Vous savez ma profonde admiration pour René Bonnet à travers les D.B. bien entendu, mais surtout l’homme d’une nature exceptionnelle et d’une volonté farouche.

Deux articles sont en ligne depuis bien longtemps : « René raconte Bonnet » et « René bonnet le visionnaire », le tout accompagné d’une vidéo.

Mais ces articles sont liés à ses voitures et à ses innombrables victoires en grande majorité avec la mécanique Panhard.

Aujourd’hui, je voudrai parler uniquement de l’homme René Bonnet avant D.B.. Comment en est-il arrivé là ?

C’est cette face méconnu que je vous invite à découvrir travers les témoignages des journalistes Georges Lange, J-P Crozier et les archives D.B. mis en page par Alain Gaillard.

Un jour, A Vaunas dans l’Allier. un artisan ébéniste qui se demandait où pouvait bien être passé son fils – un môme de moins de quinze ans – il le découvrit dans un coin de l’atelier, très occupé à démonter la vieille machine à coudre de sa mère…

  • Que diable fais-tu là ?
  •  Tu vois, papa, je me fabrique un tour !

Le père haussa sans doute les épaules eu masquant un sourire.

Mais, lorsque quelques jours plus tard, il surprit le même René en train de démonter puis de remonter un vieux moteur à explosion, il lui guérit l’envie de recommencer !

Pourtant, une vocation était née qui devait porter loin, très loin ses fruits…

René Bonnet né  27 décembre 1904, qui devait logiquement succéder à son père comme ébéniste, il va même en stage à Moulins chez un fabricant de machines à bois, la société CAIL, était en passionné de mécanique, mais ce fut un accident qui changea brusquement la route de son destin.

En effet ; depuis cette histoire de machine à coudre, il ne se passa pas grand-chose sauf du côté sportif où René Bonnet occupe le poste d’ailier gauche dans le club de football local qu’il a créé avec quelques amis.

Cette bonne forme physique lui permettra sans doute de faire face plus tard à des problèmes de santé et de devenir un pilote automobile endurant.

MAIS QUEL EST CET ACCUDENT ?

Appelé à faire son service militaire dans la marine et là, il eut un très grave accident.

À l’occasion d’un exercice de natation un gradé, oblige René BONNET à plonger à un endroit où il n’y a pas d’eau ou si peu !

René BONNET exécute cet ordre insensé qui l’envoie à l’hôpital militaire de Toulon avec pour conséquences : la colonne vertébrale déplacée et un corset de plâtre.

Les médecins diagnostiquent ensuite une tuberculeuse osseuse nécessitant une immobilité totale.

C’est donc la fin du service militaire avec pour mention : réformé à 100 %.

C’est dans cet état que René Bonnet rentre dans sa famille, couché, inactif et inutile.

Une consultation chez un médecin de Moulins confirme le diagnostic.

Après un an d’immobilisation, René Bonnet demande à être hospitalisé à Berck-Plage car il a entendu dire qu’il y a là-bas un centre médical, l’Hôpital Bouville, qui pourrait peut-être lui permettre d’améliorer son état physique.

Les médecins militaires l’avaient condamné à une infirmité partielle.

De fait, ils eurent d’abord raison et ensuite tort.

René Bonnet va se payer six longues années d’immobilité complète, le corps entier serti d’un corset de plâtre.

Les débuts y sont difficiles. Même si la mer et la plage sont à deux pas, il ne peut en profiter.

L’ambiance est triste et René BONNET a du mal à la supporter au milieu de tous ces voisins de salle gravement touchés et souvent résignés.

Heureusement, l’esprit d’équipe du footballeur et l’ingéniosité du bricoleur, vont vite prendre le dessus et sauver René Bonnet de la déprime.

René Bonnet se mit alors à réfléchir : se faire pousser dans une voiture de paralytique ? Jamais… C’est ainsi qu’il se remémorait les quelques leçons de mécanique pratique qu’il s’était offert et il inventa un voiture à moteur, par orgueil, afin de prouver qu’il n’avait besoin de personne pour se promener

Cet engin ne fut jamais construit.

Mais René Bonnet ne peut pas admettre que sa santé ne puisse s’améliorer.

Il a remarqué que lorsque l’on est atteint du mal de POTT, ce qui a été diagnostiqué pour lui, la santé se dégrade inévitablement.

Or il n’y a aucune aggravation de sa santé, et il ne ressent aucune douleur depuis qu’il est rentré à l’Hôpital Bouville.

Il y a peut-être une chance pour que son cas soit différent de celui des autres malades ?

Il y a peut-être une chance, une toute petite chance, de guérison ?

Et ceci d’autant plus qu’il n’a subi aucun examen médical sérieux depuis deux ans !

René Bonnet veut en avoir le cœur net.

Il lui faut un avis extérieur à l’hôpital, trouver un médecin capable de lui faire un examen qui dira si oui ou non sa santé peut s’améliorer.

On lui indique un pharmacien de la rue de l’Impératrice à Berck, monsieur Touladjian, qui est équipé d’un appareil de radiographie.

Ceci peut paraître étonnant de nos jours mais, à l’époque, les cabinets ou laboratoires spécialisés n’étaient pas nombreux, surtout en province.

René Bonnet détruit son corset de plâtre et, toujours couché sur une charrette tirée par un âne, il se rend chez ce pharmacien.

Après la radiographie est formelle : il n’a le mal de POT !

René Bonnet attaque aussitôt sa convalescence, à la fois heureuse de retrouver bientôt sa liberté de mouvement et furieuse d’avoir été trompé et prisonnière d’un corset de plâtre pendant plusieurs années.

Cette rage de vivre fera que trois mois plus tard il part en convalescence dans sa famille, puis il retourne ensuite à Berck terminer sa rééducation.

Enfin il quitte définitivement l’hôpital de Berck et rentre à Vaumas avec des projets plein la tête et l’envie de rattraper le temps perdu.

Puis René BONNET est invité quelques jours chez sa soeur en région parisienne.

Elle a épousé un ingénieur chimiste, amateur de vieilles voitures, Lucien Pouliez, et ils ont acheté un petit garage à Champigny.

René Bonnet redécouvre avec grand plaisir la mécanique.

PREMIER DECLENCHEUR

Au début de 1929, le mari de sa soeur meurt.

Celle-ci demande à son frère René de venir l’aider à tenir le garage.

René Bonnet n’hésite pas un instant, il arrive à Champigny et très vite il découvre que l’automobile et la mécanique vont être ses futurs centres d’intérêts.

Il décide donc de s’installer chez sa soeur au 248 boulevard de Nogent. Le garage a la représentation de la marque Rosengart mais n’a réalisé aucune vente.

Il n’y a même pas de voiture en stock ou en démonstration.

Le Salon de l’Auto de 1929 lui fait découvrir le monde automobile.

DEUXIEME DECLENCHEUR

Un deuxième évènement qui suivit de près le premier, fut le moment où René Bonnet décida de louer une ancienne chaudronnerie à un jeune polytechnicien, Charles Deutsch.

Il devint aussitôt son ami.

Ensemble ils assistèrent à un Grand Prix et ce fut le déclic : « Pourquoi ne fabriquerions-nous pas nous aussi, une voiture de course ?

A celle époque, les voitures de sport utilisaient largement les éléments de série, seul le montage de ce puzzle sur un châssis adapté, faisaient la différence.

Passionné de courses automobile, René Bonnet s’inscrit à une école de pilotage pour apprendre le métier de pilote.

Mais l’idée de construire sa propre voiture de sport continuait à faire son chemin .

Des amis se regroupèrent autour de Bonnet et Deutsch.

Chacun décida de mettre son obole.

La première fut de 20 francs recueillie dans un vieux bidon d’huile transformé en tirelire.

Des mois passèrent et ils passèrent à l’action.

C’est dans un cagibi dont il fallait abattre les portes pour sortir l’engin une fois terminé, que la première voiture D.B. trouva vie.

Ils étaient partis d’un moteur de 11 cv dérivé de Citroën.

Terminée un dimanche soir, cette voiture fut aussitôt essayée par René himself, dans la rue sous le regard effrayé des promeneurs : temps béni om le mot « Liberté avait tout son sens !

Elle atteignit la vitesse de 145 km/h. Quinze jours, René Bonnet s’alignait avec elle à Montlhéry

Cela se passait en 1938.

En 1939, la voiture fut démontée pour lui apporter certaines modifications.

La suite, vous la connaissez : après la Libération, Deutsch et Bonnet se sont lancé dans la formule Racer 500, en partant du moteur Panhard.

Vu le rendement hors normes de ce moteur, ils construisirent des biplaces pour courir au Mans.

Puis ce sera le tour des records, des coupés sportifs et des Monomills dont le but était de permettre à des passionnés de sport automobile, qui ne sont pas riches, de pouvoir le pratiquer sur une voiture française.

Et quand on lui demandait quelles étaient les qualités qu’il préférait chez les jeunes garçons, il répondait : « le courage, l’honnêteté, la franchise. J’aime qu’on me serre la main en me regardant droit dans les yeux ».

Que pensait René Bonnet lorsqu’il était en course ?

« La course est un hallali pour la voiture qui est en tête. Les autres n’nt qu’une idée, qu’un but : l’obliger à casser, à abandonner… Je tâche donc d’être calme et détendu. Je pense à la devise du maréchal Lyautey, que j’ai adopté : « Allons doucement, nous sommes pressés ! »

Qu’aimez-vous d’autres que le sport-automobile ?

« Ma femme, mes enfants, la vie de famille avec son calme réparateur. La peinture ancienne, les ameublements anciens, le théâtre… où je n’ai jamais le temps d’y aller. La danse, la vraie, la belle.. pas les trémoussements… » Voilà qui était René Bonnet avant, pendant et après D.B. : un homme grand, droit qui était resté remarquablement jeune jusqu’au bout de sa vie et dont André Moynet disait : « la jeunesse n’a pas d’âge, elle est un état d’esprit, un effet de la volonté, une intensité d’action, une victoire du courage sur la timidité, du goût de l’aventure sur l’amour du confort. Rien ne répond d’avantage à ces principes que la course automobile. »

Charly RAMPAL  (Archives René Bonnet family  et D.B.)