L’AVENTURE CHAPPE
L’aventure Chappe avait commencé bien avant-guerre comme ateliers de carrosserie, à Saint-Maur La Varenne, sous la houlette du père, réalisant déjà des cabines de camions d’incendie pour Delahaye.
Au sortir de celle-ci, ils mettent le doigt dans la compétition grâce à Charles Pozzi qui leur demande de carrosser et… re-carrosser, par suite d’accidents, en duralumin sa Delahaye sport puis a Talbot 4,5l.
L’entreprise était familiale, puisque les fils Chappe étaient au nombre de trois : Abel, Albert et Eugène.
Déjà, Jean Gessalin, le neveu d’Albert Chappe, hyper doué à moins de 20 ans, dessine le très joli spider 4cv de Michel qui s’impose au Bol d’or.
Puis, un peu plus tard, il dessine un coupé sur base de la 4cv.
Jean Escoffier, le riche beau-père de Jean Rédelé, le découvre et décide de lui en commander quelques uns.
Après des modifications esthétiques, il donnera jour à la première Alpine 106.
« Pour travailler l’aluminium, il fallait des tôliers formeurs pas toujours faciles à trouver. On pensait que le polyester était le matériau d’avenir, facile à travailler et donc idéal pour les petites séries.
On a commencé avec une résine américaine étonnante et très chère, et avec un tissu de verre plus pratique..
Ainsi, grâce à Escoffier, qui nous a payé d’avance, on a pu réaliser, c’est-à-dire mouler, poncer, peindre, garnir, monter le faisceau, les sièges, le tableau de bord d’une série de 24 Alpine A106 sur les quelles il montait la mécanique Renault.
Cette voiture a été présentée au salon de Paris 1955 où elle a rencontré un grand succès, d’autant plus qu’elle était livrable immédiatement ».
ALPINE, DB et CD
C’est le début de la belle aventure.
L’Alpine A106 plait. Chappe et Gessalin en réalisent deux par semaine.
De son côté DB contacte Albert Chappe pour qu’il fabrique un nez en polyester, plus facile à réparer, pour ses Monomills. Puis, il y a la 2cv UMAP.
Au début des années soixante, face aux commandes, les ateliers sont devenus trop petits.
Chappe cherche un grand terrain qu’il trouve dans la zone industrielle de Brie Comte Robert en Seine et Marne, rue du Coq Gaulois. Ce fameux coq qui deviendra l’emblème de la marque CG.
La petite firme s’est taillé une grande réputation de spécialistes en polyester.
Alpine fait de nouveau appel à eux pour construire le coupé 2+2 puis la GT4.
Bonnet pour sa DB Le Mans, puis pour les protos des Djet du Mans 62.
La même année, ils réalisent les Panhard CD.
C’est à cette occasion qu’ils font connaissance du jeune Bernard Boyer qui épousera plus tard une des filles d’Albert.
CG est bien une affaire de famille.
D’ailleurs, c’est CG qui se chargera de la réalisation des 160 coaches CD Panhard terminés chez Velam.
Une année, C et G avaient en même temps Alpine, René Bonnet et CD qui étaient concurrents. Ils devaient avoir des ateliers fermés pour qu’ils ne voient pas ce que faisait l’autre !
A force de travailler pour tout le monde, on s’en doute, la famille Chappe et Gessalin commence à se poser la question de confiance : « Pourquoi pas nous ? »
D’autant qu’à l’époque, il y a un petit marché autour de la voiture sportive dérivée de la série.
Renault est « en cheville » avec Matra et Alpine, CD travaille avec Peugeot.
Il ne reste que Simca dont la mécanique de la Simca 1000 se prête bien à la réalisation d’une petite voiture sportive.
CG, qui a déjà travaillé avec la firme de Poissy en 1959, décide de construire un petit cabriolet dont la rareté en France laisse entrevoir un créneau intéressant.
La voiture, baptisée logiquement CG, est présentée au Salon de Paris 1966.
Ce sera le succès que l’on sait !
Les établissements CG apportaient un soin particulier à la construction de ses voitures, une solidité dans le polyester qui faisait passer le test du crash sans problème. Le châssis était très rigide et le fini de la peinture, impressionnant.
« Sincèrement, je crois qu’elles étaient mieux faites que l’Alpine ».
Aujourd’hui, plus rien de cette belle aventure.
Jean Gessalin est parti tellement écœuré qu’il voulait bruler toutes ses archives !
La guerre du Kippour fut très mal aux petits constructeurs. Embargo sur le pétrole, flambée des prix. On limite le chauffage à 18°, on interdit l’éclairage de nuit, on limite à vitesse à 90 et le sport automobile est interdit !
Conséquences, ce coup de frein a été fatal aux petites marques, celles qui vivaient dans l’ombre du sport automobile.
Pour CG, les commandes se sont arrêtées brutalement. Les caisses des voitures s’empilaient dans l’usine.
A 60 ans et 45 ouvriers qu’il ne pouvait plus payer, Chappe décide, après avoir réglé tous ses fournisseurs de renoncer en mai 1974.
Simca aidera bien CG à vendre ses stocks, mais le ressort est cassé et la belle aventure se termine.
Chappe part vers le midi et ne voulut plus entendre parler d’automobile.
Charly RAMPAL