11 juin 1955 : la catastrophe des 24H du Mans est encore dans toutes les mémoires.
Au surlendemain du drame, sur arrêté ministériel, toutes les épreuves automobiles programmées sur l’ensemble du territoire national avaient été suspendues. Cet interdit a joué pleinement pour le reste de la saison 1955.

Mais au fil du temps, les mesures drastiques prisent sous la pression de l’opinion publique, se sont assouplies.

Pour la saison 1956, un calendrier presque normal a été établi.

La sécurité, surtout en Rallye, a été le laissez-passer pour un feu vert de la Fédération.

L’ACO EN EXEMPLE

De son côté, l’ACO a montré l’exemple, comme pour effacer ce vilain geste du destin qui a failli tout enterrer. Mais come toujours, cet admirable Automobile Club de l’Ouest, a voulu donner l’exemple en lançant de gigantesques travaux en refondant totalement la zone des stands, la sortie de « Maison blanche » au sommet de la courbe Dunlop.

Naturellement les zones à forte concentration populaire ont provoqué les modifications les plus spectaculaires.

A Monthléry, l’UTAC que préside M. Le Grain-Effel, aidé financièrement par AZUR et TOTAL, est allé bien au-delà du cahier des charges qui lui était légalement imposé par les pouvoirs publics.

Au pied de la Tour de contrôle, on dénombre maintenant 34 stands « en dur » de 12 m2 chacun protégé par un auvent.
Au-dessus de ces minis garages, tous équipés d’un poste de distribution de carburant relié à une citerne de 10 .000 litres, un pont promenade, long de 136 mètres, peut permettre à 500 spectateurs privilégiés de vivre au cœur même de la course. Dans toute la zone proche de l’anneau de vitesse, les remblais de terre, à vocation plus ou moins panoramique, permettent une meilleure vision de la piste.

La sécurité y a aussi gagné.

Evidemment, ces travaux ont demandé beaucoup d’argent et aussi beaucoup de temps.
C’est tout de même à Monthléry que le sport automobile français de vitesse a pu prendre un nouveau départ.
Au début du mois d’Avril, l’Union sportive Automobile y a fait disputer ses Coupes traditionnelles.
Depuis que le circuit de Monthléry existe, quantité de formules y furent essayées.

C’est en préfaçant le programme officiel de ce Grand Prix de l’Ile de France, par 1000 km de Paris, que Maurice Henry donna naissance involontairement à cette appellation contrôlée : c’est incontestablement une formule – celle des 1.000 km - qui retiendra l’attention du public parisien et recueillera les suffrages.

Une épreuve courue sur un ou deux tours de cadran est obligatoirement… longue, tandis qu’une compétition limitée à 1.000 km, c'est-à-dire un peu moins de 7 heures de course à Monthléry, offrira d’avantage d’intérêt pour les spectateurs, sans les retenir trop longtemps.

Ce qui se vérifiera à chacune des épreuves, complété par un règlement clair en matière de classement : les voitures « sport » et éventuellement GT, auront une cylindrée limitée à 3 litres et seront réparties en quatre groupes de cylindrées distinctes, mais toutes concourent pour un classement général absolu et prioritaire.

Comme tout de même, il est impensable de demander à une Panhard-Monopole d’aller taquiner une Porsche ou une Ferrari, on établira également – à partir du scratch – un classement dans chacun des quatre groupes. On le voit, la notion d’indice de performance – pourtant très en vogue à une époque où la construction française, Gordini mis à part, n’est pas présente en tête des grilles de départ – cet indice, techniquement intéressant, mais peu « parlant » pour le profane, n’a pas été retenu.

Les classements vont ainsi de :
• 2001 à 3.000
• 1501 à 2000
• 1301 à 1500
• 0 à 1300

Le circuit de 7.784 mètres sera retenu.

Les meilleures idées, les meilleures intentions, les meilleures attentions ne peuvent pourtant suffire à faire une grande course. De tous temps, le succès d’une épreuve a souvent été dépendant de deux impératifs : la clémence du temps et la qualité du plateau.

C’est donc un an après, jour pour jour, après le drame du Mans, que ce 10 juin 1956, la course put se dérouler, hélas, sous un temps exécrable. La pluie n’abandonnant que 2 heures avant la fin.

C’est à 10h30, sur un ciment du genre patinoire que les 40 voitures s’élancèrent devant 25.000 spectateurs.

Jean Behra qui occupait la pôle sur une Masérati à côté de la Ferrari de notre ami Maurice Trintignant, rata complètement son départ.
Il fut l’homme des extrêmes, car après son départ, il faillit bien aussi manquer son arrivée…
La panne de carburant le guettait, en effet, à quelques centaines de mètres après la ligne !

Entre temps le niçois, auteur du 1er et 3ème relai (45 et 45 tours), bien aidé par Rosier (39 tours au second relai) avait dominé la course.

En tête au second tour, il s’aménagea d’entrée une avance régulière qui, au tiers de la course, se convertit en un écart irrattrapable de 1’38’’. Ajoutant le panache en s’octroyant le record du tour à son avant dernier passage !

Notre Maurice national, au volant d’une Ferrari 750 Monza de couleur bleue , après avoir bouclé le premier tour en tête, fut débordé par la Masérati sans pouvoir prendre son sillage.

L’éclatement du pare-brise ne facilitera pas la tâche de notre « Pétoulet ». Il terminera 3ème.

PANHARD CONTRE RENAULT

Chez les petites, chères à notre cœur, malgré la présence courageuse d’une Moretti et d’une Stanguellini à moteur Fiat bien entendu, on s’apprêtait à jouer en famille.

Le clan des bicylindres Panhard s’opposait à celui des 4 cylindres Renault.

Le match était quand même inégal car on trouvait 5 Flat-Twin contre seulement 2 moteurs « made in Billancourt ».

En fait, il s’agissait de savoir si le tank DB, très remarqué à Sebring, où Armagnac-Mercadier avaient enlevé leur classe et manqué de peu (sur piste sèche) la victoire à l’indice, pourrait endiguer les assauts de la nouvelle coalition formée par Panhard et Monopole.

Plutôt que de disperser ses forces, la marque doyenne venait en effet, de s’associer, sportivement parlant, à Monopole-Poissy. Panhard fournissait la mécanique, à charge pour Monopole de gérer les problèmes aérodynamiques (confection des carrosseries comprises) et de s’occuper aussi des essais et de la mise au point.

Avec les frères Chancel et Hémard-Flahaut, Panhard-Monopole disposait d’un quatuor de choc. Mais chez DB, associé à Héchard, Gérard Laureau n’était-il pas déjà l’indiscutable n°1 des Champigny’bots ?

Les tenants de Renault ne partaient quand même pas battus.

Pierre Ferry, le sorcier de Puteaux, non content de donner dans la haute performance des petits moteurs, avait aussi construit une très jolie voiture, très fine malgré un moteur monté à l’avant.
Pour Blache- Pons, ses pilotes, les 1.000 km étaient importants, les deux hommes tenant à prouver publiquement que la Ferry méritait bien sa place sur la liste des invités du … Mans.

Quant à la VP (Jules Vernet-Jean Pairard), en attendant le 847 cm3 prévu justement pour les 24H, elle disposait du 1063 de 747 cm3, monté à l’arrière d’un petit tank à carrosserie alu dont le poids ne dépassait guère les 500 kg.

Sur ce modèle, Campion fait équipe avec un jeune costaud, alors affecté au service commercial des Huiles Renault, le sponsor discret des V.P.. Il s’appelle Jean-Marie Dumazer.

LES PANHARD UNE PAR UNE

- Panhard-Monopole n°61 de Flahaut-Hémard = abandon. Ils résisteront un moment à l’attaque du tank DB puis se retirera aussi discrètement que leurs prédécesseurs.

- Panhard n°65 de Sourza-Van Sten = abandon. Un ancien modèle qui disparut rapidement.
- DB-Panhard n°51 de René Bonnet-Carmentier = non classée. Aux essais cette GT laissa quand même 3 petites Sport derrière elle. Elle fut logiquement asphyxiée dès le départ.
- DB-Panhard n°68 de Laureau-Héchard, 13ème au général et 1er de sa catégorie.

- Panhard n°62 de Stempert-Pagès = abandon sur sortie de route. Stempert fut l’un des premiers éliminés. Il disparut brusquement au virage de la ferme en même temps que la Ferrari 500 TR de Dernier (ça ne s’invente pas !).
- Panhard-Monopole n°60 des frères Chancel = abandon. Favoris logiques, les frères Chancel justifieront le pronostic. Ils étaient nettement en tête de leur classe quand la Panhard s’arrêta peu après le premier ravitaillement.

Charly RAMPAL