L’ECONOMY RUN : DYNA Z
Si les podiums purement sportifs restent les porte-drapeaux de la marque Panhard, les victoires à l’Economy Run témoignent de ce qui a aussi fait la réputation des qualités routières de nos voitures associées au rendement de leur mécanique qui les a porté à une sobriété légendaire.
De 1950 à l’extinction de la marque en juillet 1967, Panhard a puisé dans ses succès sportifs les arguments propres à s’attacher les amateurs de conduite rapide.
Cependant, depuis l’apparition de la Dyna Z à la fin de 1953, une autre partie de la clientèle est constituée de pères de famille économes qui trouvent là réunies des qualités réputées inconciliables : un grand espace et une réelle économie d’essence, obtenus principalement par une étude aérodynamique soignée, un bon rendement moteur et une tenue de route qui permet de ne pas lever le pied en virage, condition indispensable à l’exploitation d’une cylindrée de seulement 851 cc.
UN NOUVEAU TYPE D’EPREUVES
Par un heureux concours de circonstances, pour promouvoir ses berlines, Panhard va pouvoir mettre en valeur leur sobriété dans un nouveau type d’épreuve : les concours d’économie.
Apparus dans les années trente aux Etats-Unis, ils ont été mis à l’honneur en France en 1956 quand est lancé le premier Mobilgas Economy Run (marathon d’économie Mobil).
On devrait dire « remis à l’honneur », car la tradition dans notre pays remonte en fait aux années vingt si un se réfère au fameux bidon de 5 litres.
Le pétrolier Caltex (aujourd’hui Texaco) introduit un temps, avec l’aide de l’Automobile Club du Danemark, une épreuve concurrente appelée Caltex Economy Run (1957 et 1958), Caltex Economy Test (1959 et 1960) puis Caltex Performance Test (1961 et années suivantes) : Panhard s’y illustre également.
Mais c’est le concours Mobil qui va s’imposer partout en Europe : des épreuves similaires existent en Italie, en Autriche, en Grande-Bretagne, et dans les pays du Nord (Danemark, Suède, Norvège, Islande).
En France, la Mobil Oil est assistée par l’Automobile Club Basco-béarnais pour l’organisation des épreuves chaque printemps.
Il s’agit de consommer le moins d’essence possible sur un parcours donné, qu’à partir de 1958, les concurrents découvrent au dernier moment.
On vérifie que les véhicules engagés sont strictement de série (y compris évidemment les réglages de carburation et la pression des pneus) et n’ont subi aucun allègement (une différence de 3% par rapport au poids du constructeur est tolérée).
Les capots sont plombés et, dans chaque voiture, un contrôleur veille à la régularité du concours : la conduite doit être normale, sans roue libre.
Les modèles sont répartis en six catégories : les voitures de moins de 700 cc appartiennent à la classe 1, celles comme les Panhard, dont la cylindrée est comprise entre 701 et 1000 cc, à la classe II, et ainsi de suite de 300 en 300 cc.
Les concurrents sont classés non seulement selon leur consommation moyenne, mais aussi à l’indice énergétique (le poids et la vitesse du véhicule sont mis en rapport avec sa consommation) et doivent à partir de 1961 subir un concours d’efficacité sur circuit, où l’on évalue le rapport entre moyenne horaire et « litrage ».
LA DYNA Z S’IMPOSE D’EMBLEE
A ce jeu, une Panhard habilement menée est presque imbattable et, tout de suite, des Dyna remportent des concours un peu partout, en Europe et même aux Etats-Unis : la première victoire de ce type semble dater du 12 mars 1956, au Mobilgas de Californie, avec une consommation de 3,3 l aux 100 km !
Panhard devra beaucoup à des pilotes comme le bordelais Claude Courbe et François Hébrard,
André Parayre et Philippe d’Espouy, agents commerciaux à la succursale Panhard de Toulouse, ou encore Jules Favières, représentant de la marque à Dreux depuis 1930.
Les qualités requises, régularités, anticipation, sens de la route, se rapprochent de celles que demandent les rallyes traditionnels, dans lesquels certains de ces pilotes s’engagent aussi.
Après un premier essai en 1954, modeste mais couronné de succès, la première véritable édition du Mobilgas Economy Run a donc lieu du 31 juillet au 3 août 1956, sur un parcours de 2.200 km qui mène les concurrents de Deauville à Hyères, vis St Jean-de-Luz.
25 voitures franchissent la ligne d’arrivée, et parmi elles 3 Dyna Z qui enlèvent les trois premières places de leur catégorie.
Par le jeu des coefficients, le classement général échoit à une Austin A 90 de 2600 cc, suivie d’une Peugeot 403, la Dyna de Garapon n’arrivant qu’en troisième position.
Mais si l’on examine la consommation des participants, on constate que sa consommation moyenne (5,237 litres) la place devant toutes les autres voitures à l’exception d’une 2cv qui a brulé 4,411 litres.
Ce coup d’essai est donc déjà un coup de maître, mais il n’empêche que l’on verra beaucoup mieux les années suivantes.
UN PARCOURS SANS FAUTE
En effet, la marque de l’avenue d’Ivry a compris tout le parti qu’il y avait à tirer de ce genre d’épreuves, au moment où elle essaie de « civiliser » sa berline.
En 1956, la Dyna Z voit en effet son poids augmenter considérablement, car sa caisse en alliages légers laisse la place à une caisse en acier (septembre 1955), les éléments mobiles (portes et capots) suivant la même évolution un an plus tard.
Les autres modifications apportées au fil du temps ont fini par transformer la Dyna Z1 sportive et pointue en une Dyna Z 12 plus raisonnable et plus à la portée du conducteur moyen.
Sans hypothéquer sa réputation dans les rallyes purement sportifs, la Dyna prouve dans les épreuves de consommation qu’elle sait être économique et donc raisonnable.
Pourtant l’édition 1957, de Paris à Biarritz via Annecy et Nice, ne connaît encore qu’un retentissement mesuré.
Claude Courbe, jeune négociant de vins bordelais, et Jules Favières, le concessionnaire de Drouais, remportent les deux premières places de leur catégorie, mais aussi les première et troisième places au général, ce qui permet à Panhard d’enlever la coupe des constructeurs.
C’est en 1958 que le Mobil Economy Run acquiert réellement ses lettres de noblesses : l’itinéraire de 2.700 km devient international, avec le départ de Bruxelles le 14 juillet pour rallier Biarritz le 19, avec étapes à Luxembourg, Lausanne et San Remo.
Cette fois, c’est François Hébrard qui apparaît en tête du palmarès, après un parcours sans faute durant lequel sa Dyna n’a consommé que 4,589 litres aux cent en moyenne !
Trois autres Dyna ont d’ailleurs aussi réussi la performance de consommer moins de 5 litres.
Pourtant, on l’a vu, ces voitures son strictement de série, même si les concurrents reçoivent une petite aide de l’usine qui leur fournit des moteurs, des carburateurs et des boites montées avec des pièces sélectionner, dont les cotes sont parfaites.
Moteur, boite et pont sont vidangés avant le départ pour éviter l’emploi d’additifs.
Bref, les conducteurs doivent avoir réellement le pied léger, sans pouvoir utiliser d’astuces pour diminuer leur consommation.
Il leur faut adopter un régime moteur aussi proche que possible du régime le plus économique, compte tenu des circonstances, et traiter l’accélérateur avec une grande sensibilité, tout en freinant très peu…
SUCCES DE GROUPE
Succès aussi au troisième Caltex Economy Test qui se déroule du 16 au 21 mars 1959 entre Freudenstadt, en Allemagne, et Copenhague.
Les Dyna prennent en effet les quatre premières places, mais malheureusement les deux premières sont déclassées, pour non-conformité avec la fiche d’homologation : celle de Parayre/Pineau pour un réglage du pointeau du carburateur, et celle des Favières pour un réglage de la boite qui ne figurait par sur les fiches des commissaires techniques.
Ce sont donc François Hébrard et son épouse qui remportent la victoire avec 4,837 litres, suivis immédiatement par l’équipage Courbe/Molina (4,847 litres).
C’est encore une Panhard qui gagne la coupe des Dames, celle des sœurs Alexandra et Nadine Kissel, de Vesoul, où elles sont fromagères.
Moins de quatre mois plus tard, en juillet 1959, Jules Favières et son épouse conduisent à la victoire leur Dyna Z16 à l’occasion du Mobil Economy Run.
Jules Favières voit ainsi sa persévérance récompensée lui qui n’a jamais manqué un Mobil depuis le début.
On le voit ici traverser une agglomération dans l’Isère :
Et dans les lacets de la route Napoléon :
Cette Edition met spectaculairement en valeur les qualités d’économie du « groupe Citroën » : aux neuf premières places du classement à l’indice énergétique, on trouve en effet trois Dyna et six Citroën ID, la première parmi les autres marques étant la Wolseley 1500 classée dixième.
Mais déjà, l’heure de la relève approche avec l’arrivée de la PL17 sur le marché : sera-t-elle aussi brillante que son ainée ? Vous le saurez dans un prochain article qui lui sera dédié.
Charly RAMPAL Avec l’aide de Yan LELAY et Bernard VERMEYLEN – Photos : Archives Panhard