C’est en 1952, que Louis PONS et BOUSQUET, tous deux spécialistes du Rallye sur 4cv Renault, désirent créer leur propre marque : la S.C.V.S. (Société de Construction de Voitures de Sport).

Leur projet consiste en un petit coupé animé par une mécanique de 4cv 1062 …RENAULT.

Pour le mener à bien, ils décident de s’adresser à Charles DEUTSCH et René BONNET à qui ils sous-traitent l’étude et la réalisation de la voiture. Ce projet est dévoilé dans  » L’EQUIPE  » du 25/12/1952 (!) que j’ai collé dans mes cahiers archives.

Voici l’article écrit par Pierre ALLANET que je vous retranscris intégralement pour une meilleure lisibilité :

« … C’est en effet, et cela ne saurait nous étonner, sur la mécanique de la 4 CV que Pons et Bousquet ont fixé leur choix, avec l’intention de  réaliser une voiture qui fera le plus large appel aux pièces de série.

Une Voiture de sport simple

Les animateurs de la nouvelle société ont été frappés par le nombre de propriétaires de petites voitures qui cherchent à les « « adapter » pour en tirer le maximum et avoir à leur disposition ce qu’on peut appeler une voiture de « sport ».

Par expérience, ils savent à combien revient cette  adaptation.

Ils ont pensé que, pour le mêmeprix on pouvait avoir une voiture, spécialement étudiée et, faisant appel à la collaboration de D.B., ils ont décidé de réaliser quelques prototypes qui leur montreraient la marche à suivre pour une fabrication en petits série.

L’idée de départ est d’obtenir une voituré susceptible de bonnes performances, offrant le meilleur confort au pilote et aux passagers mais d’une finition très simple.

L’objectif fixé, nous dit M. Bousquet, est, en partant de la mécanique de la 1062 Renault, avec la boite à trois vitesses, d’offrir une voiture qui atteindra le 130 chrono et sera proposée pour 950.000 fr. environ.

Pour ceux qui désireront aller plus vite ou avoir une voiture plus luxueuse il restera de nombreuses possibilités moyennant des suppléments de prix.

A chacun sa part dans la conception

Nous avons dit que, pour l’étude et la réalisation des premiers prototypes Pons et  Bousquet avaient fait appel à D.B.

Ceux-ci se sont chargé de l’étude générale de la voiture et plus spécialement de la carrosserie, Pons et Bousquet se réservant la partie mécanique.

Un premier châssis roule sur lequel on peut donner les précisions suivantes :

  • Voie : 1,22 m.au lieu de 1,19 pour la 4 CV normale.
  • Empattement : 2,15 rn.., au lieu de 2,10 m.
  • Hauteur : 1,23 m
  • Gardes au sol : 175 mm
  • Poids à vide : 550 kg

Direction Renault, de même que l’ensemble du train AV, du train AR et des commandes.

L’effort a surtout porté sur une meilleure répartition des charges entre les essieux et tout ce, qui pouvait améliorer la tenue de route. De par la conception même de la voiture, le centre de gravité est abaissé et, de plus, la flexibilité de la suspension a été modifiée.

Le dessin de la carrosserie est de D.B. qui ont fait appel à leur tour à l’expérience d’un aérodynamicien : M. Jean Dupuis.

Nous avons vu la maquette de la voiture alors que M. Jean Dupuis, très optimiste, rentrait d’un essai en soufflerie.

Ces essais en soufflerie, nous dit Deutsch sont très éducatifs, ils nous ont permis de corriger quelques détails, mais je ne tiens pas à vous donner la valeur déterminée pour le Cx, je reste fidèle à l’idée que ce sont les performances réalisées, compte tenu des caractéristiques de la voiture, qui permettent le mieux de fixer la qualité des lignes d’une carrosserie.

Encore quelques caractéristiques de la voiture :

-Maitre-couple : 1.37 m2

– Hauteur totale : 1,23 m,

– Garde au sol : 175 mm.

– Poids à vide inférieur à 500 kilos.

– Le réservoir de carburant placé entre les essieux aura, normalement, une capacité de 70 litres qui, pour la compétition, pourra être portée à 120 litres.

Perspectives d’avenir

Toute l’équipe qui travaille à la réalisation de cette nouvelle voiture en espère les performances suivantes :

– avec le moteur 1062, vitesse maximum de 130 km/h.

– avec lé 1068 : 150 km/h.

– avec certains aménagements particuliers, le 160 pourra être dépassé.

La première voiture roulera au début de février, deux autres sortiront peu de temps après.

Deux de ces voitures participeront aux Mille-Miles et le vœu des réalisateurs est que l’une au moins soit admise à participer aux 24 heures du Mans.

Quant à la commercialisation de la voiture, les animateurs de la SCVS estiment que, pour la première année, il faut se baser sur un programme minimum de 100 voitures.

Emulation nécessaires

Nombreux sont ceux qui s’étonneront de voir Deutsch et Bonnet qui étaient, jusqu’à présent, des spécialistes de la Dyna-Panhard s’intéresser à une réalisation à base de 4 CV Renault.

 Comme nous lui en faisions la remarque, Deutsch nous a répondu : « il faut d’abord préciser que, pour la 4 CV Renault, nous ne faisons office que de bureau d’étude.

Pour là construction en petites séries de la voiture, la S.C.V.S. garde son entière liberté.

De plus, avant le début des études de cette voiture, au mois de septembre, nous nous en sommes entretenus avec les dirigeants de la Société Panhard qui n’ont fait aucune objection »

Félicitons la maison doyenne pour la largeur de vues dont elle a ainsi fait preuve

Nous sommes, pour notre part, persuadés que l’engouement que l’on constate actuellement pour les petites voitures de sport ne fera que se développer avec l’émulation que créera nécessairement la lutte entre divers modèles.

Les Panhard D.B. serviront ainsi les Renault D.B. et réciproquement pour la meilleure réussite des deux modèles. (Pierre Allanet).

DEVELOPPEMENT DE LA D.B.-RENAULT 1065

La première utilisation de la voiture est prévue pour les 1000 milles en mai 1953 où elle est engagée avec pour équipage, Jean REDELE et Louis PONS. Mais avant d’en arriver là, c’est bien  » chez D.B.  » que sera réalisée la première voiture à partir des plans basés sur l’empâtement de la 4CV Renault.

Si le châssis est réalisé dans le style de celui des barquettes D.B. d’alors, adapté à une mécanique arrière, l’absence de besoin d’entrée d’air à l’avant amène à une forme totalement différente de celle des premiers coach alu réalisés par notre marque fétiche sur châssis Dyna X Panhard .

L’étude de cette carrosserie est menée conjointement entre Charles Deutsch et Jean Dupuis, aérodynamicien chez Dassault.

Sur les photos de la maquette de soufflerie, on voit que le  » coupé  » a déjà , traits de crayon à l’appui, des envies de devenir  » coach  » ( ou berlinette ) selon la « définition hippomobile de la carrosserie ».

Ses lignes générales ont manifestement laissé elles aussi une impression favorable à nos deux compères car elles ne sont pas sans approcher celles de la silhouette du futur Coach  » maison « . Par contre, grâce aux archives de Jean BERNARDET, ingénieur et journaliste technique, proche de Charles Deutsch, qui s’intéressait de près aux réalisations de D.B., nous pouvons remonter le temps et découvrir : ci-dessous la maquette de soufflerie…immatriculée 1065 D B !

Et telle qu’elle est conservée au Musée de Romorantin :

L’évolution de sa construction est suivie par l’Equipe et L’Action Automobile qui en présente à son tour le dessin en janvier 1953..

– Photos des  » couples  » en bois destinés à maquetter la vraie carrosserie et assembler sur un châssis équipé. Photos prises à l’occasion d’une visite de Louis Pons.

La carrosserie en fin de réalisation à Champigny

La voiture enfin terminée est inscrite aux Mille Miglia, pourtant, elle n’est pas encore terminée.

Dans le Garage de Louis Pons dans le 15ème à Paris, quelques compagnons s’affairent autour du prototype bleu de France métallisé, car il faut terminer les derniers aménagements : suppression de l’angle fait par la tôle cloisonnant la prise d’air dont les ouïes sont situées derrière les portières : on prévoit qu’il fera chaud en Italie.

L’intérieur laisse voir une installation des plus simples.

Deux sièges normaux, un jerrycan de réserve, la roue de secours, la batterie.

A l’avant le réservoir.

Cette année Pons et Rédelé courent en catégorie « sport » et peuvent apporter toutes les modifications qu’ils jugent utiles.

Aussi ont-ils fait fabriquer un réservoir de 80 litres qui doit leur permettre d’accomplir le parcours en se ravitaillant au plus trois fois et peut-être seulement deux.

Quant au moteur, il a été entièrement réalisé avec ries pièces de 1063.

On y ajuste deux carburateurs horizontaux Weber, des tubulures spéciales.

Le pot d’échappement est à deux sorties.

Pons pense développer une quarantaine de chevaux.

Le moteur a tourné une trentaine d’heures au banc mais la voiture n’a jamais pris la route, les deux pilotes risques de partir à l’aventure sans un essai préalable : mais le temps presse.

Car, en ce jeudi du mois de mars 1953, ils doivent Partir le soir même, car les premiers essais ont lieu le samedi matin suivant à Brescia où pensent arriver demain vendredi à midi…!

LE FIN MOT DE L’HISTOIRE

Mais sur place en Italie, pas de Renault-D.B. ! Pourtant Rédelé-Pons sont bien au départ, mais avec une berline 4 CV !

Que s’est-il passé ?

Avant de prendre la route pour l’Italie, ils décident d’aller procéder à un essai à Montlhéry.

« Dans le premier virage à gauche, la voiture fait une embardée qui est accentuée dans l’autre sens en essayant de la corriger, et ainsi de suite tout en perdant de la vitesse, jusqu’à la sortie de route sans aucun dommage ».

L’auto est alors jugée inconduisible en l’état et les modifications à apporter pour améliorer la tenue de route trop importantes pour avoir le temps de les réaliser et .. .l’essayer avant de partir pour Brescia !

Dans la nuit qui suit , Pons et Rédélé démontent alors la mécanique 1063 de la voiture et la remonte dans leur habituelle caisse de 4cv 1063 bien préparée.

C’est donc avec leur berline qu’ils prennent le départ en catégorie  » sport de série « , pour terminer vainqueurs en mois de 750cc, bouclant les 1512 km à 99,164 km/h de moyenne, en 15 h 14 mn et 51 secondes.(Ils rééditeront, en tourisme, l’année suivante).

Rappelons que sur leur barquette D.B. à mécanique Panhard carrossée par Antem,Touzot et Persillon remportent la catégorie 750cc « sport international (donc plus légère) à 106,031 km/h de moyenne en 14 h 15 mn et 36 secondes.

QUE DEVIENT ALORS LA D.B.-RENAULT S.C.V.S. ?

En fait, s’il ne semble pas avoir reçu le baptême de la compétition, il est resté une belle voiture qui, dans un premier temps est revendue à Jean Terramorsi, fondateur (avec Claude Haardt , fils de l’organisateur de la fameuse croisière jaune Citroën) de Renault Sports.  Toujours grâce à Jean Bernardet , on peut admirer les photos de cette berlinette « civilisée », dont l’une présentée par J.Terramorsi .

Une fois terminée, ses lignes ressemblent beaucoup moins à ce que deviendra le coach H.B.R.5 que ce que ne le laissaient penser les dessins et la maquette de soufflerie.

Par contre, Jean Bernardet confirmera qu’elle ne tenait pas la route !

Du projet de série envisagé (50 ou 100 voitures, il n’en fut plus question.

La série en effet, ce seront les Alpines, dont l’étude ne devra rien à ce qui est resté le premier prototype d’une voiture étudiée et réalisée par D. B. (et non « initialisée ») avec de la mécanique de 4 cv Renault.

On a vu qu’en 1954, Jean Rédelé et Louis Pons ont participé par la force des choses aux Mille Miles avec une 4 CV pourvue de la fameuse boîte de vitesse licence Claude qu’ils fabriquent.

Cette année-là, les 5 4 CV engagées passèrent la ligne d’arrivée, se classant aux 5 premières places de leur catégorie.

Les valeureuses 750 remportèrent encore leur catégorie dans bien d’autres épreuves : Liège-Rome-Liège, coupe des Alpes, etc.

Jean Redelé était maintenant connu dans le milieu très fermé de l’automobile.

Pour Jean Redelé, le pilotage n’est pas une fin en soi : il rêve de devenir constructeur.

En 1952, il avait rencontré le carrossier italien Michelotti et lui avait commandé l’étude d’une carrosserie sport dans laquelle seraient montés la plate-forme et les éléments mécaniques de la 4 CV.

Michelotti put faire le dessin de la « Rédelé spéciale » mais Jean en confia la réalisation à un autre carrossier italien : Allemano. Au mois de décembre 1952, Jean ira chercher cette voiture qui a un look arrière semblable à la D.B.-Renault et la ramènera par la route.

La première « Rédelé » a été conçue sur une plate-forme de 4 CV Renault.

Sa carrosserie est en aluminium et l’ensemble ne pèse que 550 kilos.

Il travaille alors six mois à sa préparation et remporte le rallye de Dieppe 1953, la coupe des Essarts et la coupe de la ville de Lisbonne au volant de cette voiture.

Cette année-là, Jean vendra la licence de fabrication de la Redelé spéciale à un riche industriel américain.

En janvier 1954, la Redelé, qui s’appellera aux USA « The Marquis », s’embarque pour être exposée au « Motor-Show » de New York.

L’industriel américain, après avoir commandé à la Régie 150 plates-formes de 4 CV, modifiera tant et si mal la voiture qu’elle nepourra jamais entrer en production, perdant ainsi quelques centaines de milliers de dollars !

Puis ce sera l’Alpine A106 : la première vraie Alpine commercialisée, mais on connait l’histoire…

Charly RAMPAL   (Documentation de la Presse de l’époque citée dans le texte, Jean Bernardet cité dans le texte,doc perso (photos) et informations écrites de Roland Roy,et Dominique Pascal pour Alpine)