce négociant en vins établi à Cauderan (Gironde) est né en 1923.

On le retrouve à toutes les éditions du Mobil de 1957 à 1965, en tandem avec Georges Molina depuis 1961.

Vainqueur des éditions 1957 et 1963. Il a aussi gagné le Mobil anglais en 1957, et s’est bien classé au Mobil italien en 1961 ainsi qu’au Caltex en 1959.

En 1966 et 1967, il participe au Mobil sur Peugeot 404 Diésel.

D’Espouy, Philippe : né en 1919, il est agent commercial à la concession Panhard de Toulouse. Il participe au Mobil 1958 à 1962, souvent avec André Parayre qui est son collègue de travail.

Ses résultats les plus marquants ont lieu en 1961 et 1962. Il participe à de nombreux rallyes d’endurance sur des voitures de la marque.

En 1964, il gagne sa catégorie au Mobil sur Fiat 1500.

Favières, Jeanne : née en 1898, elle conduit depuis 1933. Elle participe au Mobil avec son mari de 1956 à 1959, au Caltex de 1959 à 1962, au Mobil italien de 1960 à 1962 (trois victoires), au Mobil autrichien en 1962 (encore une victoire). Ses robes à fleurs sont célèbres dans tous les concours d’économie !

Favières, Jules : né à Courbevoie en 1896. Il fait ses débuts chez De Dion en 1908. Il est agent Panhard à Dreux, rue Parisis, depuis 1930. Il a donc la soixantaine lorsqu’en 1956 il commence à participer au Mobil Economy Run, qu’il dispute jusqu’en 1964 sans autre interruption que l’édition 1963.

On voit ci-dessous sa 24 C en 1964 qui cotoie  la PL 17 de Claude Courbe et de Georges Molina lors du parc fermé :

Si l’on ajoute ses victoires aux Mobil italiens et autrichien, et au Caltex Performance Test, il compte sept victoires absolues à son actif !

Hébrard, François : ce fervent de billard et de pêche, né en 1897, a participé à ne nombreuses compétitions. Patron d’une entreprise de transport à Bordeaux, il s’engage avec sa femme au Mobil de 1958 et à celui de 1960 et… les gagne !

Il remporte encore sa classe en 1963, sur Volkswagen.

Lelong, Pierre : rallyman émérite, originaire de Compiègne, il a quatre éditions du Mobil Economy Run à son actif, sur Panhard, de 1964 à 1967.. et il remporte les trois dernières, chaque fois associé à un pilote différent.

En 1968, on le retrouve au Mobil sur une Simca 1100.

On le voit ici avec Jules Favières, lors d’un halte au Mobil de 1964 :

Molina, Georges : ce mécanicien bordelais est né en 1920. Sa première participation au Mobil remonte à 1960, mais il dispute le Caltex dès 1959, en compagnie de Claude Courbe, avec lequel il fait le plus souvent équipe (sauf en 1966, avec Pineau). On voit leur voiture en 1965 à Strasbourg passer aux contrôles techniques :

Sur Panhard jusqu’en 1966, y compris à l’occasion de certaines  éditions des Mobil italien et autrichien.

En 1967 et 1968, on le retrouve sur Peugeot 404 Diésel, comme Claude Courbe, mais associé à Grand.

Parayre, André : Comme Philippe d’Espouy, il est agent commercial à la succursale Panhard de Toulouse. Né en 1926, c’est le vétéran du Mobil auquel il participe depuis 1957. Il y est fidèle jusqu’à la fin : c’est lui qui remportera l’ultime victoire, sur une 24 B en 1968, associé à Hubert Aublet.

Tant au Mobil qu’au Caltex, il a plusieurs victoires à son actif.

Après avoir couru avec son ami d’Espouy jusqu’en 1962.

Il sera ensuite associé à Lucien Pineau, comme ici en 1964 :

… puis à Pierre Lelong et Hubert Aublet.

Pineau, Lucien : encore un Toulousain ! Né en 1913, ce représentant en matériaux de construction participe sur Panhard à plusieurs éditions du Mobil et du Caltex de 1959 à 1966, avec différents concurrents. Il remporte l’édition 1964 du Mobil avec Parayre sur une 24 C.

Robic, Jean : ce champion cycliste, vainqueur du Tour de France en 1947, se découvre une nouvelle vocation en participant au Mobil 1965 sur 24 B avec Pierre Lelong… et en y remportant une victoire absolue.

Pour la petite histoire, ce n’est pas le seul coureur qui se soit essayé aux concours d’économie puisqu’en 1961, Roger Rivière, alors âgé de 25ans, s’était déjà essayé – mais avec moins de succès – au pilotage économique d’une Dauphine en compagnie de Pierre Grange.

Charly  RAMPAL                   avec l’aide de  Yann LELAY et Bernard  VERMEYLEN