LA SOUPAPE : ELEMENT INCONNU MAIS PRIMORDIAL

La soupape, organe à priori très simple est en réalité très complexe, elle est en effet soumise à d’énormes contraintes thermiques et mécaniques.

Les soupapes « classiques » sont fabriquées à base d’alliages très durs souvent au nickel/chrome si destinées à un moteur peu sollicité avec cordon de stellite sur la portée du siège (alliage à base de cobalt et de chrome) elles sont également soumises à des traitements thermiques spéciaux comme par exemple le chromage ou la nitruration douce sur les portées, toujours afin d’en augmenter la dureté.

Au début des années cinquante, Gabriel Jeudy, que les panhardistes connaissent bien, avait résolu avec succès les différents problèmes que lui a posé l’évolution de la technique des moteurs et en particulier, sa dernière réalisation : sa soupape bi-métal AUST-GF-2707 brevetée et qui a conduit au succès que l’on sait sur les moteurs Panhard qui équipent les DB et Monopole.
Avec ce type de soupapes, il ne devait plus y avoir de problème, alors qu’aujourd’hui, les soupapes de remplacement diffusées par les Club posent des interrogations sur de fréquentes casse des têtes de soupape sur les moteurs destinés à la compétition (cf. le CR du DCPL du 11 février).

Jeudy fabriquait donc des soupapes qui répondaient aux exigences des tous les types de moteur Panhard que ce soit pour la série comme pour la compétition et Dieu sait qu’à cette époque, les compétitions en mécanique Panhard allaient bon train !

Si, pendant de longues années, les aciers silicium-chrome ont donné des résultats satisfaisants, la technique moderne des moteurs Panhard exigeait alors l’emploi d’acier offrant des qualités mécanique et anticorrosives plus élevées.

Les aciers présentant ces qualités étaient jusqu’à ces derniers temps réservés principalement à la fabrication des soupapes d’aviation. La vulgarisation de leur emploi pour la fabrication des soupapes automobile a posé des problèmes techniques importants, surtout pour pouvoir les mettre à la portée des usagers de l’automobile, malgré leur prix de revient très élevé.

Jeudy a donc commencé à fabriquer des soupapes entièrement en acier austénitique de la famille des inoxydables dont la résistance à la température d’équilibre des soupapes d’échappement – 600 à 700 ° environ – sera encore de 25k°.

Mais l’utilisation de soupapes élaborées entièrement en acier austénitique révèle que, si à chaud la tenue de la tête des soupapes est satisfaisante, les qualités physiques de l’acier austénitique s’accommodent assez mal d’un frottement intensif sur le guide, et leur dureté dans un traitement spécial ne permet pas d’éjecter sur l’extrémité de tige un matage important dû à l’attaque du culbuteur. Ces deux difficultés peuvent être résolues en pratiquant un durcissement de la tige et de son extrémité par un traitement approprié.

Ces résultats acquis ont pour inconvénient d’augmenter le prix de revient déjà élevé des soupapes, ce qui, souvent fait hésiter certains utilisateurs ou responsables de Club à les employer.

C’est pour remédier à cet état de fait que Gabriel Jeudy a créé la soupape bi-métal AUST-GJ-2707 brevetée, élaborée de façon que la tête et le rayon en dessous de la tête qui sont constamment dans les gaz d’échappement, donc portés à une température élevée, soient entièrement en acier austénitique, le reste de la tige étant fabriqué dans un acier spécial présentant toutes les propriétés demandées par le frottement dans le guide et la bonne évacuation des calories, l’extrémité de tige étant durcie spécialement pour résister aux chocs répétés du culbuteur.

Les résultats obtenus avec les soupapes bi-métal AUST-GJ-2707 permettent de dire que la majorité des difficultés afférentes aux soupapes se trouve résolue.

Cependant, dans certains cas, les carburants actuels s’ils donnent des résultats satisfaisants dans un sens, sont dans un autre sens, souvent à l’origine de la destruction prématurée des soupapes. Déjà à cette époque, le plomb tétraéthyle, par son action nocive sur les organes portés à haute température, provoque un effet corrosif sur les parties chaudes des soupapes : tête, siège et rayon sous la tête.
C’est pour lutter contre cette corrosion que Gabriel Jeudy a dans ce cas adjoint à sa soupape bi-métal AUST-GJ-2707 brevetée, la soupape bi-métal AUST-GJ-2707 STELLITEE.

Le stelliitage d’une soupape consiste en un apport sur le siège d’un métal ayant une grande tenue à chaud et une action anticorrosive très élevée. En l’occurrence, le métal choisi a été le STELLITE (employé couramment dans la fabrication des soupapes d’aviation). L’apport du stellite par fusion a été complété par un FORGEAGE faisant l’objet d’un brevet.
Cette opération de forgeage augmente dans le rapport de 1 à 2 les qualités du stellite, par comparaison avec d’autres procédés où le métal d’apport n’est apposé que par simple fusion.

Cette technique efficace et spéciale aux fabrications Jeudy a été obtenue grâce aux essais pratiqués dans le laboratoire et sur les bancs d’essais de l’usine de Nogent sur Marne et a été concrétisée par les victoires des écuries de courses Jeudy-Bonnet, dont le palmarès de 1952 s’est enrichi de 10 records internationaux.

On peut donc sans crainte dire que l’expérience de Gabriel Jeudy, représentée par trente années de recherches et d’application dans la fabrication des soupapes de toutes catégories, tant Automobile que Motocyclette et Diésel, et complétée par la réalisation de soupapes d’Aviation à tête et tiges creuses, chargée de sodium, confirme la qualité des soupapes d’origines difficiles à retrouver aujourd’hui, sinon a des prix élevés. Mais il faut savoir ce que l’on veut et avoir les moyens de sa politique.

AUJOURD’HUI

D’autres traitements de plus en plus pointus sont maintenant appliqués lors de la fabrication des soupapes toujours dans le but d’en augmenter la résistance et la dureté surtout depuis l’emploi de carburant sans plomb, idem pour les sièges dans la culasse. Sans oublier les soupapes creuses contenant du sodium liquide ou des sels de lithium et de potassium pour améliorer les échanges thermiques donc le refroidissement de la soupape.

Il est donc exclu d’envisager une fabrication artisanale mais par contre, ce qui se pratique lors de la révision d’un moteur ancien dont les pièces sont devenues introuvables, c’est la mise à la taille d’une soupape neuve existante, provenant d’un autre moteur plus moderne et dont la taille est fort approchante, quitte à modifier guides et sièges dans la culasse.
Alors me diriez-vous, pourquoi ne pas récupérer des soupapes d’origine ayant déjà servies visiblement en très bon état et de les roder proprement ?
Mais là, c’est un peu la loterie : « remettre en état » d’anciennes soupapes est une entreprise risquée. L’ampleur des dommages n’est souvent pas perceptible à l’œil nu. Le matériau peut avoir été exposé à des températures trop élevées, ou bien les sollicitations mécaniques ont fendu la pièce. Il est aussi souvent difficile de dire si le blindage du siège et les zones trempées résisteront à une remise en état, si l’usure respectera encore les limites prescrites ou s’il est possible d’obtenir l’angle correct par polissage.

LE RODAGE DES SOUPAPES

Si actuellement le décalaminage et le rodage des soupapes sont devenus une opération inutile et ignorée, il ne faut pas oublier que nos anciennes étaient soumises à cette opération tous les 30 à 40.000 km, ce qui peut paraître « bizarre » pour les jeunes chauffeurs.

Cette opération est à la portée de tous les amateurs d’anciennes, c’est une opération relativement facile et réalisable par tous bons « bricoleurs » qu’est le décalaminage et le rodage des soupapes. Pour vous dire, je l’ai pratiqué pendant une demi-journée sous la férule de Bertrand Hervouet grand maître des moteurs Panhard !

Le décalaminage proprement dit des soupapes s’effectuera, celles-ci serrées dans le mandrin d’une perceuse, elle-même serrée modérément dans un étau, à moins que vous ne possédiez un tour. Il se fera à l’aide d’un grattoir et se finira à l’aide de toile émeri, ce qui donnera à la soupape un aspect « neuf ».

Les pièces ayant été respectivement nettoyées et vérifiées, celles paraissant toujours en parfait état seront alors prêtes au « rodage » proprement dit.

Le rodage des soupapes a pour but d’ajuster parfaitement la soupape respective sur son siège dans le but d’assurer une étanchéité parfaite, gage d’une compression maximale.
L’opération de rodage s’effectue à l’aide d’une ventouse (rodoir), elle consiste après avoir placé très peu de pâte à roder sur le siège et lubrifié légèrement à la burette d’huile moteur le guide respectif, à imprimer, sans appuyer, un mouvement de rotation alternatif entre les paumes des deux mains avec levée et décalage de 45 degré de temps à autre de la soupape concernée.
Il est bon, de temps en temps, de nettoyer soigneusement la portée et le siège pour vérifier la progression du rodage des soupapes.

Lorsque après plusieurs applications, les « cordons » de rodage, surfaces grises centrées sur la portée du siège et de la soupape semblent uniformes, on pourra conclure que l’opération est terminée.
Lorsque toutes les soupapes seront rodées, il est très important de tout re-nettoyer avec le plus grand soin, n’oublions pas que cette pâte est très abrasive et que ses résidus détruiraient rapidement votre moteur.

Un test simple à effectuer : dans une culasse retournée après avoir remonté la bougie et posé simplement sans ressort les 2 soupapes dans leur guide, remplir la chambre de combustion d’essence, aucune perte ne doit être remarquée.

Il ne vous restera plus qu’à remonter le tout, dans l’ordre du démontage, en n’oubliant pas le graissage « à la burette » de toutes les pièces que vous remontez et à terminer par un bon réglage du jeu de fonctionnement.

Mais rappelez-vous, qu’avant de monter les nouvelles soupapes, on vérifie l’état des guides et des bagues de sièges. En cas de traces d’usure importantes, ces pièces doivent être retouchées ou remplacées.

Charly RAMPAL (d’après documentation Jeudy d’époque)