MONOPOLE : L’AUTRE DB
MONOPOLE : L’AUTRE DB…
D’origine Suisse, à Morge exactement, Monopole sous le nom de raison sociale SIM, fabriquait des équipements automobiles.
Grace à des capitaux américains, elle se développa au point de créer dans les années 20 une usine en région parisienne sur la commune de Poissy.
C’est là, qu’elle prit le nom de Monopole. Elle sera dirigée néanmoins par un Suisse M. Guerne.
Sa production de pièces automobile de haute technicité, se polarisa sur la réalisation de pistons, segments et de soupapes, se faisant une spécialité dans ce domaine.
L’automobile grandissant, Monopole suivit cette croissance et se fit une jolie réputation.
Mais comment, cette sage société, allait-elle devenir une importante écurie de course française et réaliser des voitures de compétition après la 2ème guerre mondiale ?
Demandons à Pierre Hémard de nous raconter l’origine de ce virage.
« L’origine ? Je le vois en… 1870, avec la montée à Paris de mon grand-père, Guy-Aristide Hémard, jeune Beauceron de 17 ans. Comme beaucoup, il venait dans la capitale pour chercher du travail, et en trouva dans une distillerie.
Autodidacte efficace et énergique, il progressa très rapidement dans l’entreprise avant de monter sa propre affaire, associé à M. Pernod, d’origine Suisse. Ensemble, ils produisaient de l’absinthe et traitaient de l’anis.
Son fils, André, mon père, lui succéda à la tête de la distillerie et la développa encore, dégageant de gros bénéfices, avec lesquels il racheta en 1937-1938 la majorité des parts de Monopole, qui appartenait alors à des Américains.
Dans son esprit, il plaçait ses gains et assurait par la même occasion l’avenir de l’un de ses deux fils auquel il destinait l’affaire.
En effet, il avait prévu que Pernod reviendrait à mon frère Jean parce qu’il était l’aîné et que mon rang de second me vaudrait les rênes de Monopole. Mon père pensait sans doute acquérir d’autres sociétés pour mes frères Jacques et Claude.
Mais hélas, la guerre allait bouleverser ses plans.
J’y fus déporté politique et, à ma libération, j’étais trop jeune et trop affaibli pour prendre mes fonctions à la tête de Monopole.
C’est pourquoi, mon beau-frère, Jean de Montrémy, fut nommé PDG.
Jeune industriel à la tête de Bronze-Avia, société basée à Pau qui s’occupait d’optique pour l’aviation, il avait la formation technique requise et l’expérience de diriger des hommes, ce qui le rendait immédiatement opérationnel.
C’est Jean de Montrémy qui poursuit l’histoire maintenant : « C’est en 1944 que j’ai pris mes fonctions chez Monopole. Société qui était déjà conséquente, avec de bons contacts pour des clients aussi importants que Peugeot et Citroën.
Avec le développement constant du marché de l’automobile, notre société avait un grand avenir.
J’avais fait mes études à Reims, où j’avais assisté aux courses organisées sur le circuit. Cela m’avait bien sûr marqué, et a du jouer un rôle important dans l’engagement de Monopole en compétition.
Mais il n’est tout de même pas seulement le résultat d’un rêve de jeunesse. La compétition m’apparaissait surtout comme un sévère banc d’essai pour nos produits, et un merveilleux et dynamique moyen de promotion.
Notre choix s’est toujours porté sur la voiture de petite cylindrée, destinée aux épreuves d’endurance, moins spectaculaire que les courses de vitesse pure, mais permettant de mettre à l’épreuve nos composants dans des conditions extrêmes, tout en en restant compatibles à celles rencontrées en usage normal par la voiture de tourisme. »
LA PREMIERE MONOPOLE
La première Monopole a pour base un châssis et un moteur de Simca 8, achetés neufs et préparé soigneusement. Le tout est équipé d’une carrosserie alu profilé en barquette.
Cette voiture a débuté au circuit d’Avignon en 1947. Elle sera utilisée pendant toute la saison, alternativement par Jean Hémard et Jean de Montrémy : une affaire de famille en quelque sorte.
1948, verra la construction de deux nouvelles voitures qui ressembleront beaucoup au modèle précédent, mais à la grosse différence est que le châssis sera réalisé par Monopole.
Avec un potentiel de trois voitures et un souhait de s’inscrire aux épreuves d’endurance, se pose la question de la composition des équipages. Là encore, elle sera résolue à l’intérieur de la « famille », qu’il s’agisse d’employés ou de membres de la famille Hémard / De Montrémy.
L’enthousiasme et le savoir faire de l’équipe ne tarderont pas à amener de bons résultats, avec notamment des victoires de catégories obtenues aux 12 Heures de Paris 1948 et surtout aux 24H du Mans 1949.
En 1950, l’aventure prend encore un peu plus d’importance, comme nous le confie Jean de Montrémy : « Cette année là, Panhard avait décidé de s’impliquer un peu en compétition. Pas directement, mais en fournissant des éléments mécaniques à DB et à d’autres clients, dont Monopole.
Je connaissais personnellement M. Panhard dont la firme comptait parmi nos clients les plus importants depuis que nous assurions la production de pistons, soupapes et chemises destinés aux Dyna.
Leur bicylindre était révolutionnaire et Panhard, en plus des châssis et des mécaniques, s’engageait à nous fournir un appui technique pour la réalisation de nos barquettes course, ce qui nous assurait un progrès plus rapide et des coûts mieux maîtrisés.
Au début de cet accord, en 1950, nous avons réalisé deux nouvelles voitures qui, pour afficher notre collaboration, se sont appelées indifféremment Monopole-Panhard ou Panhard-Monopole, en fonction des besoins publicitaires respectifs de nos sociétés. »
DES VICTOIRES AU BOUT DE LA PISTE
Ces deux autos assureront brillamment la présence de Monopole sur les circuits jusqu’en 1955. A leur actif, rien moins que trois victoires à l’indice de performance au Mans, en 1950,
Puis, 1951 et 1952 ! J’en reparlerai plus en détail dans de prochains récits.
Mais la place de la firme de Poissy dans le concert des mécaniques Panhard va connaître par la suite quelques évolutions, comme l’indique Etienne de Valance : « Quoique le terme n’ait jamais été officiellement utilisé par M. Panhard, j’étais Directeur sportif de Panhard. De 1950 à 1952, nous n’étions que fournisseur de DB, Monopole et quelques autres clients, dont Robert Chancel. De 1953 à 1955, Panhard s’est engagé directement avec deux autos confiées aux frères Chancel. L’étude des carrosseries était l’œuvre de l’ingénieur Riffard.
Mais, à la suite de la catastrophe du Mans de 1955, Paul Panhard a donné l’ordre de cesser cet engagement direct, trop exposé aux critiques en cas d’accident grave.
Décision fut prise alors d’un rapprochement entre Panhard et le service de Monopole, qui devenait le représentant officiel de Panhard en compétition.
Le matériel et les hommes de l’ex-écurie rejoignaient les locaux de Monopole-course, basés à Achères, et la conception des nouvelles autos était confiée à Pierre Durand, l’adjoint de l’ingénieur Delagarde, patron des études chez Panhard.
Le service des essais Panhard avait en charge la mise au point et le développement des moteurs, tandis que le personnel – huit hommes en tout – de l’écurie course Monopole se penchait sur les problèmes de châssis, de carrosserie ainsi que l’engagement des pilotes et du choix des épreuves à disputer. »
Cette nouvelle structure devait logiquement amener des succès réguliers à Panhard et Monopole.
Hélas, un élément allait jouer en défaveur de l’écurie : comme il n’y avait pas assez de courses d’endurance pour les Sport, l’équipe décida de participer aux épreuves ouvertes aux GT pour compléter son maigre calendrier.
Malheureusement, ce choix imposait de conserver le châssis Panhard d’origine, ou d’en utiliser un, produit à un minimum de 200 exemplaires.
Le poids des dernières voitures produites par Monopole s’en ressentit et, par voie de conséquences, leurs performances.
Malgré l’augmentation du nombre de participations, les résultats furent décevants, en dépit du bon comportement général, que ce soit au Mans, à Reims, aux Mille Miles, au Tour de France ou sur le circuit de Pau, de Charadeou de Monthléry.
Avec la montée en puissance de certains concurrents comme OSCA, Stanguellini ou même Lotus, les résultats internationaux se firent rares.
Les actionnaires de Monopole considérant de ce fait que les dépenses du service course n’étaient pas justifiées : ils y mirent un terme à la fin de 1958, après onze ans d’activité assurée par à peine une dizaine de voitures.
Privée de cette publicité, la firme n’a cependant jamais cessé de se développer, fusionnant d’abord avec Floquet,, avant d’absorber Jeudy (fabriquant de soupapes), Marty (fabricant d’axe de pistons) et Nova (fabricant de pistons) pour devenir le leader français des sous-traitants de pièces moteur.
Photos offertes par Mnopole (Flahaut) à Charly RAMPAL Interview réalisé par Pierre ABEILLON