La célèbre épreuves d’endurance américaine a vu les victoires respectives de Ferrari à la distance et celle d’une DB-panhard à l’indice de performance.

Si la victoire de la Ferrari de Phill / Gendebien était dans la logique des choses, celle de Laureau / Armagnac sur la petite DB-Panhard, a été une belle surprise en renouant ainsi avec la victoire qui n’avait plus tété enregistré depuis 1953.

Ce succès français aura d’heureuses répercussions aux USA et aujourd’hui encore, la marque DB-Panhard est toujours présente sur les circuit vintage avec notre ami Molérus et ses congénères.

Beaucoup de Coach-DB ont été vendus aux USA dont une grande majorité ont été rapatriée à force de containers sur notre territoire et parfaitement restaurés.

Pourtant l’opposition avait été forte pour le classement à l’indice, face aux Fiat-Abarth, OSCA et autres Porsche.

Mais, tout d’abord, pourquoi ce lointain et onéreux déplacement en terre américaine pour DB, vivant déjà au-dessus de ses moyens ?

Trois raisons à cela :

- Depuis 1952, René Bonnet n’a jamais manqué le rendez-vous de Sebring et sentimentalement il ne peut abandonner un circuit dont il est presque le père, puisque c’est lui qui, voici 7 ans, en conçut le tracé avec les organisateurs américains.

- Commercialement ensuite, parce qu’à chaque sortie de ses petites voitures correspond un afflue de commandes nouvelles pour le marché américain.
- Sur le plan sportif enfin, puisque les DB ont enlevé 3 fois le classement à l’indice : 1952, 1953, 1959.

En cette année 59 qui nous occupe, Gérard Laureau et Paul Armagnac, qui constituent l’équipe de pointe de Champigny, ont enlevé ce classement de haute lutte, dans des conditions extrêmement difficiles, seul classement à la portée de leur bicylindre de 750cc !

Plutôt qu’un long discours journalistique sur la course ou de seplonger dans les tabloïdes de l’époque, demandons à Gérard Laureau de nous raconter « in board » ses sentiments.

« Il n’est guère possible de comparer les 24 Heures du Mans aux 12 Heures de Sébring, ne serait-ce tout d’abord par son tracé très différent, beaucoup plus tourmenté que celui de la Sarthe : il y a quatorze virages dont quatre en épingle sur 8,350 km.

Les installations, à cette époque restent très précaires, comme les stands par exemple, qui ne sont pas en dur et le ravitaillement en carburant se fait à l’aide de jerricans de 20 litres !

Le public est fort différent : au Mans des sportifs certes, mais aussi des snobs ! Tandis qu’à Sebring, ce sont des mordus en grande majorité ou des fêlés de l’automobile !

J’en veux pour preuve les parkings environnants qui regorgent de Ferrari, de Corvettes principalement. »

René Bonnet avait engagé 3 voitures à Sebring : un coach en alu n°57 un moteur 850 qui fut confié à un équipage américain Howard Hanna et Richard Toland et deux tanks 750 cc, ceux du Mans 1958 : châssis 978, pour Perrier / Bill Wood et la 988 de Laureau / Armagnac (données Alain Gaillard), avec toutefois une modification mécanique avec l’adoption du double allumage et un couple légèrement plus court : 27,500 aux 1000 tours.

« Avec ce double allumage, poursuit Gérard Laureau, nous avons des reprises beaucoup plus franches et nous gagnons 200 à 300 tours à haut régime en 4ème : donc plus de couple.

Il nous fallait bien cela pour tenter de battre les OSCA 750 et, par lâ même, pour pouvoir faire jeu égal avec les Porsche 1500 pour le classement à l’indice.

La Floride est un pays privilégié, enchaîne Gérard, il ne pleut que quelques jours pas an, presque à date fixe, rarement au mois de mars, ce qui diminue les risques d’erreurs que pourraient commettre les organisateurs dans le calcul de leur indice.

Les voitures évoluant sans cesse sur le sec.

C’est ainsi que, cette année, après six heures de course, on trouvait encore 6 voitures dans un mouchoir, avec à peu près le même indice poussé au centière : une Porsche 1500, 2 OSCA 750, Une Porsche 1600, notre DB 750 et une Ferrari 3 litres.

Nous nous apprêtions à livrer un combat à la seconde, lorsque vers 17h15, après 7 heures de course, une pluie diluvienne s’abattit sur le circuit et ce, pendant 2 heures…

Du fait de l’absence presque continuelle de pluie, les routes et plus encore les pistes d’aérodrome (les 2/3 du circuit sont constitués par des pistes désaffectées) sont prévues sans écoulement des eaux, si bien que la pluie forme très rapidement un matelas d’eau propice à l’aqua planning..

Les roues ne touchaient pratiquement plus le sol, nous évoluions entre des gerbes d’eau, l’allure se ralentit alors considérablement.

Nous-mêmes qui tournions en 4’7’’ / 4’8’’ , nous ne bouclions plus le tour qu’en 4’45’’, mais ce fut encore bien pire pour nos adversaires, les Ferrari, les Porsche, le Jaguar ralentirent à un point tel qu’ils perdaient przesque une minute au tour : 4’30 au lieu de 3’35’’.

Au plus fort de la pluie, et dans les virolés des tribunes, nous doublions toutes les grosses cylindrées !

Initialement, notre tableau de marche était calculé de manière à tourner en 2 secondes de plus au tour que l’OSCA 750 de De Tomaso.

A la septième heure, nous possédions donc ¾ de tour de retard sur la voiture italienne, malgré un seul arrêt à notre stand, car René Bonnet avait décidé que nous piloterions chacun 6 heures d’affilée.

Après une heure de pluie, non seulement nous avions comblé notre retard, mais nous avions pris un tour d’avance.

L’avantage de posséder une voiture traction avant sur ce sol particulièrement glissant se manifestait pleinement.

J’avais même pris trop de confiance et je me rappellerai toute ma vie ce tête-à-queue extraordinaire dont j’ai été victime.

J’avais repéré à l’aide de mon compte-tours, la vitesse maximum à laquelle je pouvais négocier certaines grandes courbes, mais un moment d’inattention me fit oublier cette limite.

Dans la grande courbe avant les tribunes que j’abordais avec 300 tours de trop, lentement la voiture partit sur la gauche, commençant, entre deux gerbes d’eau, à décrire une ellipse.

Inutile de chercher à la rattraper.

Elle fit un tour complet sur plus de 150 mètres en longueur et je me retrouvais dans le bon sens, prêt à repartir, le moteur n’avait même pas calé, ce qui prouve le peu d’adhérence que pouvait bien avoir les roues sur cette patinoire.

Sitôt la pluie terminée, et la piste redevenue à peu près sèche, la petite OSCA qui était à ce moment à 3 tours , commença à combler son retard, à raison de 4 secondes par tour.

Sur les 2h30 de course qu’il restait, elle ne put reprendre qu’un tour à notre DB, qui franchit la ligne d’arrivée avec l’indice de 1,361 contre 1,352 à l’OSCA et 1,338 à la Porsche classée troisième.

Trois souvenirs marqueront, pour moi, ces 12 heures de Sebring, conclut Gérard Laureau :

- notre victoire, bien sûr
- mon tête-à-queue : le plus beau et le plus long de toute ma carrière.
- Enfin, l’impression curieuse que l’on ressent lorsque l’on se voit, à 160 Km/h, doublé… par une voiture en panne !

Je m’explique : Stirling Moss, qui pilotait une Lister-Jaguar, tomba en panne sur le circuit, assez loin de son stand.

Le pilote britannique qui possède plus d’un tour dans son sac, fit stopper une autre Lister-Jaguar en pleine piste et pria le pilote de bien vouloir le pousser avant contre arrière (le pousseur se laissant volontairement décoller lorsque l’on passait devant un poste de commissaires), mais sur la ligne droite, ce tandem roulait à plus de 160 et c’est ainsi qu’ils me doublèrent avant le poste de chronométrage. »

Moralité de cette victoire : René Bonnet a puisé en Floride des enseignements utiles pour les 24 Heures du Mans disputé en juin où il comptait bien prendre sa revanche de son échec de 1958.

Il mit quatre nouvelles voitures en construction.

Pour tenter de battre les OSCA et les Lotus qui promettaient déjà, il tentera sa chance non seulement en 850 et en 750, mais avec des voitures ouvertes et des voitures fermées.

Le moteur double arbre de Chancel devrait d’autre part lui apporter un appoint supplémentaire, à moins que … là aussi, la pluie…

Mais ceci est une autre histoire que je vous ai raconté dans la rubrique « COMPETITION » - « CIRCUIT » - « PANHARD AUX 24 HEURES DU MANS ». DB remportera deux victoires : indices de performance et indice énergétique… Comme quoi, il avait bien fait de se rendre en Florides !

LES AUTRES DB

Rappelons que la barquette n°58 pilotée par Perrier / Wood terminera assez loin.

Pendant la course, Perrier a eu des problèmes de carburation. Arrêté sur la piste, il lui a fallu réamorcer la pompe à essence. Pour ce faire, il avait du retourner à pied au stand pour chercher un peu d’essence cachée dans une pipette.

Il put ainsi réamorcer la pompe et repartir sans que les commissaires ne réagissent.

Le coach 850 n°57 de Hanna et Toland abandonna au 82ème tour sur les problèmes moteur.

Charly RAMPAL (interview de Laureau par l’A.J. + Photos A.J. + Roland ROY)

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