Dans le cadre de l’opération vérité commencée avec la Dyna X, j’ai eu la chance et la seule possibilité de conduire un Junior pour en donner mon avis, grâce à Jean-Pierre Allain.

En effet, pour le Rétromobile 2003, nous avions décidé de présenter sur le stand du DCPL un Junior.

C’est Jean Pierre Allain, notre ami d’Erquy, membre actif de l’ACO, fin pilote et chef des commissaires aux 24 Heures du Mans qui nous avait prêté son magnifique Junior noir.

Il m’avait confié sa voiture que j’avais hébergée dans mon box d’Arcueil et profité pour la conduire afin d’en garder des impressions sans complaisance et des émotions inaltérables.

ENVIRONNEMENT HISTORIQUE

Si la maison Panhard était incontestablement bien armée sur le plan purement technique, il n’en était pas de même du point de vue financier.

La vieille firme de la porte d’Ivry, dont les bâtiments ont aujourd’hui fait place à des immeubles locatifs, éprouvait des difficultés croissantes à rentabiliser ses entreprises mais elle se battait néanmoins comme elle le pouvait et la Dyna Junior constitua l’une de ses louables tentatives.

Pour créer ce modèle, les ingénieurs de Panhard s’étaient appuyés, c’est le cas de le dire, sur le châssis séparé de la Dyna X, qui permettait de changer très facilement de carrosserie, cela, évidemment, au détriment de la rigidité et du poids.

L’idée de base était simple : dessiner un véritable petit roadster, avec un maitre-couple nettement plus faible que la berline et des performances également plus convaincantes.

Pour ce faire, le fameux bouclier d’alliage léger fondu, avait disparu et alors que, par ailleurs, Rédelé commençait à rêver à ses petites Alpine carrossées en plastique, Panhard restait fidèle à la tôle d’acier.

LA VOITURE

C’est en 1953 que les premières Dyna Junior apparurent.

Elles étaient mues par la version 850 cc de notre fameux petit bicylindre à plat refroidi par air, avec une puissance de 40 ch à 5.000 t/mn.

Renommé pour ses performances, ce moteur l’était également pour des raisons moins enviables : il était bruyant, vibrant, les « trous » à la reprise qui énervaient les conducteurs sportifs et les fameuses barres de torsion de rappel des soupapes ne dédaignaient  pas de casser lorsqu’on leur demandait beaucoup.

Mais des progrès avaient été accomplis et l’on vit sur la Junior un moteur plus souple, avec un carburateur double corps plus docile, de nouvelles suspensions-moteur caoutchoutées et aussi des barres de torsion de rappel des soupapes en acier forgé, dont les coefficients de dilatation correspondaient mieux à ceux des cylindres ailetés en alliage léger.

Pour donner une idée de l’évolution technique, la boite de vitesses présentait une vitesse de 1000 t/mn en 4ème des 25,4 km/h alors qu’une voiture de même cylindrée (Fiat 850) des années 70 montait à plus de 30 km/h, cela sous la pression d’une formule de calcul de la puissance administrative quelque peu stupide.

Surtout avec sa capote, la Junior n’était pas un modèle d’élégance.

Disons le tout net : elle n’était pas sans ressembler à une boite à chaussures aux angles à peine dégauchis.

Quant à son pare-brise – qui pouvait s’escamoter à demi et accentuer de la sorte l’aspect sportif de la sorte qui la faisait ressembler à une barquette du Mans – son encadrement primitif était très éloigné de la distinction plus ou moins affirmée des cabriolets britanniques…

Mais la Junior rachetait largement son aspect peu engageant par une qualité de comportement digne d’une véritable voiture de sport.

La hauteur hors-tout de l’engin était inférieure à 1,30 m et la hauteur libre au-dessus de la banquette – pourtant posée au ras du plancher – ne dépassai pas 0,85 mètres !

Au-dessus d’une taille de 1,80 mètre, il valait mieux renoncer à tout confort à moins de replier la capote (ce qui n’état pas aisé) et de se munir des lunettes à la Carraciola !

Avec cette petite chose dont la longueur hors-tout ne dépasse pas 3,70 mètres, on peu bien s’amuser, comme je l’ai fait.

Comme je l’avais souligné pour la Dyna X, les pneus très étroits Michelin X s’usent à vu d’œil car ils ne sont pas dimensionnés aux possibilités de la voiture, d’autant plus que leur technologie n’était pas celle d’aujourd’hui, mais je suppose qu‘avec des XAS collection tout devrait changer.

J’ai noté une suspension plus raide que celle de la berline et le roulis nettement plus faible.

AU VOLANT

Avec un volant d’une très grande précision et des freins qui obéissent au doigt et au pied, la Junior présentait des performances routières anormalement élevées pour l’époque qui contrastaient grandement avec une finition extrêmement sommaire.

Avec ou sans capote, il pleuvait à peu près autant dans la voiture et si la visibilité capotée était, curieusement, assez bonne vers l’avant et l’arrière, elle était beaucoup moins acceptable sur les côtés.

Surtout si l’on s’avisait de batailler pour monter sur les petites portières légères les panneaux latéraux théoriquement transparents qui remplaçaient les vitres classiques.

Les manques étaient très nombreux en matière d’équipement : pas de compte-tours, de montre, d’allume-cigare, de pare-soleil, d’antivol, de répétiteur phares-codes, d’issue extérieur au coffre à bagages.

Quant aux essuie-glaces, ils étaient inexistants.

Et puis, deux ans plus tard, alors que la chère petite berline était abandonnée au profit de la « grande » Dyna 54, Panhard se retrouva avec un Junior qui allait moins vite que la berline !

L’époque avait vu fleurir, surtout sous l’influence d’un talentueux préparateur nommé Constantin, à un grand nombre d’adaptations à compresseur volumétrique (voir mon article du 9 juin 2019 du Junior à compresseur).

Il suffisait donc de monter en série un compresseur sur le 850 cc et l’on obtenait une version 55 ch à 5000 t/mn qui atteignait 145 km/h, alors que le modèle de série atteignait tout juste les 128 (d’après les journaux d’époque).

Doté d’un couple et donc de reprises assez spectaculaires, ce modèle couvrait les 1000 mètres départ arrêté en 40 s, tout cela au prix d’une consommation  importante, puisque l’AJ qui l’avait essayé avait atteint la valeur presque record de 13,4 litres/100 km !

Cela étant, le comportement routier était encore plus exceptionnel pour l’époque : les Porsche 356, Austin-Healey et même Alfa de l’époque tiraient la langue derrière un Junior à compresseur dès que la route commençait à se tortiller… au grand désespoir des pneus qui s’usaient de plus en plus rapidement.

Le Junior fut en quelque sorte le chant du cygne de la Panhard vraiment sportive, avec, sur le plan de la carrosserie, l’indémodable et superbe 24 CT.

Charly RAMPAL  (impressions personnelles et croisement des essais d’époque : AJ, Automobile, Action);