L’important concessionnaire parisien de Panhard, Raymond Gaillard, l’oncle de notre ami Alain et de son frère François, était aussi l’un des partenaires financiers de la petite marque Callista crée à la fin des années quarante et opérationnelle depuis 1950.

Après des débuts encourageants avec des petits cabriolets sympathiques dérivés de la Dyna, l’affaire Callista capota au début de 1953 et Raymond Gaillard la reprit pour fonder la marque Arista.

Sous ce nom apparut en 1954 un joli coupé dont la carrosserie en matière plastique avait été dessinée par le styliste Berlemont déjà connu pour avoir créé un élégant cabriolet Panhard en 1951.

Dès 1955, Raymond Gaillard commercialisa son nouveau coupé en deux versions : Passy et Rallye.

Mais ce ne fut pas un succès commercial à cause des prix très élevés.

Malgré cela, le tenace Raymond Gaillard maintint au catalogue le coupé Passy pendant plus de 8 ans !

Pour le mettre au gout du jour, il va le remplacer en 1963 par un coupé sport, bien plus moderne dont les lignes avant-gardistes ne manquèrent pas d’accrocher le regard, avec sa lunette arrière en forme de bulle/hayon que Renault reprendra sur sa Fuego et Porsche sur sa 924 !

Son histoire est particulière et peut prêter à confusion.

En effet, il y a deux automobiles dénommées « ARISTA » dont la seconde est signée Jacques Durand, alors que les deux Arista produites le seront par l’intermédiaires de Raymond Gaillard.

Reprenons l’histoire depuis 1962.

C’est à cette date que Jacques Durand retrouve son pavillon de banlieue à Antony, au sud de Paris. Il rentre d’Espagne où il a travaillé sur des coques de bateaux en polyester après l’échec de la SERA.

Dans l’entresol de son habitation, il produit des volants pour René Bonnet : des volants qui équiperont les D.B. Le Mans et les D.B. Missile.

Comme nous panhardistes, la mécanique Panhard hante toujours ses nuits et relancer la fabrication d’un coupé sportif le démange !

Il rencontre alors, Raymond Gaillard qui officie au Garage Molière dont il est propriétaire : garage situé au 70 de la rue du Ranelagh tout près de la demeure de notre Etienne de Valance, c’est-à-dire dans le 16ème arrondissement de Paris.

Il lui présente son projet qu’il a dénommé ACPA pour Atelier de Construction et de Production Automobile.

Raymond Gaillard y voit l’opportunité de relancer la marque Arista et accepte de financer l’opération à condition que ce nom Arista lui soit porté.

Jacques Durand accepte et il se met au travail en 1963 avec l’aide de Max Saint Hilaire, le futur créateur des BSH et de Ricardo, un émigré espagnol.

Le développement de l’ACPA est donc financé par Raymond Gaillard et la première voiture est mise en chantier dans les locaux même d’Antony, à partir d’un moule :

Pour la motoriser, la mécanique Panhard est récupérée d’une PL17 Tigre accidentée dont le kilométrage affiche simplement 1.300 km !

Deux mois plus tard, la carrosserie est accouplée au châssis et sera terminée au Garage Molière chez Raymond Gaillard.

C’est là qu’elle prendra le nom d’Arista, comme convenu et du coup, changera de calandre pour adopter une en aluminium réalisée par la Fonderie d’Aluminium de Suresnes et polie par Euro-Chrome à Levallois.

Elle se verra parée du monogramme ovale Arista et le monogramme en métal chromé fourni pas les établissements G. Morel de Paris.

Sous le capot, on y fixe la plaque constructeur officielle d’un format 75 x 40 mm réalisée par les Etablissements Dupuy-Dubray.

Le numéro de série est frappé sur la traverse du support de direction, le numéro du moteur restant d’origine.

A noter que la numérotation des Arista commence par le numéro 101.

Nous sommes à la fin de l’année 1963.

En février 1964, l’Arista est présentée à la Presse Automobile et le n°214 de L’Automobile en fait écho.

L’accueil est favorable, ce qui pousse Raymond Gaillard à transférer l’atelier de fabrication à Vigny le Haut, sur la route de Rouen et crée la Société Vigny Industrie, dont le Directeur Technique sera Jacques Durand.

Comme on le voit sur les photos jointes, l’Arista a un air de famille avec la Sera pour l’avant et une mini Pegasso pour le dessin arrière.

Si l’auto est déclarée officiellement en 4 places, les places arrière ne peuvent accueillir que des enfants en bas âge…

L’auto est légère : 620 kg dont 400 à l’avant et 200 pour l’arrière, un peu dans les mêmes normes que le DB Le Mans, pour que la mécanique s’en régale !

 Très bien profilée elle mesure 4,08m de long, 1m58 de large, 1,17 m en hauteur pour un empattement de 2,26 m avec des voies de 1m30.

Bien entendu, pour réduire les couts, elle utilise un maximum de pièces existantes.

C’est ainsi qu’elle emprunte à la Caravelle : le pare-brise, les poignées de porte et le système d’essuie-glace.

Les optiques de phares et les poignées intérieures aux Simca P60, le commodo aux Traction Citroën, le système Marchal 641 à triple fonction – antibrouillard-veilleuse-cligotant – aux Peugeot 403 décapotables, les charnières de porte aux DS19, etc…

Je ne reviendrai pas sur la mécanique (moteur/boite) de notre 850 préféré développant 65 ch disposé à l’avant.

L’essieu arrière est également d’origine Panhard : un bras oscillant en V, semi indépendant et la suspension à barre de torsion.

Quant à la suspension avant, là encore on reste dans notre jardin avec le double ressort à lames transversales.

Le levier de vitesses quant à lui, il se retrouve transféré du volant au tunnel, avec, pour conséquence, une grille très particulière puisque la première est en bas à gauche, la seconde en bas à droite, la troisième en haut à gauche et la quatrième en haut à droite.

Le tableau de bord est riche d’instrumentation : compte-tours, tachymètre, ampèremètre, température d’huile, jauge électrique, etc…

Le tout sous un tableau de bord à visière avec une colonne centrale et placage en bois.

Les sièges proviennent de la Société Louatron à La Plaine St Denis comme ceux de l’Alpine A 108.

La bulle de la lunette arrière est en plexiglass formée sur gabarit par la Société J.O.S.P. à Paris. La visibilité est excellent mais par temps de pluie, c’est une autre histoire !

Elle permet aussi une ouverture immense pour accéder aux bagages.

Les bulles de phares sont eux en Altuglas réalisées par la Société Plexa.

Pour le refroidissement, pas de soucis, la grande bouche avale de grandes quantité d’air évitant ainsi le vapor-lock.

Le freinage est identique à celui de nos chères 17 avec de beau tambours ETA.

Restant dans la lignée des qualités des Panhard, la tenue de route est remarquable.

Pour le châssis, Jacques Durand a opté pour le principe des deux tubes latéraux reliant la traverse avant et l’essieu arrière.

A ce châssis, il a collé (au sens propre comme au figuré) la carrosserie en reprenant de la résine et de la fibre pour enrober le métal afin de souder la carrosserie en polyester au châssis en métal, un peu comme pour les Berlinettes Alpine ! Bonjour les réparations et les problèmes d’éventuelles infiltrations !

Mais dans la vie tout étant équilibre, ce que l’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre : on ne peut pas tout avoir !

Le résultat est néanmoins à la hauteur de la beauté et l’agressivité de la ligne avec un 160 km/h atteint rapidement et en toute sécurité.

Hélas, su c’est une belle auto, son prix reste élevé à 16.950 F si on la compare à une DS19 à 14.000 F.

Un catalogue basic sera même imprimé :

Même si la mécanique Panhard des années soixante peut être dépassée, la concurrence ne lui permettra pas de connaitre le succès.

D’autant que la distribution par la SAVAM (ne pas confondre avec la SOVAM !) limitait la voiture à une confidentialité évidente.

Ajouté à cela, les graves problèmes de santé de Raymond Gaillard obligé de vivre dans le sud de la France et qui sera obligé de vendre en 1966, Vigny Industrie, sans trouver d’acquéreur.

Fin 1967, les salariés sont licenciés et la société est en déroute.

Le Garage Molière est également fermé et vendu.

Raymond Gaillard s’éteindra en 1973.

Néanmoins, une dizaine d’Arista seront produites entre 1963 et 1964, dont 5 ou 6 à moteur Panhard.

La 3ème produite sera par exemple certain M. Garnier de Chatellerault. Elle était verte puis sera repeinte en rouge.

Le reste auront des moteurs Peugeot, Fiat Neckar, une (non terminée) un Chevrolet Corvair et la dernière un moteur Ford de la Taunus 20 MTS : un V6 développant 100 cv.

En France, je connais celle restaurée magnifiquement par notre ami Michel Esquès qui l’utilise régulièrement avec la quelle j’ai pu illustrer mon article de ses photos couleur (Merci Michel).

Que reste-il de ces superbes voitures ? Voici le témoignage de Michel Bellarbre et les photos de la sienne une ARISTA JD N°104 qui roule maintenant après 50 ans de sommeil.

Elle avait été achetée par le garage Hampe après la faillite de l’usine Arista, Hampe qui l’a équipée d’un moteur 1000 cc3 toujours présent.

Les cinq autos construites d’origine avec mécanique Panhard sont donc maintenant roulantes, une sixième carrosserie bidouillée avec une tentative de mécanique Peugeot a été rachetée par Matthieu Cognet qui l’a remontée sur une base de 24 CT.

Celles équipées de moteur Ford existent toujours mais ne roulent pas.

Charly  RAMPAL  (Documentation PRT, sur des informations de Jean Luc Fournier et les photos couleur de Michel Esquès).