C’est en 1948, en cet immédiat après-guerre où l’activité économique reprend avec force, que quelques passionnés d’automobile décident, à l’occasion de la fête locale de ce petit chef-lieu de canton de la banlieue toulousaine, d’organiser une « attraction automobile ».

A la jonction de deux départementales fermées pour l’occasion, le sport automobile va se voir infliger, en ce dimanche de 1948, un après-midi de plaisir où seule comptera l’efficacité : grâce à la complicité des pilotes, tout est organisé pour qu’une véritable course en circuit fermé se déroule.

Le nombre d’engagés étant limité, pour satisfaire un public impatient, les organisateurs se décident à faire courir en deux manches qualificatives, un repêchage, et une finale : ce sera la formule originale retenue pendant plus de 10 ans de compétitions sur le circuit de Cadours.

Premier vainqueur, l’albigeois René Mauriès sur Simca.

Premier nom au palmarès certes, mais pas celui du 1er circuit qui ne verra officiellement le jour que l’année suivante.

1949

Cette fois-ci, les choses sont faites de façon très officielle : le circuit a été préparé, l’épreuve est inscrite très régulièrement au calendrier régional.

Le comité d’organisation obtient l’homologation de l’épreuve (Grand Prix de Cadours) par l’Automobile Club de France en catégorie voiturette / Formule 2

L’épreuve est lancée pour devenir un Grand Prix international dans les années qui suivent.
De grandes pointures y viendront glaner les quelques points supplémentaires qui pourraient leur faire défaut ou mettre au point leur voiture de la saison suivante (on souffrait à l’époque de l’absence de pistes privées permettant de pratiquer des essais, et ce grand prix venant en fin de saison, en même temps que le Grand Prix automobile de Monza).

Le premier Grand Prix de Cadours, couru le 18 septembre 1949, devant plus de trois mille spectateurs, est un succès.
L’engagement des pilotes venus de toute la France avec cette envie de courir après des années de privation, amène un très bon public qui va subir stoïquement deux heures d’orage avant de saluer la victoire de Gerbaut, « pilote parisien » selon la presse locale, venu avec sa Gerbaut Spéciale (une ancienne Lombard3) remporte l’épreuve.

1950

Le comité d’organisation rencontre des coureurs de renommée réunis sur le circuit de Lesparre-Médoc près de Bordeaux où se court une épreuve de Formule 2 afin de les inciter à venir à Cadours.

La moisson est bonne puisque sont présents sur la grille de départ de grands pilotes automobiles tels Aldo Gordini, Bonnet, Élie Bayol, Marcel Balsa, René Simone, Harry Schell et Raymond Sommer.
Une épreuve moto est organisée pour donner encore plus d'attractivité à l’évènement.

Grâce au hasard du calendrier international de Formule 2 (2000 cc), le IIème « circuit » (on désigne ainsi l’épreuve et non le tracé) va bénéficier d’engagement de très haut niveau.

Raymond Sommer, triple champion de France, double vainqueur de Spa et du Mans, « l’homme le plus sympathique des Grands Prix » selon le Sunday Express – il en a remporté 15 entre 1946 et 1950 – s’inscrit à l’épreuve suivi de Schell, son coéquipier chez BRM-Cooper.

L’écurie DB engage 4 voitures pilotées notamment par le Marseillais Elie Bayol

et Chaussat auréolé de son dernier succès au Bol d’or.

L’écurie Simca, dirigée par Amédée Gordini, engage Aldo Gordini et Thepenier.

Ce plateau est complété par divers indépendants de niveau national comme Balsa (BMW), Simone (DB), ou Antonnelli (Masérati) : la lutte va se situer au plus haut niveau.

21 voitures sont engagées au total, dont 8 pourront participer à la finale, avec des différentes motorisations qui feraient frémir les pilotes actuels.

Les Simca-Gordini sont équipées de 1490 cc compressées alors que les DB sont d’une cylindrée de 750 cc.

Entre les deux, les Cooper constituent l’inconnu avec leur moteur 1100 cc JAP.

Bien que ce soit leur première course en France, elles sont données favorites en raison de leur légèreté (250 kg) et de leur motorisation (92 cv pour 15 de compression) sur ce circuit très sélectif comportant 16 virages.

Les essais sont prometteurs : Sommer arrive en tête avec une moyenne de 109,09 km/h après seulement quelques tours de prise en main.

L’Américain Harry Schell quant à lui, n’a toujours pas reçu sa voiture et doit se contenter en attendant, de la 15ème place sur un Racer 500.

Si les DB sont handicapées par leur manque de vitesse de pointe (Sommer passe à plus de 170 km/h dans la ligne droite), elles tiennent tête à la meute des Simca, puisque Elie Bayol effectue le 2ème temps devant Gordini.

LA COURSE

Arrive l’heure tant attendue de la course.

Dans la première manche qualificative, Sommer s’arrête au 3ème tour, trahi par son allumage.

René Bonnet (DB) aveuglé par la poussière, heurte le bas-côté, effectue un tonneau et se trouve éjecté de sa voiture, mais peut regagner les stands à pieds, victime que de quelques contusions.

Salsa (ex-pilote moto) prend la tête et la conserve jusqu’à l’arrivée.

Dès le départ de la 2ème manche, Bayol prend la tête.

Gordini ne peut rien contre la virtuosité du pilote de la DB mais Elie doit cependant s’arrêter, tout comme Gerbaut (GS), victime d’ennuis mécaniques.

Le Marseillais Simone, sur la Simca la plus lourde du plateau, reste en tête alors que Schell, parti en retard sur la Cooper enfin arrivée in extrémis, remonte à la 3ème place au 9ème tour.

Gordini enlèvera la course devant Aunaud (DB) et Simone.

Simone et Bayol sont néanmoins qualifiés au repêchage pour la course finale.

LA FINALE

Le départ de la course finale est agité : Gordini prend la corde du virage d la passerelle derrière Sommer.

Il manque d’accrocher sérieusement Bayol qui doit s’arrêter au premier tour.

Sommer a enfin reprit la tête à 111,627 de moyenne au 3ème tour, suivi de Simone et Gordini. Il continue d’attaquer pour la plus grande joie du public.

Hélas, au8ème tour, Sommer ne passe plus.

Antonelli s’arrête au stand et la nouvelle de l’accident est connue.

Une clameur monte du public suivi d’un lourd silence en quête de nouvelles et d’espoirs.

La Cooper a quitté la route pour s’écraser sur un arbre situé sur le bas-côté opposé.

Sommer git à quelques mètres : du sans s’écoule d’une large blessure au front et de sa narine droite.

Le médecin et son mécano le relèvent : on le place sur une civière, mais c’est un cadavre qui quitte le circuit, dans sa combinaison bleue de France.

La course se poursuivra et René Simone sera récompensé de sa régularité.

L’ENQUETE

La nouvelle de la mort de Raymond Sommer jette une grande émotion dans le milieu international des courses automobiles : un grand champion a payé sa passion au prix de sa vie.

Les télégrammes du monde entier affluent à son domicile et ses obsèques démontrent l’image du sport qu’il portait en lui.
Derrière les fourgons d’assistance de l’écurie Talbot chargés de fleurs, Gabriel Voisin, Henry Farman, Georges Carpentier, Charles Pelissier, François Perrier et bien d’autres côtoient son mécanicien « Nono », son coéquipier Schell, tous les pilotes de Grand Prix, des ingénieurs comme Gordini ou Lago, ainsi que l’Ambassadeur d’Argentine qui représente le seul ami qui n’a pu venir : JM Fangio.

Une polémique s’instaurera sur les causes de l’accident qui a couté la vie à ce champion : fusée arrière défectueuse non remplacée, faute d’inattention, gêne occasionnée par un autre concurrent ?

La cause exacte sera connue 3 mois plus tard à l’occasion de l’expertise technique de la voiture.

Cet accident était inévitable et imprévisible : la sortie de route étant due à la rupture du levier de direction.

Une stèle en son honneur sera érigée sur les lieux mêmes de l’accident.

Charly RAMPAL (Compilation des documents et photos d’époque)

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