Le 15 avril 1953, « L’Auto-Journal » annonce en exclusivité la naissance d’une nouvelle marque qui – dans l’usine de la SIOP ex-Rosengart – se propose de produire une voiture de sport style Porsche 356 dont le moteur Panhard se situer à l’arrière !

La Marathon a été conçue et mise au point par les techniciens d’un nouveau groupement industriel dirigé par Bernard Denis, un fervent des rallies qui rêve de construire en France une sorte de petite Porsche.

Dans cette perspective, les dirigeants de cette entreprise se sont intéressés au prototype allemand Trippel né près de Stuttgart en 1950.

Une voiture à deux portes, bien profilée, équipée d’un moteur arrière Zündapp de 600 cm3, un moteur de moto fournissant 18,5 ch réels.

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Ce Trippel est un sinistre personnage, Oberturmbannfürher du parti nazi et ami d’Himmler, a pris possession en 1940 de l’usine Bugatti à Moulsheim.

Jusqu’en 1944, il va y fabriquer des torpilles et des véhicules amphibies.

Il s’est amusé à bricoler ce petit engin à ses moments perdus.

L’idée géniale de ce petit groupement d’amis niçois consiste à remplacer le bloc moteur Zündapp par un bloc de Dyna Panhard !

Après avoir acheté les droits de cette Trippel, la société Marathon la fait modifier pour l’adapter à la réglementation française et la doter d’un des moteur les plus performants de l’époque : celui de la Dyna Panhard de 850 cc développant une quarantaine de chevaux.

La Marathon, disposera donc d’une puissance plus que doublée par rapport au prototype d’origine, ce qui lui permettra d’atteindre les 150 Km/h, sur le papier tout au moins.

En réalité, les néophytes sont obligés de redessiner complètement châssis et carrosserie.

De l’origine, ils ne gardent que ce qu’il y a de mauvais : une suspension par coussinets de caoutchouc, les freins et la direction.

Leur inexpérience les empêchera de réaliser un projet convenable.

On baptise l’engin « Marathon ». Mais où le fabriquer ?

Les associés trouvent l’ancienne usine Rosengart à Levallois disponible après de multiples faillites.

Elle sera donc fabriquée dès l’automne 1953 dans l’usine que la société industrielle de l’Ouest parisien (ex-Rosengart) possède boulevard Dismude : la Marathon n’est  pas pour autant une Rosengart.

L’un des animateurs de l’opération, Claude Boudon, veut garder la position arrière du moteur, pour que cette voiture de sport soit vive et amusante à conduire.

Cependant, il prend conseil auprès de l’ingénieur Grégoire, une sommité technique à l’époque.

« C’est du vice de prendre le bloc moteur d’une bonne traction avant pour construire une tout à l’arrière ! De plus, l’usine Rosengart porte malheur.

Avant Rosengart, les frères Bellanger y avait fait faillite : je vous donne un an ! »

Mais, fanatisés par le projet ils ne feront pas cas de cette réponse et partirons la fleur au fusil…

Il ne leur fallu guère plus de temps pour déposer leur bilan. Coût de l’opération 80 millions de franc de l’époque !

Néanmoins, cette voiture mérite une attention particulière dans la galerie des portraits des voitures à mécaniques Panhard et comme j’en ai pas mal de documents, alors, allons y !

LA CARROSSERIE VAUT TOUTE UNE HISTOIRE

Si la carrosserie ressemble à la Trippel, au contraire de cette dernière, en acier, c’est une monocoque en polyester armé très légère reposant sur une plate-forme en acier indéformable et entièrement carénée.

Par contre, le prototype Marathon qui sera exposé la première fois au Salon de Paris, sera lui en acier : nous verrons par la suite le pourquoi.

Les Marathon et la Rosengart Sagaie, alors en préparation, auront un point commun : l’utilisation pour leur carrosserie d’un nouveau matériau du nom de « stratifié de verre et polyester » et qui sera baptisé « Polyester » pour des facilités de langage, formé d’une alternance de couche de verre et de résine.

Entré en 1951 à la SIOP, Robert Sobeau va devenir le grand spécialiste de la fabrication des premières voitures françaises à carrosserie « plastique ».

En avril 1953, Robert Sobeau est informé du projet Marathon et que le prototype en tôle était pratiquement terminé et allait servir de premier modèles pour les moules en pâtes à modeler et  qui seront utilisés d’abord pour le prototype à carrosserie en stratifié de verre et polyester, afin de gagner du temps , et ensuite un modèle en plâtre pour les moules définitifs à la fabrication en série.

Le prototype est prévu pour le salon de l’auto de Paris qui se tiendra du 1er au 11 octobre 1953.

Le projet est lancé et Robert Sobeau prend contact avec l’atelier bois pour faire réaliser quelques modèles.

Beaucoup de temps sera perdu par la mise au point de la matière plastique et la fabrication des outillages. Le retard s’élève à environ 4 à 5 semaines.

La présentation au salon de ce prototype était compromise et ce sera la proto en acier qui fera l’exposition.

Carrosserie métal non étudié pour concevoir des moules.

Le prototype en plastique sera terminé en novembre 1953.

La fabrication commencera vers la 15 décembre et les deux jeux de moules fabriqués assureront la cadence journalière de deux à trois voiture.

1953 : LE VERITABLE DEPART DU « PLASTIQUE »

L’année 1953 va être le véritable départ du « plastique » pour la carrosserie automobile.

Particulièrement intéressant pour les petites séries, les carrosseries en matière plastique  (comme on dit populairement) vont permettre le renouveau de la voiture de sport française.

L’apparente facilité de mise en œuvre et de réalisation, beaucoup de petits constructeurs vont essayer de concrétiser leur rêve.

Mais la réalité est tout autre. Il faudra attendre 1954 avec le professionnalisme de Robert SOBEAU pour atteindre une qualité digne d’une production en petite série : le coach DB HBR.

Mais revenons à ces balbutiements à travers la Marathon, œuvre sérieuse de tentative de mise en production, là encore on trouve Robert Sobeau à l’origine de la réalisation en avril 1953, comme je viens de vous le dire.

Pour plus de véracité et pour écarter tout risque de déviation historique (on sait que l’homme à toujours tendance à refaire l’histoire qui l’arrange), je vous rapporte le récit d’époque de Pierre ALLANET, lors de sa visite à l’usine Marathon.

PETIT RAPPEL HISTORIQUE ET TECHNIQUE

 « Si les travaux sur les carrosseries en matière plastique ont débuté aux USA chez Chrysler et Kaiser-Fraser en particulier, en France on ne restait pas pour autant inactif.

C’était d’abord notre excellent confrère et ami Bernardet qui réalisait une carrosserie en collaboration avec les services techniques de la compagnie de Saint-Gobain.

Au mois de septembre 1953, la Société Akron, productrice de résines de polyester construisait à son tour un prototype.

Puis, au Salon, nous voyons apparaître la Marathon entièrement carrossée en matière plastique et nous remarquions que Rosengart faisait aussi appel à cette nouvelle technique pour certains des éléments de carrosserie de la Sagaie : ailes AV et AR, capot,  jupes AV et AR  et planche de bord.

Il nous était aussi possible d’affirmer que le Salon de Paris 1953 devait être considéré comme une manifestation de l’apparition de la matière plastique dans la carrosserie automobile.

Le Salon de Londres devait confirmer cette impression. Nos voisins britanniques se mettaient, à leur tour, de la partie et nous avons particulièrement remarqué à Earl Court le roadster Singer entièrement carrossé en matière plastique.

Le nombre de prototypes déjà construit en matière plastique, la publicité faite sur cette nouvelle technique fait que tous ceux qui s’intéressent, même d’assez loin, à l’automobile, savent que la voiture automobile en plastique n’est plus du domaine du rêve.

Mais certains sur la fois d’articles de vulgarisation un peu trop simplifiés, se figurent que, grâce à la matière plastique, n’importe qui pourra construire des carrosseries puisque leur mise en œuvre ne nécessite pas d’outillage compliqué.

A ceux-là, nous dirons d’abord qu’une étude de carrosserie ne peut pas être faite par n’importe qui.

Ce premier point rappelé, nous chercherons à faire un tour rapide de la question en passant en revue les matières utilisées et les méthodes qui peuvent être retenues.

Enfin, nous rendrons visite aux ateliers de la Société Industrielle de l’Ouest Parisien (SIOP) d’où sortent les carrosseries des Marathon.

VARIETE DANS LES MOYENS ET LES METHODES

Quelle que soit la méthode employée pour la construction d’une carrosserie en matière plastique, elle découlera toujours du principe général suivant :  il suffit d’imprégner un feutre ou un tissu de verre d’une résine liquide dont le durcissement est ensuite obtenu par l’action combinée d’un catalyseur de polymérisation, éventuellement d’une température modérée allant de l’ambiante à 100°C et d’une presse de quelques kilogrammes au  centimètre carré.

Tel est le principe général. Dans les matériaux utilisés, il faut distinguer la fibre de verre et les résines.

FIBRES DE VERRE

Pour ce matériau, en France, nous sommes tout à fait dans le domaine d’activité de la Compagnie de Saint-Gobain, qui indique que la fibre de verre destinée à l’industrie des plastiques renforcés se présente en général sous trois formes :

  • la fibre coupée, composée d’éléments de quelques centimètres de longueur livrés en vrac. Cette fibre provient d’écheveaux de fil de verre continu ou silionne, coupés grâce à différents dispositifs. La fibre coupée n’est pratiquement pas utilisée pour le moulage des carrosseries ;

le mat, ou nappe de fibres coupées et agglomérées en feuille à l’aide d’un liant comparable avec les résines utilisées ultérieurement pour le moulage ;

  • le tissu de verre élaboré à partir de fil continu « silionne » ou discontinu « verranne ».
  • Il en existe à l’heure actuelle une vingtaine de types se différenciant par le tissage (toile, satin, etc…), l’épaisseur, la texture plus ou moins serrée, etc…

RESINE DE POLYESTER

Les matières utilisées presque exclusivement pour l’imprégnation des fibres de verre sont des résines de polyester liquides.

On en trouve présentant des viscosités très variables allant de celle d’une huile fluide à celle d’un miel épais.

Un premier travail de laboratoire consiste à choisir au mieux la résine ou à préparer un mélange répondant aux conditions d’utilisation.

En ajoutant à la résine ainsi obtenue un catalyseur on en provoquera la polymérisation.

Le choix de ce catalyseur est encore un travail de laboratoire. Par action de ce catalyseur, la résine se transforme en une masse dure, infusible, incolore et transparente.

Lorsque, comme c’est le cas pour la réalisation de carrosserie, la résine avant durcissement a imprégné des fibres de verre, on obtient, en fin d’opération, des stratifiés en plastiques renforcés, doués de propriétés mécaniques proches de celles des métaux légers pour une densité comprise entre 1,6 et 1,8.

La résine, à l’état naturel, est incolore et transparente.

On peut leur faire prendre certaines teintes par emploi de colorants, mais ceux-ci peuvent avoir une influence sur la vitesse de polymérisation et il arrive de les voir perdre entièrement leurs propriétés colorantes pendant la polymérisation.

Nous avons vu, en particulier, chez le représentant de Kaiser-Frazer en France, des éléments teintés dans la masse.

Mais comme une carrosserie en matière plastique peut passer à l’atelier de peinture exactement comme une carrosserie métallique, la recherche de la coloration dans la masse ne nous paraît avoir qu’un intérêt mineur.

Nous disposons maintenant de nos matières premières : fibres de verre et résine.

Quelles sont alors les méthodes mises en œuvre pour réaliser des carrosseries, autrement dit, quelles sont les méthodes de moulage, puisque cette fois, c’est bien du moulage qu’il s’agit ?

Certaines caractéristiques sont communes à toutes les techniques employées, aussi nous les rappellerons tout d’abord.

Il est d’abord absolument indispensable de prévoir un agent de démoulage qui peut être, suivant le cas, une graisse de silicone, une cire, une pellicule cellulosique ou vinylique, ou une feuille de polyéthylène.

Cette nécessité provient du fait que les résines de polyester adhèrent fortement sur la plupart des matériaux constituant les moules, qu’il s’agisse de métal, de bois, de plâtre et même de matière plastique renforcée.

En second lieu, les résines de polyester ont la propriété de ne provoquer aucun dégagement gazeux au cours de la polymérisation.

Il en résulte la possibilité de n’utiliser, en cours de moulage, que des pressions très faibles et même si on le désire, uniquement la pression du contact.

Ceci permet, évidemment, d’utiliser des moules très légers, d’où des économies sensibles dans les dépenses d’investissement. »

MAIS COMMENT S’EXECUTE CETTE CARROSSERIE EN SERIE ?

C’est ce que nous verrons dans un prochain article sur la MARATHON

Charly  RAMPAL  (d’après documents et photos d’époque)