GRAN PREMIO ! C’est une abréviation que tous les argentins connaissent bien et qui caractérise un des grands évènements des courses automobiles en Amérique du Sud.

Cette épreuve de 1962 est réservée aux automobiles de type standard. On peut dire que cette épreuve commence pour les coureurs et leurs équipes 3 mois avant la date de départ, tant elle demande des jours de reconnaissance.

En plus du côté sportif, qui ressemble en tout point à un raid, le plus difficile est de trouver des chambres d’hôtel et des mécaniciens à qui l’on fera prendre des vacances durant 12 jours.
C’est en effet, la durée de cette course folle à travers 8 provinces de la République d’Argentine. Un évènement qui bouleverse la vie tranquille de certaines villes de ce pays immense, un peu comme le Dakar aujourd’hui.

Imaginez 2.000 personnes et 500 voitures qui arrivent d’un seul coup dans telle ville de 30.000 habitants : ce sera bien sûr l’occasion d’une grande fête et pour le jour de repos on préparera « l’Asado » , viande grillée à la broche…

L’équipe Panhard arrive d’Uruguay dont elle représente les couleurs le jour de la vérification : son arrivée est très attendue et toute une file de voitures l’accompagnera jusqu’au Siège de l’Automobile Club Argentin.

Et puis, voici la ligne de départ. Bien qu’il soit minuit, sur le parcours et sur une distance de 60 km, plusieurs milliers de personnes attendent avec impatience…

Les années précédentes, le départ officiel se faisait au centre de la ville, ce qui a été interdit en cette année 1962, vu le nombre d’accidents.

C’est le départ, les Panhard qui sont dans la deuxième catégorie, attendrons encore une heure avant de s’élancer et auront environ 189 voitures devant elles.

Quoi de plus impressionnant pour tous les concurrents que de gravir le plan incliné de la ligne de départ, aveuglés par les projecteurs de la télévision et les flashs des photographes !

Ils jettent en hâte quelques mots au micro que leur tend le speaker, tout en surveillant le drapeau bleu ciel et blanc de la République d’Argentine prêt à s’abaisser pour leur donner le départ…

Après cet éblouissement passager, les voilà plongés dans le noir et puis de nouveau, ils distinguent devant eux les feux rouges des concurrents qui les précèdent et ce sera durant 1.000 km la même chose.

Le copilote égrène comme un chapelet les différents virages annotés sur le livre de bord ; on dépasse des voitures, d’autres vous dépassent et au petit jour ce petit jeu devient très dangereux.
Il faut avoir continuellement un œil sur la route et l’autre sur le rétroviseur pour surveiller les voitures de grosses cylindrées qui foncent à plus de 220 km/h sur les lignes droites.

Les Panhard auront leur revanche sur les routes de montagne et de sable…

La longue étape est coupée au milieu par le ravitaillement en essence et en huile, l’échange des roues crevées, parfois par les réparations hâtives au bord du chemin, et de nouveau la route jusqu’à l’arrivée où vous terminez aussi noir qu’un charbonnier à cause du sable et de la poussière qui collent à la peau et que la sueur retient.

A l’étape, petit marché noir : ceux qui n’ont pas réservé de chambre sont obligés de s’adresser aux plus prévenants qui leur cèderont une des leurs moyennant un bon prix – petit bénéfice y compris !

Tout au long des six étapes ce sera la même course folle. La seule variante viendra des étapes qui deviennent de plus en plus difficiles et les voitures de moins en moins nombreuses.

Seulement 15% des engagés se retrouveront à Buenos Aires pour voir s’abaisser devant leurs voitures le drapeau à damiers qui les consacre pour une année.

A ce jeu de massacre, la victoire reviendra à une Mercédès dont la réputation de robustesse commence à s’affirmer :

Mais Panhard aura la chance de classer une de ses voitures PREMIERE de sa catégorie : un exploit pour qui connaît la relative fragilité de nos voitures dans cet environnement hostile :

C’est un modèle 1962 équipé à l’avant de tambours de freins ETA qui équipera les modèles Panhard de 1963.

Si le Gran Premio commence trois avant, il ne se termine pas moins de deux à trois mois après : il fera l’objet durant ce temps, des discussions et des controverses les plus vives.

Il faut dire que le bilan est lourd avec : 4 morts, 20 blessés et 65 voitures accidentées !

Charly RAMPAL