Je ne reviendrai pas sur les fameuses Michelines de Madagascar, longuement décrites dans un autre article, filmées, restaurées exposées une année à Rétromobile,

mais de celles moins connues qui ont contribuées à la réputation de la marque Panhard à travers le monde.

Tout a commencé en 1931 avec la Micheline 18 places qui faisait suite à la célèbre 12 places de Paris-Deauville.

Son moteur Panhard, 4 cylindres sans soupapes développait 95 ch à 2.200 t/m.

C’est un véhicule à 3 essieux à l’avant, 2 essieux moteurs et, à l’arrière, un essieu formant bissel

Rappelons qu’un bissel est un essieu porteur venant en complément des essieux moteurs pour répartir la masse d’une locomotive sur les rails, et installé sous la forme d’un train articulé capable de s’orienter par rapport au châssis de la machine pour en faciliter l’inscription dans les courbes. 

La tare est de 5.400 kg, la vitesse limitée à 100 km/h.

Le monde découvrait les vertus du pneumatique sur rail, comme ici en Italie :

Elles étaient synonymes de confort et de silence qui étonne encore aujourd’hui et dont le principe a été retenu pour le métropolitain.

En 1932, une nouvelle Micheline apparaît, avec ses 24 places assises, elle prend vraiment le visage de véhicule ferroviaire.

La caisse légère s’appuie sur deux bogies, le bogie avant à 3 essieux, dont les deux premiers, moteurs, sont couplés par des chaînes à rouleaux.

Le moteur attaque directement les roues de l’essieu central par l’intermédiaire d’un pont de type automobile avec deux arbres transversaux à joints flexibles, le bogie arrière, porteur, a seulement deux essieux.

Rappelons qu’un bogie (ou boggie) est un chariot situé sous un véhicule ferroviaire, sur lequel sont fixés les essieux (et donc les roues).

Le moteur Panhard est le même que dans le modèle précédent, la tare ne dépasse pas les 4.500 kg à vide et 6.500 kg en charge.

10 Michelines 24 places sont livrées aux réseaux.

Mais tous ces véhicules souffrent d’une insuffisance qui en complique l’utilisation : ils ne sont pas réversibles.

La réputation des Michelines gagne les colonies et l’étranger.

En 1932 Panhard livre 19 moteurs 4 cylindres à essence 96 ch pour les Michelines 24 places du réseau français et celles d’autres réseau comme Madagascar.

Des Michelines à voie métrique sont mises en service pour différents réseaux d’Afrique et en Indochine.

Dès janvier 1932, les Chemins de fer britanniques s’intéressent au pneu-rail : une Micheline 24 places effectuait des parcours d’essai d’abord sur le L.M.S., puis sur la ligne Ascit-Alton du « Southern Railway ».

Les essais de freinage stupéfient les spectateurs : lancée à la vitesse de 16 km/h, la Micheline est stoppée en 2,10m ; à 88 km/h, la distance d’arrêt ne dépasse pas 41 mètres.

Précisons qu’il s’agit là d’essais réalisés dans des conditions particulières d’arrêt d’urgence.

En service, à la vitesse de 80 km/h, l’arrêt est obtenu en 90 mètres en palier.

Enfin, le moteur Panhard permet d’atteindre, départ arrêté, la vitesse de 83 km/h en 1 minute.

La liste des démonstrations hors de France n’est pas close.

Le 14 décembre, une Micheline 56 places de série est envoyée en Tchécoslovaquie par ses propres moyens.

L’aller et retour Clermont-Ferrand/Prague, par la Suisse et l’Autriche (soit 5.200km) ne donne lieu à aucun déboire.

A Prague, entre le 17 décembre et le 2 janvier 1937, cette Micheline est présentée aux experts ferroviaires, principalement au cours de parcours de montagne.

Ces personnalités se déclarent stupéfaites par le silence du pneu-rail et les performances réalisées.

Le 6 janvier 1937, une nouvelle Micheline (type 23, 96 places) réussit un voyage sensationnel Paris-Clermont-Ferrand, soit 420 km, en 4 heures, avec 7 arrêts intermédiaires.

Ces remorques d’autorails proviennent de la transformation d’autorails Michelin type 23, progressivement reformés de 1947 à 1953.

Leur mode de roulement s’étant avéré fort coûteux, il avait été décidé de surseoir aux révisions importantes et de procéder à la refonte.

Toutefois, ce matériel qui avait été livré entre 1937 et 1943. et n’ayant été utilisé durant les années d’hostilités, possédaient encore une caisse en bon état qu’il était tentant de réutiliser.

C’est pour cette raison que la région Sud-ESt/tiglon Su décida de les transformer en remorque.

La caisse d’origine a été raccourcie par ablation des deux extrémités et suppression de la partie centrale, correspondant à la partie fourgon de l’autorail d’origine.

Il n’était pas question de conserver les bogies d’origine avec leurs nombreux pneus, et les seuls bogies disponibles étaient des Diamond venant des wagons USA 1918 réformés.

Elles étaient  utilisés en France, entre 1917-1918, avec une suspension sur ressorts hélicoïdaux qui sont limité à la vitesse de 90km/h puis avec une suspension à lames (appelé ressorts à pincettes en groupe de deux.

Toul le mérite a été de les modifier convenablement afin de réutiliser les organes de suspension des Michelines et d’obtenir ainsi une douceur de marche remarquable avec possibilité de circuler à 120 km h.

 Ainsi transformés de façon économique, ces engins, en phase d’amortissement, ont assuré pendant une vingtaine d’années un très bon service.

Au cours d’un autre voyage, Clermont-Tarbes, les invités purent déjeuner et travailler commodément malgré la difficulté du parcours montagneux effectué sans fatigue à 65 km/h de moyenne.

Ce véhicule soutient sur une grande ligne des moyennes de 110 km/h avec plafond à 130 et même 140 km/h.

Il est composé d’une caisse-poutre de 30 mètre environ de longueur et de 3 bogies : un bogie porteur à chaque extrémité et un bogie moteur.

Ce dernier, munie d’un moteur Panhard type KF 2, 12 cylindres en V de 140 d’alésage et 160 de course, développant 420 chevaux à 1.600 t/mn, est situé au milieu de la caisse sous laquelle il peut se déplacer latéralement lors du passage dans les courbes (220 mm en courbe de 250 m).

Ce « bogie-chien » entraîne la caisse au moyen de deux longues bielles de poussée.

Le moteur Panhard 420 ch sans soupapes, 12 cylindres en V est à deux sorties d’arbre et entraîne à chacune de ses extrémités une bote Cotal à 4 vitesses avec coupleur hydraulique.

La vitesse maximum était limitée à 120 km/h pour un poids en charge de 32,9 tonnes.

Précision intéressante, le KF 2 Panhard consommait 120 litres au 100 km en service !

Ce moteur sera monté sur 20 Michelines de type 23 adoptés par les chemins de fer français de 1936 à 1939.

Le silence, la souplesse et l’absence de vibration du moteur V12 concourent à l’impression de confort exceptionnel procurée par le roulage sur pneumatique.

Certaines Michelines T23 circuleront jusqu’en 1954 sur les lignes du réseau Sud-Est avec Clermont-Ferrand pour dépôt.

Puis d’autres autorails comme le De Dietrich dit « à gazogène », série XD 3000 utiliseront ce 12 cylindres en V de 270 ch à 1650 t/mn alimenté au gazogène..

8 unités circuleront de 1938 à 1942.

Ce matériel sera apprécié jusqu’au retour de la paix et le réapprovisionnement en essence, après quoi il sera réformé.

Puis quelques autorails utiliseront le fameux 4 HL orienté poids lourd de 80 à 90 ch.

C’est le cas de l’autorail FNC construit par Billard à 2 essieux qui a permis la réouverture ou le maintien de lignes à faible trafic : sa vitesse était limitée à 65 km/h.

Ce matériel est simple, confortable, de conduite et d’entretien faciles, léger et robuste.

Le moteur Panhard limité à 2000 t/mn est disposé à l’extrémité de la caisse, parallèlement à l’axe de l’essieu.

Cet autorail transporte 43 voyageurs assis et 15 debout ou exceptionnellement 100 voyageurs. Le poids à vide, en ordre de marche, est de 11,5 tonnes.

Ou encore cet autorail construit en 1946 et qui circulait dans l’Est de la France dans les années 80 sur la ligne Sentheim à Cernay.

Panhard a ainsi accompagné Michelin dans cette réalisation révolutionnaire que furent les Michelines pour le bienfait de l’humanité.

Charly RAMPAL   (Documents SNCF et Panhard)