C’est en 1910 que P et L sortit son premier moteur sans-soupape (désigné le plus souvent par le sigle S.S.) un 4 cylindre 20 cv K 4 F 100 x 140, monté sur un châssis type U.9. Seules 240 voitures munies de ce nouveau moteur sortirent des usines de la Porte d’Ivry.

Le moteur S.S. n’était pas une nouveauté, mais il devint graduellement le cheval de bataille de la marque et le restera jusqu’en 1940.

Les moteurs S.S. se multiplièrent alors dans la production P et L.

En 1922 P et L sort le premier 8 cylindres de 85 x 140, monobloc sur châssis trapézoïdal type X-38.
En 1925, un second 8 cylindres de 35 ch, le SK 8E : c’est ce moteur qui équipa différente P et L jusqu’en 1934.

Les records allaient se succéder, de 1926 à 1934 avec Ortmans, Doré et Eyston. C’est ce dernier qui allait faire tomber les derniers records du monde.

En novembre 1933, la 8 cylindres « 69.999 » qui avait été utilisée toutes ces années, nécessitait incontestablement une visite complète.
Entre autres, les 4 magnétos « Scintilla » furent renvoyées chez le constructeur pour une révision poussée.
La boite de vitesses, le pont et les cardans suivirent la même punition. Quant au moteur, il fut remis totalement en état : c’était le numéro 100.

Mais malgré cela, dès ses essais de janvier 1934, Eyston constata que le moteur n’était plus valable.
Le 23 janvier, après seulement 6 tours à 210 / 215 km/h, la ferrure avant gauche de l’amortisseur cassait.
Le lendemain, chaussée de pneus neufs, la « 69.999 » reprenait la piste pour 14 tours. C’est lors de ce 14ème tour que trois bielles cassèrent successivement.

Aussi fut-il décidé que le moteur 100 serait remplacé par le 97 en réserve.
D’une compression de 7,5, il marchait au carburant ternaire, permettant une mise en marche plus facile que le « Nabol ».
Ce ternaire se composait de 33% d’alcool à 95°, 33% de benzol rectifié, et 33% d’essence poids lourd.

Dès le 26, le pilote Levert en effectuait le rodage sur 14 tours.
Lors des 4 derniers, il atteignait en pointe les 200 / 205 km/h.
Ce rodage se continua le 29 janvier et ce n’est que la 30 qu’Eyston reprit en main le 8 cylindres.

Ce jour là, il n’effectua que 6 tours, car lors du dernier, il constata que l’embrayage patinait par suite d’une fuite d’huile d’un palier. L’on en profita pour monter 18 ressorts neufs plus puissants de 25%.

La voiture était maintenant prête pour tenter les records qu’elle allait successivement enlever en février, avril et mai 1934.

Prenant la piste à Monthléry le 4 février par une température de 5 à 8°, avec un vent nord-ouest assez fort par moment, et un soleil timide, Eyston effectua 86 tours de piste.
Pendant cette épreuve, il enleva 3 records du monde : 100 milles, 200 km et 1 heure, celle-ci à 214,064 km/h, tous sur départ arrêté.

Eyston enlevait ainsi le record de l’heure considéré comme le « record-étalon automobile » au Comte Czaykowski qui, à l’Avus, le 5 mai 1933, avait réalisé 213,838 km/h sur une Bugatti 8 cylindres de 4,9 litres.

Pourtant, il ne le conserva pas longtemps puisque le 6 mars 1934, le record était porté à 217,110 km/h par l’Allemand H. Stuck von Villez.

C’était vraiment l’hécatombe des records. Ce dernier pilotait une Porsche 16 cylindres et 300 ch. Cette voiture à moteur arrière était alors une innovation.

N’ayant pu conserver le record de l’heure, la marque doyenne décida de s’adjuger les records des 200 milles, 500 et 1000 km et plus spécialement 3 et 6 heures, plus faciles à conserver.

C’est en vue de ces derniers que furent effectués de nouveaux essais officiels le 10 avril suivant avec un pont de 20 x 41. La vitesse maximum atteinte ce jour-là fut de 210 km/h, mais la voiture dut s’arrêter au bout de 8 tours.
En effet une entrée d’eau se produisait dans le premier cylindre, par le bouchon de la culasse. De plus, le bâti était fêlé et il y avait une perte d’huile.

Il fut donc décidé que le moteur 97 serait remplacé par le précédent, le 100, maintenant remis en état.
Eyston effectua avec le 14 avril des essais sur 12 tours qu’il jugea satisfaisants.

LES RECORDS DU MONDE DE MAI 1934

Un peu plus d’un mois après ces essais, la « 69.999 » fut remise en piste la 18 mai pour la tentative officielle sur 3h et 6h.

Etant donné la fatigue d’une telle épreuve sur 6 heures pour un seul pilote sur un tel engin, Eyston devait être relayé après la quatrième heure par Froy.

Doté d’un pont 20 x 41, la 8 cylindres prit le départ à 5h 56. Lors de la première heure elle couvrit 206, 454 km.

A la fin de la seconde la distance parcourue était de 408,518 à 204,259 km/h.
Eyston s’arrêta alors pour un ravitaillement qui ne dura pas plus de 1’12.
Après la 3ème heure, il avait parcouru 609,391 km/h et 813,596 après la quatrième à une vitesse moyenne pour ces deux heures d’un peu plus de 203 km/h.

A la suite d’un ravitaillement de 1’11, il passa le volant à Froy, qui passa les 1007,261 lors de la 5ème heure à 201,404 km/h et les 1205,239 km à 200,873 pour la dernière heure, ces derniers comptant pour le Record du Monde des 6 H.

Les deux pilotes ramenaient ainsi à Panhard et Levassor six nouveaux records du monde particulièrement enviés.

La « 69.999 » en avait terminé avec sa vie de « recordwoman ». Son repos était bien gagné .

Pourtant avant d’aller au Musée, elle devait encore participer le 15 juillet 1934 à la course de côté de Doullens pendant laquelle elle bâtit le record des 5 à 8 litres, catégorie course, et effectua le second meilleur temps de la journée, le premier ayant été enlevé par Delorme sur Bugatti 2,3 l à compresseur.

Doté d’un pont de 16 x 48 et son moteur donnant 285 ch à 3500 t/mn, elle effectua au 2ème essai le kilomètre lancé en 24’’ 1/5, soit à 148,760 km/h (fin de course en prise à 3500 t/mn).

Rappelons que cette course comportait une distance de 250m de lancement (200 m à 1 ou 2% et 50m de plat) suivi de 1km de côte à 7,6 % de pente moyenne.

Sensationnelle pour l’image de Panhard, la « 69.999 » resta pendant longtemps exposée dans le magasin de la marque aux Champs Elysées. Elle y reste même pendant l’occupation.

Puis, ayant perdu de son prestige publicitaire, elle fut remise en dépôt par M. Paul Panhard à l’A.A.H.A. qui, d’abord la remisa au Musée de Monthléry. Elle retrouvait ainsi le lieu de ses exploits de jeunesse.

Mais devant les dégradations faites par des pillards sur les voitures stockées sous la piste, Serge Pozzoli trouva préférable de la confier au petit Musée du Pouliguen en 1965. Elle n’était malheureusement plus dans un bel état. Le musée laissé à l’abandon par son propriétaire, les gosses y pénétraient à l’envi.
Couverte de poussière, les pneus dégonflés, la carrosserie n’avait pourtant que peu souffert.

Prévenu, le Président de l’A.A.H.A. s’empressa de la faire retirer. Transportée au Musée du circuit du Mans, elle y fut remise en état en 1967 : M. Paul Panhard leur ayant donné.

Puis, lors de l’ouverture de l’espace Panhard à Mulhouse, elle y fut conduite et trône aujourd’hui parmi ses congénères.

Elle sortira de temps à autres pour illuminer sa robe sous les sun-light de quelques salons prestigieux, dont celui du Classic-Days cette année. Hélas, elle ne put tourner à cause d’une bielle récalcitrante !

UNE VIDEO TRAVELING DE LA VOITURE LORS DU CENTENAIRE A AVIGNON

Charly RAMPAL (Doc usine)