SERA PANHARD : 1960 – 1961
C’est au début de 1959 que Jacques Durand, qui s’était fait connaître suite à la production confidentielle de son ATLA à moteur Renault ou Panhard (voir mon article dans la rubrique « Voitures-Dérivées ») rencontre un certain Arbel, un industriel dont le souvenir était lié à un prototype d’une voiture un peu farfelu, la « Symétric » présentée en 1953. Cette voiture « sans queue ni tête » avait fait l’objet de quelques articles à sensation dans les médias papier du moment.
Arbel est très persuasif et propose à Jacques Durand de s’associer avec lui afin de dessiner, réaliser, produire et commercialiser une voiture à tendance sportive sous la forme d’un cabriolet, tendance du moment puisque en parallèle la concurrence va proposer le DB Le Mans er La Floride Renault.
Ainsi nait la SERA : Société d’Etude et de Réalisation Automobiles qui n’a rien à voir avec la même raison sociale de Charles Deutsch.
Le siège de cette nouvelle société se situe dans le 17ème arrondissement de Paris, plus exactement au 29 avenue de la Porte de Villiers.
Dans un temps record de mise au point de l’outillage et des moule, la fabrication artisanale peut commencer dans une sorte de hangar.
Ce n’est pas la fourmilière, mais chacun est à sa place et travaille consciencieusement sur le produit.
En peu de temps, les cinq premières voitures peuvent se prêter à une séance photo :
Le dessin de la voiture est magnifique, inspiré de la Jaguar Type 3 de Coventry et la réalisation en sera encore plus belle au point qu’il paraitrait (conditionnel volontairement employé) que René Bonnet « himself » aurait fait pression après de organisateurs du Salon d’octobre, pour ne pas lui octroyer de stand ( ?). En effet, elle se présente comme une concurrente sérieuse du tout nouveau cabriolet Le Mans, dont toutes deux utilisent la même mécanique Panhard.
Elle sera donc présentée à l’extérieur, aux portes du célèbre salon parisien où elle rencontrera un bel accueil malgré son prix élevé : 14.000 F !
Sa ligne est à la fois très agressive mais reste d’une grande élégance avec ses phares carénés, sa large calandre, ses prises d’air très design sur le capot. La réalisation est de très bonne qualité pour cette modeste entreprise.
Et les coques prêtes à être montées commencent à s’aligner :
Le pare-brise est celui de la SIMCA Océane dont la mode panoramique venant d’Outre atlantique était très prisée au début des sixties.
Quant à la poupe elle est tout aussi élégante. Certain la compare à la Chevrolet Corvette ou à la Pegasso Z103, mais pour moi, je reste sur ma comparaison type « E ».
Elle est livrable en deux versions : une avec capote ou sans capote
et l’autre avec un hard-top démontable en plusieurs parties qui ne la défigure nullement, comme vous pouvez en juger de face :
Ou de dos dont on peut noter les petits feux de nos PL17 dans un enfoncement destiné à les protéger, tout en leurs gardant une très bonne visibilité : :
Et dont la mise en place vous est détaille ci-après :
Le tableau de bord a une forte connotation sportive avec tous les instruments de contrôle en bonne position devant les yeux conducteur dont le magnifique volant à 3 branches ajouré ne nuit pas à leur lisibilité.
L’ensemble de la carrosserie est bien entendu réalisée en plastique renforcé, posé sur un châssis à poutre centrale tubulaire en acier, technique que l’on retrouve chez DB et CD.
Son poids plume affiche 550 kg en ordre de marche, son maitre couple réduit et son Cx servent très positivement la performante mécanique Panhard tant en version normale et qui puis est en version Tigre avec laquelle elle atteint les 160 km/h.
Les trains roulants viennent également de la Porte d’Ivry, mais ont été adapté, comme par exemple le train avant qui voit ses bras de réaction dirigés vers l’avant et non vers l’arrière comme nous en avons l’habitude sur nos PL17.
La SERA possède en plus un grand coffre puisque la roue de secours a pris place à l’avant dans le compartiment moteur.
L’orifice de remplissage du carburant est placé derrière la lunette arrière et la porte de coffre à la manière du DB Le Mans, dont on voit sur la photo la goulotte qui travers verticalement le coffre sans gêner son chargement.
Un petit dépliant sera édité, assez basique certes, mais déjà complet sur un feuillet de 20 x 8 cm, doté de deux rabats sur lequel on présente un châssis équipé de la mécanique, une vue du tableau de bord et deux vues de trois quart avant (capotés) et trois quart arrière (décapotée).
Devant cet accueil, Arbel s’enflamme et décide de fabriquer la SERA à Bordeaux où habitait Jacques Durand.
C’est le quartier de la Bastide, rue des Vivants plus précisément , au sein des locaux vétustes de Motobloc, constructeur de véhicules, abandonné depuis la crise des années 30 et qui produisait de l’armement pendant la 2ème guerre mondiale.
Deux cartes postale d’époque évoque ces lieux aujourd’hui disparus.
Mais les difficultés financières vont vite voir le jour. Un quinzaine de voitures à peine verront le jour en une année.
Une dernière tentative sera faite auprès d’un industriel espagnol, constructeur de machines outils, qui se disait intéressé après avoir vu la voiture lors de la Foire de Barcelonne.
Pourtant Jacques Durand, pour suivre le projet, avait décidé de s’installer là-bas.
Mais il n’était plus question de la mécanique Panhard, car sous Franco, il était très difficile d’obtenir des licences d’importation. Le choix forcé s’était porté sur l’anémique moteur DKW à 2 temps 3 cylindres de 1000 cm3 dont le véhicule de référence était le Biscoter de Voisin.
De plus, les relations tendues entre la France et l’Espagne de cette époque vont se rajouter aux difficultés purement matérielles.
Jacques Durand ne montera finalement que deux SERA : l’une à moteur DKW et l’autre à moteur FIAT, prévu pour une propulsion arrière, le moteur restant à l’avant, il avait fallu imaginer un pont arrière !
Mais pour Jacques d’autres aventures automobiles vont s’offrir à lui…
Charly RAMPAL