CD-PEUGEOT : ESSAI PRESSE
Rappel des caractéristiques techniques :
Le châssis de la CD-Peugeot, œuvre de Robert Choulet, fut conçu fin 1965.
C’est une moderne structure portante, réalisée en tôle d’acier et pesant 70 kg.
Il faut déjà signaler ici que l’acier fut choisi afin d’aller vite et à coup sûr, dans le but d’être prêt pour Le Mans 66, mais il était entendu que la prochaine évolution commencerait par le passage aux alliages légers afin de regagner du poids sur une voiture qui a beaucoup souffert d’une lourdeur excessive (650 kg) pour sa cylindrée.
Cette structure est donc caissonnée longitudinalement et transversalement avec de nombreux cloisonnements assurant la rigidité.
Les suspensions sont à quatre roues indépendantes, bien sûr.
L’avant est conventionnel, avec des triangles superposés et ses combinés ressorts hélicoïdaux – amortisseurs concentriques.
A l’arrière, cependant, la présence du groupe mécanique transversal a imposé une solution moins classique : les roues sont maintenues par trois bielles transversales, en plus des bras de réaction longitudinaux.
La disposition des organes de suspension assure une action anti-plongée et anti-cabrage.
Les jantes sont des 14, d’une largeur de 6 (AV) et 8 (AR), en alliage léger, et sont équipées de pneus Michelin Course, de respectivement 20 x 14 et 23 x 14.
Les freins à disques, la direction à crémaillère n’appellent aucune remarque particulière.
La mécanique est issue de la Peugeot 204.
Les côtes d’alésage et course (75 x 64 mm), la cylindrée (1130 cm3) sont d’origine, mais la puissance atteint 103 ch DIN à 7300 t/mn.
L’alimentation s’effectue par deux carburateurs Weber double-corps inversés, à cause de la position presque horizontale du moteur adoptée.
Dans le carter d’origine sont logés cinq vitesses, toutes synchronisées.
Trois couples d’entrée déterminent neuf compositions de rapports possibles, allant de 19,8 à 32,1 km/h pour 1000 tours en cinquième.
La transmission aux roues est assurée par des arbres et joints Glaenzer tripodes coulissants.
L’ESSAI
Il va se dérouler par un temps exécrable sur le circuit de Montlhéry qui, sous la pluie est une patinoire.
L’accès à bord, c’est déjà toute une histoire et c’est au fond le plus préoccupant des problèmes qui apparait au sujet de la voiture.
Les flancs du châssis sont hauts, le volant est bas, le toit également.
Bref, il faut une souplesse de serpent pour s’y installer !
Quoiqu’il en soit, une fois assis, la position de conduite est excellente.
Le dossier est agréablement incliné, le volant presque vertical et de relativement petit diamètre tombe bien en mains, cependant que le levier de vitesses ne nécessite qu’un déplacement très court de la main pour l’atteindre.
A signaler que le pilote est installé à droite et que le levier en question émerge du flanc droit du châssis.
Une solution logique au demeurant pour une voiture de piste, puisque les circuits tournent presque tous dans le sens des aiguilles d’une montre, donc avec une prépondérance de virages à droite, d’une part, et que les pilotes français sont habitués à manœuvrer leur boite de la main droite, d’autre part.
Vers l’avant, la visibilité est excellente à travers le vaste pare-brise, les yeux portant très près sur la route grâce au capot plongeant en sa partie centrale, et l’encombrement étant matérialisé avec précision à l’aide de repères fournis par les ailes faisant saillie.
Par contre, vers l’arrière, on n’y voit rien par temps de pluie, non pas tant à cause des trompettes des carburateurs encombrant le rétroviseur que la faible inclinaison et la propension à s’embuer de la lunette en plastique.
La voiture soumise à cet essai était dépourvue de la longue queue en pointe et des stabilisateurs aérodynamiques verticaux qui la caractérisaient au Mans, au bénéfice d’une poupe tronquée quelques centimètres derrière les roues et d’un becquet réglable ne faisant du reste pas partie intégrante de la carrosserie.
Ainsi gréée, le CD est sans doute moins fine et moins rapide en pointe, mais elle est nettement plus compacte, ce qui doit améliorer sa maniabilité, et aussi plus légère d’environ 20 kg.
Les instruments de bord sont tous groupés sous les yeux du pilote, et le grand compte-tours est particulièrement lisible. Il est dépourvu de mouchard.
Le moteur est mis en route sans aucune difficulté, répondant instantanément à l’appel du démarreur.
Toutes les commandes s’avèrent d’une remarquable douceur, et c’est la première remarque que l’on est appelé à faire.
Les pédales n’exigent qu’une pression très modérée et sont douées d’une surprenante progressivité.
Les vitesses se sélectionnent du bout des doigts, avec une précision splendide.
Cette boite parait merveilleuse dans son ensemble, tant à cause de l’efficacité de la synchronisation que du réglage idéal de la course, l’ensemble permettant des manœuvres d’une rapidité et d’une facilité extrêmes.
La direction est très douce et légère aussi, mais ici le choix de la démultiplication apparaît erroné.
En effet, les mouvements à effectuer sont beaucoup trop importants, et la moindre glissade exige une correction d’une telle envergure que, dans un passage en S comme les Gendarmes à Montlhéry par exemple, on perd, de ce seul fait, un temps appréciable.
Par ailleurs, l’auto centrage est correct, mais sans plus.
Il s’agit, rappelons-le, d’une crémaillère Triumph, pièce que l’on trouve souvent utilisée sur les Lotus qui, sont justement dotées des meilleures directions su moment.
Cette critique faite, les qualités de tenue de route de la CD sont séduisantes.
D’abord, la voiture est très facile et rapide à comprendre, et vous met tout de suite en confiance.
Evidemment, en raison des conditions vraiment adverses, il ne fut pas question de la pousser dans ses derniers retranchements.
Cependant, elle se place bien et se comporte avec « propreté » lorsqu’on la met en perte d’adhérence.
Ceci étant particulièrement évident pour le train arrière aux réactions plus lentes, progressives et donc plus aisées à contrôler que le train avant dont le décrochage peut survenir avec davantage de soudaineté.
En tout cas, les corrections au volant, comme à l’accélérateur, sont immédiatement perçues et la voiture réagit avec franchise et spontanéité à chaque sollicitation.
L’adhérence sur le sol détrempé est étonnant, mais les Michelin Course PA-2, spécialement étudiés pour a pluie y étaient pour beaucoup.
La résistance au roulis n’a pas pu être testée, car on ne pouvait appuyer suffisamment la voiture sur ses roues, mais la suspension semble très ferme et même dure, et sur la chaussée « en vague » de la courbe Ascari, on pouvait noter un phénomène de rebond d’un côté vers l’autre anormalement sec.
Ceci pourrait être du au haut centre de gravité de la CD provoqué par le groupe motopropulseur Peugeot dont, rappelons-le, la boite est située au-dessous du moteur.
Les freins sont, pour leur part, très progressifs et paraissent assez puissants.
Malheureusement, ils n’étaient pas équilibrés sur le mouillé, et les roues avant tendaient donc naturellement à se bloquer prématurément à cause d’un réglage inadapté aux conditions.
Cependant même dans cette phase, la voiture demeurait étonnamment contrôlable.
La déception viendra du manque de puissance du moteur.
Celui-ci, réputé pour donner 107 ch en forme convenable, ne devait guère délivrer plus de 100 ch le jour de l’essai.
Il est vrai qu’il avait été entièrement « désossé », puis remonté dans passage au banc pour en contrôler la puissance.
Il tournait fort bien, montait correctement jusqu’à 7.00 / 7200 t/mn, puis plus laborieusement jusqu’aux 7.500 tours autorisé, mais paraissait creux, sans couple ni tempérament du bas en haut des tours.
Sur le sec, cette voiture donnait 29’’5/10ème au km dé »part arrêté, chiffre qui traduit bien l’impression éprouvée à bord.
CONCLUSION
En conclusion, il est certes regrettable que la CD qui connut une carrière sportive malheureuse, au cours de ses deux saisons d’existence, ne puisse accéder à un stade de développement ultérieur.
Le principal handicap dont elle eut à souffrir fut un rapport poids-puissance très défavorable dû à la conjonction d’un châssis très bien dessiné, mais d’une construction trop lourde, de modifications successives qui allèrent presque toutes dans le sens d’un alourdissement des pièces, et d’une carrosserie sûrement très fine mais peut-être pas réalisée avec toute la rigueur nécessaire sur le plan du poids que la construction d’une voiture de course, surtout de petite cylindrée, exige.
Dommage que l’expérience avait dû s’arrêter là, car Robert Chouiet et l’équipe CD étaient parfaitement conscients de la marche à suivre et prête à tenir compte de l’expérience.
Hélas, la CD-Peugeot restera une voiture de Musée.
FICHE TECHNIQUE DU PROTOTYPE CD-PEUGEOT
ESSAI REALISE PAR JOSE ROSINSKI (Sport-Auto)
Charly RAMPAL