QUAND GUICHET PILOTAIT DES PANHARD
Le nom de JEAN GUICHET est dans le monde automobile indissociable de FERRARI, des grandes épreuves d’endurance en particulier des 24 heures du Mans et de rallyes comme le tour de France auto, comme ici en 1963 avec José Berha.
Jean Guichet c’est aussi le prototype du gentleman driver des années 50-60,
élégant, courtois ce pilote soi-disant amateur (propriétaire à Marseille d’un chantier naval, il avait une certaine aisance financière) était en fait devenu le seul pilote non professionnel engagé régulièrement au sein de la Scudéria par Enzo Ferrari.
Quand cet « amateur » n’avait pas comme copilote Pierre Noblet, son alter ego d’outre Quiévrain, il partageait le volant des GT ou Proto du Cheval Cabré avec les Michael Parkes, Pedro Rodrigez, Nino Vaccarella…
C’est avec ce dernier qu’il remporte les 24h du Mans en 1964
Il me disait avoir été encore plus fier de terminer second l’année précédente à bord de la 250 GTO privée qu’il partageait avec P Noblet
Mais revenons à notre sujet, comment y a-t-il eu une période Panhard dans la carrière de Jean Guichet ?
Le jeune homme (il est né en 1927) débute la compétition automobile au début des années 50 sur une traction.
En 1951 c’est avec une 15-6 qu’il s’engage au tour auto. Sa voiture étant totalement de série on lui conseille avant le départ de passer chez un certain Bonnet à Champigny.
« Il m’a installé une nouvelle admission et monté 4 jantes alliages pour diminuer le poids non suspendu. Vous savez je ne connais vraiment rien à la mécanique mais je peux vous assurer qu’avec cette voiture on était toujours à fond » me confie-t-il lors de l’entretien qu’ils m’a si gentiment accordé lors de Rétromobile 2012.
L’épisode Panhard arrive à ce moment lorsqu’ayant pris gout à certaines épreuves sur circuits ou course de côtes, un de ses voisins Marseillais, François Antonelli, lui proposa de lui céder son racer DB.
Ce dernier courait depuis 1951 avec ce DB soit avec un 500cc dans les courses de la F-3 500cc nouvellement crée ou avec un 750cc pour les courses de cotes.
On voit ici Antonelli à son arrivée de la course à Draguignan :
ou bien à la course de côte de la St Beaume près de Marseille :
Durant l’été 52 Antonelli et son ami Chazalet on décidé d’acheter 2 racers Volpini qui pensent-ils seront plus performants grâce à leur mécanique issue de la moto (à cette époque, les Cooper-Norton de nos amis anglais font déjà la loi sur les circuits).
L’affaire est rapidement conclue : « J’échangeais le racer DB avec ses 2 moteurs et sa remorque contre une Simca 8 à moteur Dého, accrochait le tout à ma traction et filait à Montlhéry pour les coupes du salon » m’expliqua-t-il.
Il finira 3ème de sa première course de racer et bien classé en tourisme avec la traction !!
Pendant plus de 2 années il pilotera cette petite monoplace sur circuit : Marseille, Salon de Provence, comme ici en 1953 bien encadré par des Cooper :
… Montlhéry.. ou les courses de côte, Ventoux, Martigues et la Sainte baumes en 1954 :
Une anecdote : le 20 septembre 1953 il finit second de la course de racers organisée à Montlhéry.
La prochaine course a lieu le week-end suivant à Agen, il ne peut s’y rendre.
La jeune pilote Annie Bousquet (« une jeune femme ravissante »), impressionnée par les performances de la voiture de Guichet et par la qualité du plateau lui propose d’y participer.
Il lui prête sa voiture mais l’impétueuse pilote ne finira malheureusement pas la course effectuant un tonneau en essayant vainement de suivre les pilotes anglais.
Elle sera légèrement blessée au pied et « son mari a rapporté la voiture chez Bonnet à Champigny ; la voiture était réparée pour la course suivante au parc Borelli où Jean Guichet devra affronter les 2 Volpini des compères Antonelli et Chazalet.
On voit ci-dessous Guichet à Borelli encadré par Antonelli et Chazalet avec leurs Volpini probablement motorisées par des mécaniques Gilera.
L’expérience Panhard Guichet ne s’arrête pas là.
La traction Citroën est bien lourde et de nombreux pilotes de rallye ont fait confiance à la petite Dyna X, si légère, si maniable.
Avec son ami Chauvet il décident d’en acheter une (50/50) pour l’édition 53 du Monte Carlo.
« Nous l’avons commandée préparée » me dit-il d’un ton amusé « elle avait 2 batteries, une à l’avant, une à l’arrière, pour alimenter une paire d’antibrouillards et 2 barres de dégivrage du pare-brise ; ils avaient aussi rajouté un 3ème essuie glace sur le toit ! ».
Ils finiront 41èmes au général et 2èmes de leur classe
Ils utiliseront cette voiture pendant 2 années avant que Jean Guichet ne devienne un pilote Renault sur des dauphine préparées par le sorcier du boulevard Victor.
Je finissais mon entretien avec Jean Guichet sur sa période Panhard quand Etienne de Valance passa devant nous.
Ils ne se connaissaient pas personnellement.
Il vint nous rejoindre et découvrit 60 ans après les faits que ses très chères Panhard avaient été pilotées par ce géant français de la course automobile
Dois-je rajouter que le moment était émouvant ?
Et si l’on parlait un peu de ce racer DB ?
LE RACER DB DE JEAN GUICHET
Il est bien identifié : il s’agit du châssis 507 donc une des 10 premières DB à moteur Panhard.
Jusque là Bonnet et Deutsch avaient construit quelques voitures de course à moteur Citroën et ils font de la « préparation » à travers leur société EPAF.
En 1949 c’est le désaccord avec Citroën et l’alliance avec Panhard.
D’un coté le racer est présenté au salon de l’auto, de l’autre les premières barquettes sont ébauchées. Le 507 fait donc partie de cette toute première fournée de DB-Panhard.
Son histoire en course pour cette première année est mal documentée, on note seulement la participation à la course de racer de Grenoble en juin 1950, la course est gagnée largement par Harry Schell qui étrenne sa Cooper-Jap (mais ceci est une autre histoire sur laquelle on reviendra !).
Elle est aux mains de Novelli, il ne finira pas la course et la voiture est accidentée.
A partir de 1951 c’est François Antonelli, un pilote bien connu de Marseille qui l’a racheté.
Le palmarès est élogieux, Antonelli gagne sa manche à Draguignan alors que le plateau est très relevé, puis se sera Rouen, Montlhéry et quelques courses de cotes.
Pour améliorer les performances du moteur 500cc, il installe un double allumage avec 2 magnétos Marelli.
La nécessité de rehausser le capot n’est pas très heureuse esthétiquement, mais les performances sont là.
Jean Guichet m’a indiqué que Charles Deustch lui-même, intrigué par la puissance de ce moteur lui avait gentiment proposé lors d’un course à Montlhéry d’héberger le racer pour la nuit dans leur garage sous l’anneau et ne s’était certainement pas privé d’aller voir ce qu’il avait dans le « ventre ».
On a parfois confondu cette carrosserie à celle des quelques racers construits en 1951 et souvent appelés « grandes narines ». Il n’en fait pas partie.
Après l’épisode Guichet quelques incertitudes ?
Lui-même ne se souvient plus très bien quand et à qui il le céda.
Toujours est-il qu’il contribuera aux beaux jours de des courses de VHC dès 1973 avec la bande à Berton.
En 1986 un célèbre pilote-constructeur le rachète et le restaure. On le revoit dans différentes manifestations, salons ou démonstrations.
Il sera sur le stand de l’Amicale DB à Rétromobile ou chacun pourra admirer cette petite merveille.
Gilbert LENOIR