DB LE MANS : LE TOUR DU PROPRIETAIRE
Pour une majorité des amateurs de la marque, la seule, la vraie, l’authentique DB, c’est bien sur l’HBR.
Sans mépriser vraiment la « Le Mans », ils ne lui accordent qu’un intérêt mitigé.
Pourtant, j’ai eu la chance d’en posséder un (le numéro 5024) pendant de nombreuses années : sorti de chaine le 2 mars 1961 et vendu par le « Grand Garage de la Place Vauban » dans le quartier chic du VIIème arrondissement de Paris.
Une première main dans son bel état d’origine et pendant des années ma famille et moi l’avons apprécié sans le moindre rejet, écumant les trajets sans fatigue de Paris / Le Puy / Gap / Marseille et retour, avec une bagagerie au cul, fixée simplement aux ferrures du pare-choc !
C’est d’ailleurs à travers ce vécu que je vous livre mes impressions, à la fois de conduite et de plaisirs : un bijou.
Moins typé que l’HBR, elle fut certes qu’une évolution « grand public » d’un thème éprouvé : une « décapotable » aux lignes paisibles et indémodables.
Pourtant l’intention était honnête.
Construire la « Le Mans » partait d’un bon sentiment.
Pour René Bonnet (Charles Deutsch ne fut pour presque rien dans son élaboration), il s’agissait surtout d’élargir son audience et d’ouvrir sa gamme.
Le marché des cabriolets en France et en Europe, était beaucoup plus développé qu’à l’heure actuelle.
En contrepartie, il était évidemment très encombré.
En 1959, on trouvait ainsi sur notre sol la poussive et pataude 403, la Floride asthmatique, la Facellia au cœur pur mais fragile, la Panhard Dyna fanfreluchée, sans oublier l’élégante Simca Océane, aussi bruyante à haut régime que bien dessinée.
En Italie, les nouvelles Fiat 1200 et 1500 suivaient la mode, et l’Alfa Gulietta spider planait au-dessus de la mêlée !
En Allemagne, et sans considération de prix, la Porsche 356, et la Mercédes 220 SE (caisse 1956) se partageaient l’essentiel du marché des cabriolets.
En Grande-Bretagne enfin, on jouait des coudes entre la MGA, l’Austin Healey, la TR3, la Sunbeam Alpine, etc…
Le marché tenait la route, il avait ses petites habitudes et ses règles de conduites.
Pour René Bonnet, l’occasion était belle de se faire une place au soleil pour peu qu’il respectât les conventions en vigueur.
Il les respecta à sa manière en reniant quelques principes personnels pour s’en tenir à une norme esthétique raisonnable.
Il en résulta un cabriolet aux lignes plaisantes sinon très originales.
La « Le Mans » ne succédait pas à l’HBR, elle l’épaulait simplement dans la gamme et proposait à une clientèle moins portée sur les fiches techniques, une esthétique sympathique et très appréciée par ma fille Céline,
un habitacle accueillant et spacieux, mais très sportif tout au moins raffiné dans sa présentation :
Et un coffre aux dimensions généreuses
Son châssis différait sensiblement de celui du coach en ce sens qu’il était fait de 2 poutres tubulaires reliées entre elles (c’est la moindre des choses ).
Pour un cabriolet, la rigidité est assez étonnante.
La carrosserie, toujours en fibre de verre stratifié, se compose de 6 éléments indépendants.
Moteurs et transmissions restaient quant à eux, identiques à ceux proposés sur le coach.
La « Le Mans » était livrable avec le 851 cc ou le 954 cc, en option.
SOUS UNE ROBE SEDUISANTE, ELLE CACHE SON JEU
Bien sûr, on est à des années lumières des protos DB des 24 heures à ce cabriolet gentil en apparence.
Mais il n’est pas question de tromperie sur la marchandise : il y a un nom de famille à respecter et chez DB cet esprit doit avoir du caractère !
J’ai retrouvé en effet, sur le « Le Mans », les qualités essentielles de l’ HBR : légèreté, maniabilité et performances élevées.
La commande de boite nécessite une fois de plus, un temps d’adaptation, même si l’on vient à peine de sortir du coach avec le dessin de sa grille si particulier.
Car l’axe est ici redevenu longitudinal.
Et là encore, René Bonnet y est allé de sa petite plaisanterie fine, en plaçant la 1ère et la seconde à droite, la 3ème et le 4ème à gauche dans l’axe, soit exactement le contraire d’une grille classique.
Mais à l’usage, avec ce type de voiture faite pour la route, on reste sur la 3 et la 4, donc tout près du corps du pilote, et on gagne et rapidité et précision.
En vitesse de pointe, on retrouve sensiblement les mêmes chiffres que sur l’HBR pour la même puissance, le 150 est atteint, ce qui dénote une bonne recherche aérodynamique quand on sait que sur un cabriolet, la chose est rare.
Cela dit, le poids plus élevé, se paie par des accélérations moins convaincantes (1’’5 d’écart aux 1.000 m départ arrêté).
Mais le « Le Mans », n’est pas fait pour la course !
Côté tenue de route, la « Le Mans » s’accroche à la route avec la même aisance que sa grande sœur.
Je dirai même que grâce à un empattement plus long, les passages en courbe sont d’une précision stupéfiante, un peu comme la BT par rapport à la CT chez les 24.
Là encore, j’ai eu plaisir à la lancer dans les courbes de l’autoroute à la sortie de Lyon vers Marseille, à une époque où la vitesse n’était pas encore limitée : un régal.
On peut prendre son pied sans craindre pour son existence et l’avenir de sa famille, même vu du ciel, elle aurait continuait à l’apprécier :
A l’époque, elle apparaissait dans contestations comme l’un des cabriolets les plus sûrs du marché.
Elle avait en fait, de solides atouts pour convaincre : ligne, finition, comportement, qualité de construction, performances, espace de vie, coffre, hard-top, etc … la liste serait trop longue !
Et pourtant, la « Le Mans » fut un relatif échec.
Il en fut produit à peine 200 exemplaires en trois années de production (1958 à 1961), ce qui est pour le moins regrettable… et aisément explicable.
La « Le Mans », dans sa configuration présente, aurait très bien pu convenir à une clientèle désireuse de disposer d’un cabriolet bien construit et original.
Encore eut-il fallu le proposer à un prix raisonnable.
La version de base, dénommée « Racing » valait déjà 13.900 F en 1960.
La Luxe : 16.500 F
La Grand Luxe : 18.500 F
… toujours pour deux cylindres et 850cc.
A ces prix déjà élevés, il convenait d’ajouter 2.000 F pour l’option 954 cc et 1.700 F pour le hard top que j’ai eu la chance de trouver en bon état.
La finition s’avérait toute fois à la hauteur du prix exigé… mais la clientèle avait sans doutes d’autres exigences comme celle de s’afficher au volant d’un italienne ou d’un britannique plus valorisantes pour les Bobo.
A 10.000 ou 11.000 F, nul doute que la « Le Mans » aurait pu connaitre un beau succès d’estime.
Mais René Bonnet, pour ce faire, aurait du rogner sur la qualité de construction, ce qu’il refusa toujours de faire.
Pour terminer sur une note historique, le petit cabriolet réapparu après 1961 sous la forme quasi inchangée, produit dans la nouvelle usine de Romorantin et vendu sous la marque « René Bonnet », puis « Bonnet ».
Il connu une carrière écourtée par l’arrivée da la Djet (il était proposé en version Missile (on sent déjà comme une odeur de Matra !) avec le 850 cc ou « Le Mans » avec la 1100, ces deux moteurs provenant désormais de chez Renault.
Il n’avait plus que l’apparence d’un DB… et le flat-twin qui était intimement lié à la légende de ta petite marque de Champigny, avait disparu corps et bien dans la tourmente.
Matra, déjà, se profilait dans les coulisses, sous couvert de s’intéresser aux procédés de construction des carrosseries plastiques.
Le sport automobile des années 50 avait appartenu à DB.
Celui des années 60 allait être marqué par l’émergence et le développement extraordinaire de deux firmes : Alpine et Matra, au destin tout aussi étonnant.
Deux conceptions différentes pour un même but : la victoire.
Mais je reviendrai dans un autre article sur la fabrication des « Le Mans » : je lui dois bien ça tant j’ai eu du plaisir à son volant…
Resquiat in Pace…
Charly RAMPAL (Photos personnelles)