ESSAI DE LA DYNA X 1949-1950
L’ESSAI
L’essai a été effectué par un temps irrégulier, soleil au départ avec un peu de vent, pluie à partir de Gaillon et jusqu’à une dizaine de kilomètres avant Pontoise.
Le circuit était le parcours habituel ou Maurice Philippe a coutume d’effectuer les essais de différentes voitures.
Les routes sont en général bonnes, sauf quelques traversées de localités.
Mais la densité de la circulation, les croisements, la traversée de nombreuses agglomérations mettent a contribution les diverses qualités de la voiture, autres que la vitesse pure, telles que la nervosité des reprises, les freinages, la tenue de route, la suspension.
La voiture était l’une des toutes premières Dyna équipée du nouveau moteur dont il sera question après l’essai, les résultats de ce dernier étant d’une telle valeur qu’il était intéressant de se rendre compte des détails d’une construction qui avait permis de les réaliser.
Deux personnes à bord.
Comme de coutume, entre Saint-Germain et Mantes eut lieu l’étalonnage du compteur des distances et de la vitesse.
Il a été constaté que, contrairement à l’habitude, le compteur retardait de 4 %.
II est à remarquer que l’indicateur de vitesse intervient seulement dans l’essai d’accélération; quant aux distances, le très grand nombre d’essais effectues sur ce parcours a permis de les déterminer avec précision.
Généralement la plus grande vitesse moyenne est enregistrée entre Saint-Germain et Mantes, c’est-a-dire dans les vingt premières minutes.
Mais nous avons eu la malchance de rencontrer tout justement dans des localités des véhicules plus lents derrière lesquels il fallait alors « marquer le pas ‘.
De plus, si bien que notre moyenne, sur Saint-Germain-Mantes fut très légèrement inferieure à 84 a heure.
On verra que cette moyenne s’améliorera par la suite.
La cote de Rolle boisé a pu être abordée à 98 a l’heure; le virage a été pris a 75 a l’heure et en haut de la côte nous étions à 85.
Ces vitesses indiquent qu’on est reste constamment en 4 surmultipliée.
Au reste, la cote en lacets après l’embranchement de la route de Vernon et qui monte sur le plateau précédant Pacy-sur-Eure a été gravie également en surmultipliée, la vitesse ne tombant jamais au-dessous de 65 a l’heure.
Il a même été possible, au cours d’un essai spécial, « par curiosité » de monter la côte de Gaillon toujours en surmultipliée et sans peiner, puisque le temps sur le kilomètre indiquait encore plus de 58 de moyenne ce qui est évidemment assez loin des 48 sec. (75 a l’heure) réalisés en passant, à temps, en 3, c’est-a-dire en prise directe mais qui montre bien que le moteur n’a pas seulement une puissance de pointe aux régimes élèves, mais qu’il possède encore « des chevaux » aux allures moyennes.
Mais revenons à nos essais.
A l’entrée de Pacy-sur-Eure (57 km 200 depuis Saint-Germain), le temps était de 40 minutes, soit une moyenne de 85,800 à l’heure, moyenne déjà améliorée sur celle du parcours Saint-Germain-Mantes.
Malgré une première averse qui nous assaillit. entre Pacy-sur-Eure et Vernon, la moyenne Saint-Germain-Vernon monte encore : 11 kilomètres sont couverts en 7 minutes soit à plus de 94 de moyenne.
Depuis Saint-Germain, moyenne 86.800.
La fin de la première heure nous trouvera à Gaillon, avec 88 kilomètres parcourus.
On sait que la seconde heure, sur le parcours Gaillon, Les Andelys, Tourny, Thillois, Saint-Clair-sur-Epte, Magny-en-Vexin, Pontoise ne permet pas une vitesse moyenne aussi élevée que celle qu’il est possible de réaliser au cours de la première heure.
Cela non seulement à cause des sinuosités de la route mais encore par suite de traversées difficiles comme celles de Saint-Clair, Magny et Pontoise.
Néanmoins, et malgré une pluie violente pendant une vingtaine de kilomètres, il a été couvert 83 km. 200 dans la seconde heure, traversée de Pontoise comprise (alors que les essais sont généralement arrêtés à l’entrée de la ville ou 78 kilomètres avaient été parcourus en 55 minutes soit 85 de moyenne).
Sur les deux heures, la vitesse moyenne ressort donc a 85.600 cela sur un parcours de plus de 170 kilomètres dont la carte indique déjà les difficultés.
C’est une performance exceptionnelle pour une voiture, quelle qu’elle soit.
Vitesse en palier et en côte
Le kilomètre en palier, aller et retour, a été chronométré entre Vernon et Gaillon avec une lancée quelque peu insuffisante, puisque la vitesse augmentait légèrement au cours de la partie chronométrée.
Comme de coutume, les temps étaient pris par deux chronomètres, un dans chaque main, temps qui ont toujours rigoureusement concorde.
La vitesse moyenne au kilomètre (aller et retour) ressort a 112 kms 219, et la vitesse la plus élevée a 112 kms 429.
En cote, sur le kilomètre a Gaillon, départ lancé 48″ (75 a l’heure), départ arrêté : 1′ 0″ 1/5 (moyenne 59.980).
Accélérations
Dans l’essai d’accélération, départ arrêté, on est a 30 a l’heure en 4″ 1/5, a 50 en 8″ 2/5, a 80 en 19″ 1/5, a 90 en 23″ 2/5.
Consommation
La consommation a été mesurée de la façon suivante : au départ, plein du réservoir, les roues de la voiture étant placées entre des repères.
A l’arrivée, la voiture arrêtée entre ces repères, on mesurait à l’éprouvette la quantité d’essence a ajouter pour refaire le plein.
A la moyenne de l’essai précédent, soit 85.600, la consommation a été de 14 lit. 100 pour 210 kms, soit 6 lit. 714 aux 100 kms.
Il a été effectué un autre essai sur 100 kms de Saint-Germain, Mantes, Pacy-sur-Eure, Gaillon, route de Louviers, à une moyenne de 80 kms 100.
La consommation, toujours mesurée en rétablissant le plein a été de 6 lit. 180.
Si l’on tient compte des nombreux ralentissements, donc des nombreuses reprises, on peut penser que, sur une route de grand itinéraire, on doit consommer à peine 6 litres aux 100 kms à 80 de moyenne.
Car pour faire 80 de moyenne sur le parcours Saint-Germain-Gaillon par Pacy, il a fallu rouler très fréquemment à plus de 100, tandis qu’il me souvient d’avoir effectué un essai sur Paris-Nevers à 80 de moyenne sans avoir jamais dépassé 90.
On peut penser que 90 à l’heure ou plus de 100, cela ne représente pas la même consommation moyenne.
Quelques observations
Malgré le désir de Maurice Philippe, dans ces essais, d’enregistrer simplement les faits avec la froideur d’un instrument de contrôle, il doit pourtant dire, cette fois, son étonnement admiratif pour les chiffres relevés.
Certes les essais qu’il avait précédemment effectués de la Dyna-Panhard lui avaient déjà fait constater qu’il s’agissait, sans discussion, d’une voiture de grande classe mécanique.
Sa prestation sur la route, résultant d’un ensemble constitue par une direction précise (2 tours 1/4 de volant d’un braquage à l’autre), une suspension à la fois très confortable et exempte de ballant, un freinage puissant, exactement en accord avec la voiture et les vitesses qu’elle autorise, l’avaient éclairé sur les possibilistes de la voiture.
Par ailleurs, en ce qui concerne les passagers et leur confort, l’aspect extérieur est quelquefois trompeur.
Mais en main, l’on peut constater avec une certaine surprise, que par rapport à une 7 CV moderne, dont on se plait à reconnaitre qu’elle constitue une très belle réussite, il y a : pour les passagers avant, la même largeur aux coudes, 5 c/m de moins aux épaules (soit 2 c/m 1/2 par personne ou 1 c/m 1/4 par épaule), que du centre du volant au dossier des sièges arrière (comprenant par conséquent la profondeur des sièges avant et arrière, et la distance entre eux), la différence est de 3 centimètres.
Quant à la hauteur, disponible entre la banquette arrière et le toit (par conséquent la distance entre la tète du passager arrière et le toit), la Dyna a 1 centimètre de plus.
Gageons que, comme Maurice Philippe d’ailleurs, ces constatations ont surpris beaucoup de lecteurs de cette époque.
Mais revenons à la mécanique.
Comment a pu être obtenu ce moteur, véritable phénomène ?
En bref, la puissance spécifique d’un moteur dépend, notamment, du régime auquel il est possible de le faire tourner.
Point n’est besoin d’être technicien pour comprendre qu’on a intérêt à utiliser la période motrice celle de « l’explosion », le plus grand nombre de fois dans un temps donné.
A puissance égale le « petit » moteur tournant vite permettra, par rapport au « gros » à régime plus lent, un allégement de toutes les pièces mécaniques du moteur et des transmissions.
Tourner vite implique l’augmentation du taux de compression et un rappel très rapide des soupapes soulevées par l’arbre a cames.
Quand nous aurons ajoute qu’on est limite dans l’augmentation des taux de compression par un allumage prématuré et que, d’autre part, les ressorts de rappel hélicoïdaux sont sujets a « l’affolement » au delà d’un certain régime, nous serons en mesure de comprendre et d’apprécier le moteur. Panhard qui lui a été présenté :
Et d’abord le montage des têtes de bielles à rouleaux.
- Les croquis
Le croquis montre que les rouleaux sont, dans le dispositif ordinaire, sollicites par deux forces contraires : l’une, le mouvement de la bielle sur le maneton du vilebrequin, qui tend a les faire tourner dans le même sens; l’autre, la réaction des rouleaux l’un sur l’autre, qui veut les faire tourner en sens inverse.
Si, au lieu de se passer entre surfaces lisses, il s’agissait de surfaces dentées, tout casserait.
Les surfaces lisses s’usent, voila tout.
Mais elles s’usent rapidement comme on peut le penser.
Dans l’embiellage breveté Panhard, l’interposition, entre deux rouleaux porteurs, de rouleaux inverseurs de plus petit diamètre maintenus par des cages qui ne les laisse en contact qu’avec les deux rouleaux voisins et non avec la portée de bielle, il n’y a plus de mouvements contraries, les rouleaux tournent tous sans frottement.
C’est un embiellage quasi-inusable.
On a obtenu les refroidissements optima au moyen d’une autre disposition des ailettes d’une modification des sièges de soupapes et du logement de la bougie.
Le rappel par deux barres de torsion ancrées l’une sur l’autre a encore été perfectionne par l’adoption d’une barre centrale réagissant à I ‘intérieur d’une barre tubulaire.
Ajoutons que le diamètre de la soupape d’admission a été augmente, la face supérieure de cette soupape étant légèrement creusée pour qu’elle pèse néanmoins le même poids que la soupape d’échappement.
Et ce sont encore les études concernant la rotation des soupapes par une légère dissymétrie du dispositif de rappel et qui constitue pour ainsi dire un auto-rodage continuel de la soupape sur son siège; les leviers des culbuteurs, montes autrefois sur aiguilles, donc sans jeu, ce qui engendrait une répercussion des vibrations de la came et qui sont maintenant articulés sur rotule placée a l’intérieur des culbuteurs, avec réglage sur la tige même, ce qui supprime les moments d’inertie des écrous et contre-écrous généralement places en bout du culbuteur (1 gramme gagne équivaut a 30 tours de plus du moteur); la rotule du culbuteur a également pour résultat que l’appui sur la queue de soupape porte sur toute sa surface en supprimant ainsi les efforts obliques exerces sur la soupape; un nouvel arbre a cames avec levée des soupapes augmentée de 1 m/m, 9; les nouveaux pistons; le ventilateur central monté à glissement et formant damper pour amortir les vibrations éventuelles de l’arbre moteur; la tuyauterie d’échappement sans coudes avec silencieux longitudinal… tout cela est l’indice d’une étude poussée en ses moindres détails.
Si l’on se souvient que l’ancien moteur, qui comportait déjà l’embiellage spécial Panhard, donnait des résultats exceptionnellement brillants, on ne s’étonnera plus qu’au nouveau moteur on puisse accoler le qualification « increvable » qui est bien le prix d’excellence qu’on a coutume d’accorder aux ensembles mécaniques de l’automobile.
Les conséquences
Le tour de force technique, admirable en soi, serait pourtant une curiosité assez vaine s’il ne se traduisait pas par des avantages d’ordre pratique.
La tenue de route résultant de la traction avant, de l’épure de direction, de la suspension a pour conséquence, en plus de l’accroissement de la sécurité, une très minime usure de pneus.
Le moteur, dont nous avons note quelques-unes des qualités, et qu’une cylindrée unitaire suffisante rend plus robuste encore, occasionnera peu de frais d’entretien et ses révisions seront espacées sur un kilométrage très élevé.
La consommation, on la connait. Il faut ajouter que, du fait d’une moindre usure du moteur, elle demeurera constante, d’essence et d’huile, au lieu d’augmenter avec l’usage.
En fait, a performances égales et a égalité de confort, la Dyna-Panhard procurera par rapport à telles autres, des économies considérables se chiffrant, rien que pour l’essence, à quelque 60.000 francs pour 20.000 kilomètres.
Ce sont là, non des affirmations, mais la conclusion évidente découlant de ce qui précède.
Charly RAMPAL D’après le texte intégral de Maurice Philippe d’Automobilia novembre 1949)