LE CONTEXTE

Nous avons vu dans un article précédent intitulé « PANHARD : LES PREMIERS CAMIONS 1900 – 1908 » que le département des utilitaires de la société Panhard & Levassor en 1908, au moment où la marque, consciente de l’avenir de l’automobile en matière de transport, décide d’étendre ses moyens d’action dans ce domaine.

La hiérarchie militaire commence elle aussi à percevoir l’intérêt de la motorisation, ce qui va jouer un rôle prépondérant pour son développement dans la décennie précédent la première guerre mondiale.

LES OBJECTIFS DE PANHARD EN 1908

Pour 1908, la marque édite, en parallèle au catalogue consacré aux véhicules de tourisme, une brochure aussi épaisse et luxueuse mais entièrement dédiée aux « camions, omnibus et voitures de livraison ».

La gamme a été structurée en trois catégories : les voitures de livraison légères et omnibus (ce qui correspondrait aujourd’hui aux camionnettes et minibus), les voitures de livraison lourdes et les petits camions et enfin les camions à grande plate-forme : c’est une répartition finalement assez proche de la structure actuelle du marché, ce qui prouve que l’analyse faite voici un siècle ne manquait pas de pertinence.

Autre point fort de cette gamme, la synergie réalisée entre les différents modèles, qui partagent des éléments et des caractéristiques communes, mais permettent d’offrir des services variés.

En jouant sur les types de moteur et l’implantation de la mécanique (à l’avant ou sous le siège) mais aussi différentes longueurs de châssis, ce catalogue fait état d’une offre extrêmement étendue.

La gamme des châssis utilitaires du catalogue 1908.

La première catégorie rassemble des véhicules « destinés à des services rapides, pouvant transporter jusqu’à 1.000 kg de charge utile ».

La clientèle visée est même définie dans le catalogue : ce sont les services de livraison des grands magasins (un secteur pionnier en ce domaine), les grandes épiceries et les livraisons de bagages à domicile, notamment.

Les omnibus assurent par exemple un service dans les gares, les hôtels, les châteaux et les écoles, et peuvent emmener de six à douze personnes.

Ces véhicules disposent de longs ressorts à l’arrière, ce qui autorise une suspension très douce, compte tenu du fait qu’ils sont presque toujours utilisés sur des voies bien entretenues.

Comme c’était déjà le cas pour les premiers utilitaires, le moteur de ces véhicules légers peut être placé soit conventionnellement à l’avant, soit sous le siège, ce qui assure une maniabilité remarquable dans les petites rues des villes et une position surélevée au chauffeur.

Il offre une puissance de 10 ou 15 CV suivant le désir du client.

Pour favoriser la vente de ces véhicules, la marque met sur pied un service de location de fourgons de livraison, une formule qui séduira essentiellement des chaînes de grands magasins.

La seconde catégorie, les voitures lourdes de livraison ou petits camions, peuvent emmener une charge de 1.000 à 2.000 kg et, en conséquence, disposent d’organes renforcés : châssis, essieux, roues et ressorts.

Ces véhicules conviennent pour les blanchisseries, le transport de meuble, de papier et peuvent être livrés avec les mêmes moteurs, mais aussi un 18 CV sans doute plus adapté puisqu’il s’agit de transporter des charges plus lourdes.

Là aussi, on peut choisir entre le moteur à l’avant ou sous le siège.

Enfin, la troisième catégorie concerne les camions à grande plateforme pouvant porter une charge jusqu’à 2.000 kg, ou un type de camion lourd pouvant porter jusqu’à trois tonnes ou recevoir une caisse d’omnibus de 25 à 36 places.

En 1908, tous les véhicules utilitaires sont encore réunis sous un type des Mines unique (le type K).

Mais la marque prévoit aussi un châssis de 18 CV hors série pour grand camion, qui diffère par la transmission, assurée ici par cardan et non plus par chaînes.

Il s’agit du type V, dont la diffusion sera des plus confidentielles (trois exemplaires, entre 1909 et 1911).

Enfin, mais ce modèle n’est pas mentionné dans le catalogue, l’ancienne 8 CV type P à moteur trois cylindres (S3E) existe depuis 1904 dans une version utilitaire qui sera diffusée à quelques exemplaires, et qui subsiste d’ailleurs après la disparition des variantes tourisme en 1908, les quatre derniers étant livrés en 1910.

Il n’est pas possible d’en déterminer le nombre précis, car seuls sept exemplaires sont explicitement décrits comme voiture de livraison ou même petit camion, mais il est certain que quelques autres ont été gréés en utilitaire.

A partir de 1909, de nouveaux modèles d’utilitaires apparaissent, qui vont supplanter progressivement les types K.

C’est essentiellement le moteur 15 CV (T4R) qui est utilisé, mais plusieurs types sont disponibles en 12 CV (à cylindres séparés type T4E à transmission par chaînes, ou monobloc type (L)U4E, cette fois à transmission par cardan.

Cantonnée à une vingtaine d’exemplaires par an jusqu’en 1907, la production des utilitaires monte à 56 exemplaires en 1908, puis stagne à 58 en 1909, 55 en 1910, 61 en 1911, sans compter les quelques fourgonnettes type P.

En 1912, elle double (112 exemplaires), puis passe à 163 en 1913, et d’exploser en 1914 (495 unités).

Il est toutefois juste de préciser qu’en 1914, seuls les types K6 et K9 subsistent de la génération que nous étudions ici, et que la majorité des utilitaires recensés sont dérivés de la nouvelle gamme tourisme (X19 et X25) et que le tracteur Châtillon à quatre roues motrices compte pour un cinquième dans ces chiffres.

L’armée, en effet, compte maintenant beaucoup dans les chiffres cités, car depuis quelques années, la grande muette suit de près les progrès de l’industrie automobile, et la situation internationale tendue, qui débouchera en août 1914 sur le premier conflit mondial, pousse le Ministère de la Guerre à s’équiper en matériel performant.

Charly RAMPAL (d’après les archives Panhard et les catalogues, illustrant les informations de B. Vermeylen)