C’est aux Mille Miles de 1954 que Marcel Picart avait engagé une barquette D.B. Panhard de 1953.

Je vous avez relaté cette épreuve dans ma rubrique « Compétitions » – « Rallie ».

Mais revenons deux années plus tard, en 1926 pour se rappeler les états d’âme de 4 italiens qui déploraient (déjà !) la crise que traverse la sport-automobile de leur pays : Castagneto, Mazzotti, Canestrini et Maggi.

En effet, la voiture de course ne s’y produit plus qu’en circuit.

Ils redécouvrent la formule enthousiasmante : rapprocher le public de sa convoitise automobile en faisant de la route « normale » la voie sportive.

Ainsi de Brescia, une boucle fantastique est tracée, via Ferrare, Ravenne, San Marin, Rome, sienne et Florence.

Pas moins de 8 provinces traversées, un parcourt défiant tant le regard par la beauté des sites et monuments, que le courage par les difficultés à surmonter : reliefs montagneux, lignes droites en plaine et surprenants virages meurtriers durant « Mille Miles », soit 1.600 km.

Mais surtout, de chaleureux encouragement du public !

SUR LES TRACES DE PICART, AZEMA, CORNET, STOREZ, GIGNOUX, PAGES ET LES AUTRES …

De 1927 à 1957, 24 éditions de cette course permirent aux plus grands pilotes de s’en disputer la victoire.

Citons seulement Nuvolari, Caracciola, Farina, Biondetti, Ascari, Fangio, Collins, Gendebien et le jeune Stirling Moss, grand gagnant de l’édition de 1955 au volant d’une Mercédès 300 SLR, établissant le record définitif de 157 km/h de moyenne !

Mais, ce ne sont pas seulement ces noms prestigieux qui firent le succès des Mille Miglia.

De nombreux amateurs doués côtoyèrent les champions, ainsi les Bugatti s’affrontèrent aux 5 HP Peugeot, et les Ferrari aux Isetta.

C’est aussi l’éclectisme qui fit sa popularité.

Malheureusement, l’engouement des pilotes et du public engendra quelques imprudences… jusqu’au tragique accident de 1957 qui vit le décès de l’équipage du marquis de Portago et de dix spectateurs.

Tragédie qui sonna le glas des Mille Miglia… En tant que course de vitesse uniquement.

De cette époque, il reste le glorieux souvenir d’une des plus belles courses au monde sur routes ouvertes.

Mais heureusement, quelques véritables passionnés de ce retour vers le passé, ont remis à l’honneur le prestige des Mille Miglia.

Cependant, et c’est tout à leur honneur, la sélection y est sévère. Au moment de cette reprise, ne peuvent participer que les modèles entre 1927 et 1957, ayant concouru alors et présentant « un intérêt historique particulier ».

Mon ami Jean Pagès y avait participé en 1955 sur cette même barquette D.B. de 1953 que j’avais la chance de conduire sur le circuit Bugatti du Mans.

Hélas, trop tôt disparu, il n’avait pas pu assister à cette rétrospective et sa barquette était partie au Japon.

Je n’ai moi-même jamais pu y participer, alors pour être véritablement dans l’action, un autre copain va vous en parler : Christophe Pund.

Christophe Pund avait pu engager en 1991, une barquette identique et authentique : celle de Marcel Picart qui avait hélas, du abandonner avant Rome, sur incident mécanique.

C’est donc Christophe qui va vous raconter son aventure avec pour coéquipier, un italien bon ton : Giovanni Brunelli.

LA D.B. PANHARD DE PUND-BRUNELLI AU MILLE-MIGLIA 1991

« Jeudi 2 mai : Brescia est en effervescence.

Enregistrements, contrôles, ultimes vérifications, mini-paquetages.

Certains sont arrivés par la route, d’autres ont choisi la prudence et se sont faits livrer leur voiture.

La télévision japonaise s’affaire autour des premières voitures présentes.

C’est aussi le moment de quelques retrouvailles, notamment avec les organisateurs du rallye Liège-Rome-Liège.

Pour l’instant, il n’y a que la pluie battante, nous patientons à l’abri, procédant aux derniers ajustages chez Mobellini, le sorcier de Brescia.

Nos voisins de paddock ne sont rien moins qu’une Alfa 1500 Sport de 1920, et deux Jaguar, une SS 100 et une Type C.

Nous nous faisons l’effet de « petits » dans la cours des « grands ».

Mais ici, pas de ségrégation. Le propriétaire de la Type C nous encourage : « Piccolo, ma buono » (vous aurez traduit facilement) .

Avant le diner qui précède le départ, nous avons un meilleur aperçu de l’ensemble.

Pas moins de 31 nations représentées, du Zimbabwe à Hong-Kong, des Etats-Unis à l’Australie, avec 6 équipages français : Hervé Ogliqtro a courageusement engagé une Bugatti Type 43, et à l’occasion du centenaire Panhard, Robet Panhard et Jean Antoine Personnaz, une Panhard-Monopole à portes papillons de 1956.   

LE PLUS BEAU MUSEE VIVANT DU MONDE

Les plus belles voitures de sport des « années Mille-Miglia » sont toutes là : 49 marques !

Vous rêvez d’une Jaguar Type D ? Il y en a deux.

D’une barquette Aston ? Pas moins de trois.

D’une Cisitalia, d’une Pegaso, d’une Bugatti 35 B, d’une barquette Maserati A6G, et même d’un 4 cv Renault, toutes partantes…

Ah ! Les Mille Miglia, le plus beau musée vivant « del mondo » !

Gendebien était également présent pour cette veillée d’armes particulière. Mais place au show…

ACTION

A 20h15 commence le spectacle : toutes les 30 secondes défilent, nommées, les voitures acclamées, vrombissantes, en partance pour la première ville-étape, Ferrare.

Le départ se fait par l’ancienneté : une OM ouvre la danse, rappelant que sa famille domina la course les premières années.

Les « bravos », les applaudissements crépitent, malgré la pluie, pour les petites et les plus belles, les étrangères et les italiennes.

Le peuple italien est vraiment épatant et il nous le prouvera tout au long de la route.

En route pour Ferrare !

Nous fonçons dans la nuit, un œil sur le chrono, un œil cherchant une éventuelle présence dans cette obscurité : prudence…

Nous reconnaissons le pont et le château des Scoligero : nous sommes à Verone.

Longeant les arènes de la ville qu’immortalisera Shakespeare, nous réalisons crument la dure loi… du pointage horaire.

Tout au long de ce périple, de multiples endroits contrôleront notre « Timing ».

Dommage de filer su rapidement devant tant de trésors historiques !

Tous les carrefours sont balisés et protégés par la police, la route restant ouverte à la circulation normale.

Il faut reconnaitre ici la bienveillance de la police italienne qui, visiblement, aime et encourage la course : il y a même un équipage de policiers en tenue sur une Alfa 1900 de police d’époque !

DEBUT DES PANNES A REPETITION

Cependant pour nous, les pépins ne tardent pas.

Après Ostiglia, toujours sous la pluie, première panne : la batterie est à plat, la dynamo est défectueuse, surtout avec les phares allumés.

Nous redémarrons sans phares, précédés par notre voiture-assistance, warnings allumés.

Puis, c’est la panne totale, il nous faut trouver une batterie à 2h du matin, la plus hère d’Italie, allez savoir pourquoi…

Nous arrivons à Ferrare, premier havre, à 3h du matin.

Un petit 3h de sommeil de plomb et départ pour Ravenne, nous longeons la mer Adriatique, bien visible sur la carte, mais il pleur tellement que nous avons du mal à la distinguer, car tout n’est que d’eau !

Puis nous montons jusqu’à San-Marin en empruntant les rues piétonnes de cette charmantes petite république.

Nombreux sont les spectateurs sous leurs parapluies, et qu’ils soient papis ou gamins, l’ardeur est la même.

Ici, la ville juchée sur une colline est superbe.

Puis le tracé devient de plus en plus sinueux, les paysages grandioses.

Au ravitaillement, nous épongeons la baignoire qui nous sert de barquette, nous nous changeons pour des vêtements secs.

A ce moment là du périple, nombre d’équipages sombrent et abandonnent, trempés jusqu’aux os, d’autres n’hésiteront pas à louer une chambre pour une heure… pour prendre une douche bien chaude.

Nous, nous sommes hors temps.

Après 9h de pluie vers Terni, une éclaircie avec une pointe de soleil nous remonte le moral, pour faire place de nouveau à la pluie et à la nuit.

Et nous sommes déjà à notre troisième batterie !

Vers 11h du soir, ce sont deux glaçons qui conduisent la D.B. à l’arrivée de Rome, content de cette petite revanche sur l’histoire.

UN REGAL DE MONTAGNES RUSSES !

8h du matin, Rome.

Déjà en retard, nous changeons bougies, rupteur et batterie.

Nous faisons route pour rattraper le rallye avec de sympathiques Britanniques en Riley 1100.

A la course de côte de Radicofani, superbes série de lacets et de virages, puis nous nous entamons l’un des paysages les plus attachants du périple.

Une route serpentant sur la crête d’une multitude de collines : un régal de montagnes russes !

Les centres historiques de Sienne et de Florence verront défiler nos bolides, aux pieds mêmes des cathédrales.

Nous attaquons ensuite les cols de la Futa et de Raticosa : une 300 SLR nous double gaillardement en trombe… d’eau : c’est Stirling Moss, frais comme à la grande époque.

Comble de la préséance, pendant quelques kilomètres, nous sommes précédés par un motard de la police qui, gyrophare allumé, fait garer les voitures qui viennent à notre rencontre.

Ainsi, à vive allure, nous dévalons les pentes tortueuses de Raticosa, dégustant ce plaisir rare.

Nous passons par Modène, justement réputé pour ses belles italiennes.

Le jour tombe (probablement pour accompagner la pluie).

La batterie montre des signes de fatigue : mais interdit de s’arrêter !

Merveilleux : Brescia en vus, Brescia investie, quel accueil !

Une double haie de spectateurs enthousiastes applaudissent les bolides, pas même fatigués par la centaine qui vient de passer.

Chaque pilote a droit à son commentaire pour la télé locale : « seul le courage nous a amené à Brescia » dira le plus emphatique.

Depuis le début de la nuit, par mesure d’économie, nous n’utilisons que le clignotant pour nous signaler.

A 200 m du garage, nous osons mettre les phares… c’est la panne totale, nous finirons en poussant la D.B.. Mais nous avons fini !

D’après les organisateurs, ce fut l’une des plus belles rétrospectives, par son esprit et sa difficulté : plus de 100 abandons tout de même…

C’est une petite barquette Renault 750 Sport qui remporta l’épreuve, de régularité rappelons-le…

 Les Mille Miglia ? Assurément un rallye d’exception !

Charly  RAMPAL     d’après le vécu de Christophe PUND