C’est en 1991 que nous avions commémoré les 100 ans de la Marque Panhard.

Il n’y avait pas de manifestation régionale qui n’ait repris cet évènement à son compte.

Qu’il s’agisse de la belle rétrospective de Rétromobile en février où nous avions présenté sur un podium et annexes les modèles les plus représentatifs de la marque

Allant jusqu’au prototype Citroën-Panhard que j’avais été cherché à Aulnay sous Bois, grâce à J-P Cardinal et que je n’avais pas quitté des 10 jours du salon,

Mais aussi, des prestations remarquées du « crabe » de 1891 et déjà du long cigare des records de 1934 lors du festival de Montlhéry, bichonné par De Valance

Et où j’avais eu le bonheur de conduire la barquette D.B. 1953 de mon ami Jean Pagès,

toujours côté circuit, celui du Mans,

ou encore du podium vedette érigé au cœur du salon de Séclin, en avril, mais aussi de ceux installés au salon d’Epoqu’auto, à Lyon, et à Nantes-La Beaujoire, mais ce n’était là que des hors d’œuvre de grande qualité, certes, mais tous les panhardistes n’avaient pas pu se rassembler : il manquait une apothéose dans la capitale de la France sur les lieux mêmes de la naissance de la marque doyenne.

Ce fut chose faite le 26 octobre 1991, lors de la célébration officielle du centenaire de l’industrie automobile, en hommage à Panhard et Lavassor, organisée par la Fédération Panhard et Levassor et parrainée par la municipalité de Paris.

Les choses étaient clairement exposées dans le dossier officiel de cette manifestation : » Ce centenaire est celui de la première marque de voitures automobiles au monde destinées à être commercialisées : la première série sortit des ateliers de la Porte d’Ivry, dans le 13ème arrondissement de Paris, en octobre 1891. »

Paris reconnaissant qui, à travers sa municipalité emmenée par son Maire du moment, Jacques Chirac, donnait au centenaire le bouquet final d’un feu d’artifice qu’aucune marque n’avait connu.

Le SCMPL, la Fédération P.L , tous les Clubs de France, d’Europe et même des Etats-Unis, les indépendants, s’étaient donnés rendez-vous sur l’esplanade du Château de Vincennes pour former un cortège de quelques 400 voitures, déclinant, en de nombreux exemplaires, tous les modèles de la marque.

La famille Panhard émue, au grand complet, des plus impliqués (Jean Robert, Christian, Patrick, Personnaz) aux plus étonnés de porter un nom si prestigieux, devant ce parterre de passionnés, de convertis à l’état d’esprit de « La Maison » comme aimait à le souligner son principal ingénieur Louis Delagarde.

Tout le monde ressentait intensément la présence de Louis Bionnier, le créateur de toutes ces belles robes et Louis Delagarde ô combien regretté, donnant de la voix à travers ces centaines de bicylindres.

 Paris réveillé, Paris embouteillé, mais Paris émerveillé par ce rendez-vous de l’histoire de l’automobile qui est aussi l’histoire d’un peuple.

LA SEQUENCE DES EVENEMENTS

Dès le vendredi, convergeaient de l’Europe entière, des flots de panhardistes.

Le grand rassemblement commença au petit jour dans la brume du bois de Vincennes, plus exactement devant de Château.

Un pâle soleil d’hiver daigna se lever pour illuminer peu à peu l’esplanade St Louis envahie par 380 véhicules de la marque, tous dans un excellent état.

Le service d’ordre quoiqu’important, n’eut guère à se manifester tant la discipline et la dignité régnaient.

Vers 10h15, le cortège s’ébranla en direction de la Porte d’Ivry, alors que les officiels et la « Famille » allèrent directement au Quai de la gare rebaptisé « Quai Panhard et Levassor ».

A 11 heures, une foule énorme attendait devant le 18 de l’Avenue d’Ivry, l’arrivée des personnalités.

Soudain, un panache de fumée bleue attira tous les regards, un murmure annonciateur confirma l’approche de la Panhard de 1891 conduite par Jean Panhard qui emmenait le Maire du 13ème, M. Jacques Toubon.

Les cœurs se mirent à battre plus fort lorsque la Panhard de 1881 descendit du camion sous la direction d’Etienne de Valance qui ne la quittera pas.

M. Texier, de directeur général de la SCMPL de cette époque, et Jacques Toubon y prirent place pour leurs allocutions.

Moment d’émotion lorsque M. Texier rappela l’esprit de « La Maison » dont le slogan était devenu « Panhard, la tradition d’avant-garde ».

Les yeux pleins de larmes, les « anciens » se souvenaient : cela en disait long.

Le discours plus politisé du Maire, remit les mouchoirs dans les poches.

La plaque découverte, un buffet nous attendait dans un gymnase de l’autre côté du boulevard Masséna.

Je n’en parlerai pas car je me souviens très bien de ces personnes revenues à leur instinct primaire dès qu’ils sont en meute, occupant les premières loges du buffet et s’y accrochant pendant que la majorité les regarda manger !

Nous n’étions pas au bout de nos peines, le plus dur (surtout pour nos embrayages) était à venir : la traversée de Paris.

LA TRAVERSEE DE PARIS

Il n’est pas question ici d’un remake avec Bourvil et Jean Gabin !

Mais bien d’un défilé dans les rues de Paris sur un parcours de 26 km partant du boulevard Masséna, passant par le Trocadéro, pour arrivée à la Place d’Italie.

A bord de mon DB Le Mans avec mon fils, je faisais parti de ces 350 voitures de tous âges, plus trois utilitaires (dont un autobus Somua

 et l’autocar de Jean-Pierre Meynard vedette plus tard du film « Les choristes »),

dont les sans-soupapes qui fumaient  à tout va dans le trafic parisien particulièrement surchargé ce jour là !

Un vrai casse tête pour les forces de l’ordre réquisitionnées à cette occasion, qui eurent bien des soucis pour ceinturer quelques points névralgiques afin de laisser passer le cortège : on ne sait pas fait que des amis ce jour là !

Etonnante vision que celle de toutes ces Panhard quittant le boulevard Masséna et tentant de rejoindre le Trocadéro via l’avenue des Gobelins, le boulevard St Michel, le rue de Rivoli et le cours Albert 1er

Je vous joins quelques photos souvenirs de ce périple :

PHOTOS SOUVENIR

PLACE D’ITALIE

Les retrouvailles du soir, Place d’Italie, nous valurent un bel embouteillage et un concert de klaxons dont les riverains se souviennent encore !

Mais cela n’affectera en rien le concours d’élégance organisé par AUTO-RETRO.

50 voitures y participèrent, plus belles les unes que les autres. Quelques modèles rares et représentatifs eurent droit à une très belle médaille de 160 mm de diamètre et d’une valeur de 2500 Fr de l’époque.

Une foule énorme s’engouffra ensuite dans l’Atrium, à croire que tout Paris avait été invité, pour un cocktail, dont beaucoup ne virent qu’une nappe vide.

Certains, déçus, partirent précipitamment vers le Vaucluse, les bouches du Rhône ou la région nantaise.

Une nuit réparatrice calma tout ce beau monde.

Les purs, les durs, les tatoués se retrouvèrent dimanche matin dans des lieux plus en rapport avec notre passion : le Centre International de l’Automobile à Pantin.

Sous l’impulsion de Jean-Antoine Personnaz, une magnifique réception nous attenait.

Après Jean Panhard et le Directeur du ventre, Robert Panhard prit la parole pour inaugurer une allée à la mémoire d’Emile Levassor.

Son hommage fut remarquable, retraçant toute la vie de celui qui, aux côtés de René Panhard, donna à la marque sa technicité, son travail, son courage et sa vie.

A cette occasion, l’exposition mettait en avant le côté sportif de Panhard avec la présence d’André Guilhaudin qui passa du modèle 1891

à sa CD victorieuse aux 24 Heures du Mans 1962.

Comme toujours lors de ces cérémonies, un brunch autour de nombreuses tables nous ramena à la réalité, touchés que nous étions par ces émouvants discours par des  hommes de qualité.

Un petit groupe « d’accroche cœur » emmené par Jean Favarel, s’en alla déposer  quelques fleurs sur la tombe de Louis Delagarde dont le souvenir était d’autant plus présent.

CONCLUSION

Panhard restera toujours les premiers tours de roue d’une industrie centenaire.

L’automobile n’était jusqu’alors qu’un objet de curiosité technique : elle est devenue un moyen de transport que deux industriels courageux (René Panhard et Emile Levassor) construisirent en série pour le commercialiser puisque la 2 places à moteur PC2 fit l’objet d’un prospectus.

Sans minimiser le rôle de tous les pionniers qui ont ouvert la voie, on peut dire que l’industrie automobile mondiale est née en 1891 à Paris, avenue d’Ivry.

En cette année mémorable, ils ont conçu un modèle, l’ont mis au point, ont lancé la série, ont réalisé un prospectus pour en publier les caractéristiques, ont reçu des commandes et ont vendu des voitures.

Aucune firme ne l’avait fait avant eux.

Certes les machines de Benz et Daimler ont déjà roulé, certes le quadricycle de Peugeot ne tardera pas à faire une brillante performance et quelques exemplaires seront vendus, mais c’est à Panhard et Levassor  que revient le mérite d’avoir effectué, le premier, toute la démarche qui en fait la doyenne des marques.

Parmi les premiers clients de Panhard et Levassor, il y eut notamment un certain M. Verlinde, demeurant à Billancourt, qui prit livraison le 30 octobre 1891 de la première automobile produite en série : une 2 places à moteur PC 2 (2 cylindres en V, puissance 1 ¾ HP à 750 t/mn).

Parmi les autres clients célèbres, il y eut bien sûr l’abbé Gavois, un figure du clergé, qui la conduisit pendant près de 40 ans !

Plus aucun évènements commémoratif à venir ne pourra atteindre le niveau du centenaire de 1991 : exceptionnel !

Deux vidéos pour l’ambiance en direct :

Charly  RAMPAL  (Doc. Personnelle) + Photos Couleur : Max Imbert