Comme je vous l’ai raconté dans l’article précédent, la course « Paris-Marseille- Paris » a été un des grands faits classiques de l’histoire de l’automobile, tout au moins de ses temps héroïque de la fin du 19ème siècle.

D’une part, son règlement nouveau qui, en raison de la longueur du parcours, qu’on ne pouvait faire en une journée, avait prévu la constitution de parcs fermés le soir à Auxerre, Dijon, Lyon, Avignon et Marseille.

D’autre part, les résultats qu’elle avait donnés (aucune voiture à vapeur n’avait pu terminer le parcours, tandis que Panhard, Peugeot et De Dion-Bouton se révélaient les grands vainqueurs), et puis les nombreux incidents qui émaillèrent cette course et que j’avais raconté dans l’article précédent : tempête, chiens, badauds.

En retour de cette course, il serait intéressant d’en faire le point pour notre marque, car elle va être à l’origine de la brillante carrière que fera Panhard en compétition.

L’inventaire des progrès réalisés depuis 10 ans s’établissait rapidement.
L’utilisation du pétrole pour les moteurs à explosion avait fait un pas de géant.

La construction française s’affirmait sans rivale, suivie par la construction allemande encore assez peu audacieuse.

Quant à l’industrie italienne, elle existait à peine, sans parler des anglais et américains encore inexistants.

C’est donc en France que l’industrie automobile naissance était déjà en plein essor dont les têtes d’affiche avaient pour noms : Panhard-Levassor et Peugeot.

Suivait Mors chez qui était entré l’ingénieur Henri Brazier qui allait se distinguer après 1900, puis Rochet-Schneider, de Diétrich, Delahaye, Decauville, etc…

Pour l’histoire, notons qu’à cette époque, travaille en France un ingénieur allemand du nom de Rudolf Diésel qui s’illustrera quelques années plus tard en créant le moteur dit « à combustion interne ».

Son premier brevet date du 10 décembre 1894, deux ans avant ce Paris-Marseille-Paris.

Les conséquences de cette épreuve ont été d’ordre différent.

Au niveau des infrastructures routières, la route montre qu’elle n’est pas adaptée à l’automobile et qu’elle n’a rien à voir avec les études en laboratoire ou dans la cour d’usine.

Au niveau technique, cette course a démontré que la barre franche qui sert de direction à marqué sa mise à mort à cause justement de la mort de Levassor, ingénieur le plus en vue de cette époque et gagnant du retentissant Paris-Bordeaux-Paris, l’année précédente.

Rappel des faits : A 45 kilomètres d’Avignon, près du village de La Palud, un chien força soudain Levassor à donner un coup de direction.
Comme la voiture marchait à près de 40 à l’heure, qui est une grande allure pour l’époque, elle fit une embardée que le conducteur ne put maitriser.
La voiture se reversa et projeta au sol Levassor et son mécanicien d’Hostingue.

Levassor put encore conduire la voiture jusqu’à Avignon que des paysans avaient remis sur ses roues. Mais il mourut quelques mois après des suites de ses commotions.

Ajoutons à cela, la mort du vainqueur, Mayade, excellent pilote, là encore victime de la réaction non contrôlée de sa barre de direction.

Ce fut la goutte d’eau qui condamna sans appel ce système de direction.

Il fut remplacé par une direction dite « irréversible », en ce sens que si la main du conducteur agit obligatoirement sur les roues directrices, ces roues sont sans effet et moins violent sur la main.

La tige de direction, quelquefois encore surmontée d’une traverse à poignée, se termine presque toujours par un volant.

Il est curieux de noter que ce système irréversible et à volant avait été adopté en 1894, dans la course Paris-Rouen-Paris, par le coureur Vacheron, sur une voiture Panhard-et Levassor.

Mais si le pétrole gagne la faveur des amateurs d’automobiles de 1896, la mise en chauffe du moteur (d’où le nom de « chauffeur ») ne se faisait qu’au prix d’efforts et de peines !

Une des corvées qu’il fallait accomplir, était sans aucun doute la mise en marche du moteur.

Dans le haut du cylindre, sortait un petit tube de platine, placé horizontalement, ayant la forme d’un doigt de gant, sous lequel était allumé un bruleur alimenté par de l’essence.

Quand le piston, au deuxième temps du cycle, remontait, il refoulait nécessairement à l’intérieur de ce tube, un peu de gaz frais qui, au contact de ces parois incandescentes, s’enflammait et mettait ainsi le feu à toute la cylindrée.

Avant de tourner la manivelle de lancement du moteur, il était donc indispensable qu’on allumât le bruleur et qu’on attende que le tube de platine devienne incandescent, c'est-à-dire, atteignit presque le rouge cerise.

Pour plus de détails relisons ce que le manuel de l’époque précisait dans cette manœuvre et qui montre bien la difficulté de l’exercice :

« Installez d’abord sur le tube de platine le capuchon (qui se trouve dans l’outillage et le préserve des chocs et du noir de fumée).
Puis ouvrez les portes de la cage du bruleur et ouvrez aussi, une ou deux secondes, le robinet d’alimentation de ce brûleur.
Si le brûleur est en bon état, non obstrué, un petit jet d’essence en jaillira avec force et viendra se briser sur le capuchon qui coiffe le tube de platine.

Dans la boite à outils, prenez le goupillon, fil de fer tordu et garni à l’une de ses extrémités de fil d’amiante, et, en le présentant sous le petit robinet purgeur du grand réservoir, imbibez-le d’essence.

Introduisez-le au fond de la cage d’allumage, approchez de lui une allumette, et laissez flamber le goupillon pendant deux ou trois minutes, car le brûleur doit être très chaud afin que le liquide s’y vaporise des son passage à travers le bec.

Ouvrez alors peu à peu le robinet d’alimentation et retirez le goupillon avant qu’il soit éteint.

S’il s’éteint avant que vous le retiriez, réimbibez-le d’essence (en ayant bien soin qu’il ne porte aucune flammèche rouge lorsque vous le représenterez sous le robinet du grand réservoir) et rallumez-le.

Lorsque vous le retirez du feu de la cage, pensant le corps du brûleur suffisamment chauffé, présentez-le, encore enflammé, au bec du brûleur : l’allumage doit alors se produire en haut du brûleur sous forme d’une flamme bleue fixe qui produit un sifflement spécial.

Enlevez la capuchon, le tube est ainsi en contact maintenant avec la flamme très chaude du brûleur, flamme dont l’intensité croit jusqu’à son maximum, et le tube rougit un peu.
Refermez les portes de la cage. L’allumage est terminé.

Avant de mettre en marche, patientez cependant quelques minutes encore. »

Autre nouveauté technique : le carburateur Mors à niveau constant qui comportait autant de gicleurs que de cylindres.

CARBURATEUR-MORS

Le nouveau moteur mis au point par Mors en 1898 :

MOTEUR-MORS-1898

Quant au moteur des Panhard et Levassor de 1896, c’était le Phénix deux cylindres : il pesait 82 kilos au lieu des 150 kilos du Daimler qu’il remplaçait.

MOTEUR-PANHARD-1896

Charly RAMPAL (sur des données des Doyennes Panhard)