L’avènement de l’automobile a fort logiquement joué un très grand rôle dans le développement du tourisme en rendant les déplacements de plus en plus rapides et confortables.

Certes, depuis le milieu du XIXème siècle, le chemin de fer remplit déjà cette fonction, mais cette formule, moins souple, ne permet pas d’aller partout, alors que l’automobile autorise un éventail de possibilités nettement plus large. Dès avant la première guerre mondiale, de nombreuses compagnies de transport assurent ainsi les déplacements collectifs avec des véhicules spécialement aménagés, généralement construits sur des châssis d’utilitaires.

Pionnière dans la construction d’automobiles mais aussi dans le domaine des camions, la marque doyenne ne pouvait naturellement pas rester indifférente aux besoins de cette clientèle importante.

Aux carrosseries « folkloriques » que l’on trouve au catalogue dans les années 1898 à 1905 environ (char à banc, omnibus, break de voyage ou coupé-diligence) succèdent ensuite des torpédos de grand volume qui sont progressivement supplantés, après la première guerre par de véritables autocars de tourisme qui sont aménagés sur des châssis de camions.

Jusqu’à la fin des aimées vingt, ces autocars gardent la philosophie des véhicules des débuts, c’est-à-dire qu’il s’agit en réalité d’énormes torpédos comportant plusieurs rangées de banquettes.

On peut d’ailleurs comparer l’évolution de ces carrosseries à celle de l’automobile de tourisme où les carrosseries fermées sont largement minoritaires pratiquement jusqu’en 1930…

Ce sont ces premiers autocars -fabriqués dans le courant des années vingt- que nous allons surtout évoquer ici, avec un petit regard sur les véhicules qui suivront dans le courant de la décennie suivante, plus proches dans l’esprit des autocars modernes et confortables d’aujourd’hui.

La photo ci-dessous montre qu’il ne s’agit pas encore d’un autocar, mais d’une vaste torpédo aménagé pour les balades en groupe, car on ne compte pas moins de quatre rangées de sièges. Si affirmer le type et l’année de ce modèle, on peut quand même le situer vers 1911 ou 1912 : il pourrait s’agir d’un type U7 ou X4 animé par un 4 cylindre de 15CV (T4R – 3.296 cm3).

Ci-dessous, le radiateur en coupe-vent permet de situer l’année de fabrication de ce torpédo aux alentours de 1920/1921. On peut penser à une 16CV Sans Soupapes type X28. On remarque les roues-fil, étonnantes pour un tel véhicule.

Nous avons ensuite ce véhicule à 8 portes latérales, sans doute fabriqué vers 1922 qui dérive plus nettement d’un châssis utilitaire, comme en témoignent les roues et la carrosserie plus haute.

Enfin, un véhicule assez semblable à celui du dessus, mais à 6 portes seulement.. dans lequel 14 personnes ont pris place. Il est affrété par le Garage Gabah.

EN PELERINAGE A LOURDES

Le 11 février 1858, et ensuite régulièrement pendant six mois, Bernadette Soubirous, une petite fille qui ramassait du bois près de la grotte de Massabielle, le long du Gave, à Lourdes fut le témoin -c’est du moins la version attestée depuis 1862 par le Vatican- d’apparitions de la Vierge Marie. Devenue rapidement célèbre, la petite cité des Pyrénées fut bientôt envahie de hordes de pèlerins qui souhaitaient bénéficier des faveurs de la Vierge, et certains furent apparemment récompensés puisque de nombreuses personnes invalides furent guéries de leurs maux incurables.

Une basilique fin érigée sur le site en 1876 et les pèlerinages organisés sont devenus une véritable institution.

Dès les années dix, les excursions touristiques dans la région, qui ne manque pas d’intéressants sites naturels, sont devenues la distraction favorite des pèlerins, dès lors qu’ils ne sont pas occupés à leurs pieuses activités.

Nous voici cette fois dans la seconde moitié des années 20. Toujours plus grand et d’aspect plus utilitaire aussi.

Ci-dessous, le véhicule numéro 2 de l’Excelsion Garage à Lourdes. Les véhicules de cette société étaient les seuls à être peints en rouge.

Ci-dessous, un puissant torpédo de tourisme qui st selon toute vraisemblance, une 16CV Six type X57 de 1926/27.

Véhicule numéro 6 de l’Excelsion Garage. Nous sommes ici en présence d’un véritable autocar décapotable à 5 banquettes.

Ces excursions au pic du Ger, aux grottes de Bétharam ou, surtout, vers le cirque de Gavarnie, on peut bien sûr les faire à pied, à cheval, voire à dos d’âne, mais il est évidemment plus commode d’être véhiculé par une automobile.

C’est sans doute un garagiste du coin, plus astucieux que les autres, qui a proposé aux pèlerins-touristes de mettre son automobile à disposition pour les excursions. Si bien qu’à partir des années vingt, ce sont plusieurs compagnies qui proposent leurs services avec des véhicules particulièrement adaptés à cet usage, mais dont le taux d’occupation est généralement proche du maximum, voire supérieur, à en juger par les cartes postales souvenir que l’on peut trouver aujourd’hui.

C’est en effet très vite devenu une tradition de photographier le véhicule garni de sa fournée de touristes au début de l’excursion, pour pouvoir vendre ensuite aux participants ce souvenir de la balade du jour…

Ci-dessous, la car typique utilisé par la compagnie « Lourdes-Les Pyrénées », identique au modèle illustré sur un document publicitaire de la arque publié en 1926. Le moteur de 4.840 cm3 est comptabilisé pour 19CV fiscaux. Il y a 26 personnes à bord, plus le chauffeur.

Ci-dessous, la version longue fait dans le spectaculaire : pas moins de 16 portes et 41 passagers, sans compter le chauffeur !

C’est ainsi que les véhicules affrétés aux balades dans les environs de Lourdes ont été photographiés des milliers de fois, et qu’il est aujourd’hui relativement aisé d’en trouver en chinant dans les brocantes ou les bourses spécialisées en cartes postales, pour notre plus grand bonheur.

En effet, dans la période 1920-1935, le constructeur de l’avenue d’Ivry est l’un des principaux fournisseurs des garages ou compagnies qui sévissent dans les Hautes-Pyrénées.

La concurrence n’est bien entendu pas absente, et certaines marques, en particulier Rochet-Schneider et Renault, sont également très bien représentées à Lourdes.

Parmi les bons clients de l’avenue d’Ivry, citons le garage Bouriette, le garage Gabach, le garage Marnpuyet, et surtout l’Excelsior Garage et la compagnie « Lourdes – Les Pyrénées ».

Les véhicules utilisés sont donc presque toujours des véhicules industriels dotés d’un moteur Sans Soupapes de puissance variable.

En 1926, la marque édite même un feuillet publicitaire, qui décrit le « châssis industriel type spécial pour transports rapides », illustré par un autocar de la compagnie « Lourdes – Les Pyrénées » !

Ce véhicule à six roues, dont quatre jumelées à l’arrière, pèse la bagatelle de 2.750 kg en châssis, mais avec les pneus…., pour un poids total maximum de 9 tonnes en ordre de marche, avec charge (sic) et conducteur… II est vrai qu’il mesure plus de six mètres et demi de long. Pour mouvoir tout cela, on a installé sous le capot un gros quatre cylindres de 4.840 cm3 (105 x 140 mm) donné pour 19 CV fiscaux, aliié à une boite à quatre vitesses.

L’AUTRE CLIENTELE

Si les véhicules de Lourdes sont sans doute les plus connus, ils ne sont évidemment pas les seuls de ce type à avoir circulé.

Parmi sa fidèle clientèle, la marque peut compter sur la Compagnie des Transports Départementaux qui lui passe des commandes régulières, sur le Service des Autocars de la Compagnie du Midi et de nombreuses sociétés d’autocars un peu partout en France, sans oublier la Préfecture de Police de Paris. A l’étranger, les cars sont tout particulièrement appréciés en Afrique du Nord pour les transports rapides sur longue distance ou pour les correspondances des Chemins de fer : les Chemins de fer Algériens de lEtat, la Compagnie générale de Transport et de Tourisme, qui officie sur le territoire marocain, la Société Marocaine d’Automobiles, la Compagnie Auto-Routière Africaine, au Sénégal ou encore la Compagnie Auto-Routière du Levant, dont le siège est à Beyrouth, les correspondances PLM en Afrique du Nord, tous font confiance à la marque doyenne, à leur plus grande satisfaction.

C’est que les autocars rencontrent des conditions d’utilisation intensives.

Par exemple, un car qui sert à la liaison PLM exécute chaque jour l’aller-retour de Fez à Oujda, soit 750 kilomètres à chaque fois.

En Afrique du Nord, en effet, le problème des transports est plus ardu encore qu’en Europe. Au Maroc, en 1920, quelques voies ferrées étroites représentent les seuls moyens de communication du pays. Ce réseau devait donc être complété de lignes routières longues de 250 à 650 km, avec la nécessité d’exécuter les étapes réglementaires entre le lever et le coucher du soleil. Autrement dit, il fallait trouver des véhicules capables d’assurer un service annule de plus de 100.000 km par an sans révision majeure, tout en garantissant des performances suffisantes, c’est-à-dire capables d’atteindre des vitesses de l’ordre de 70 km/h en palier.

Ci-dessous : au début des années 30, les autocars entièrement décapotables sont progressivement remplacés par des cars dont les carrosseries sont seulement « découvrables », mais depuis l’avant vers l’extrême arrière, comme on peut le voir sur la photo.

Les autocars n’étaient pas exclusivement en service en France ; en Afrique du Nord en particulier, de nombreux cars de la marque assuraient des liaisons régulières, parcourant parfois plusieurs centaines de kilomètres par jour. Il s’agissait ici plutôt de cars entièrement fermés, à l’image de ceux illustrés à gauche et ci-dessous, tirés de reportages publicitaires parus dans la revue « L’Illustration » en 1930 / 1931.

Ci-dessous : le rapide car Panhard de la Société Marocaine d’Automobiles, à Casablanca.

Ci-dessus : Car 20CV¨Panhard, boite 4 vitesses avec 3ème hélicoïdale silencieuse = service de Fez à Oudjda.

L’étroitesses des routes des Pyrénées entraînait des contraintes pour les carrosseries des autocars, qui ne pouvaient pas avoir plus de deux mètres de large.

Ce qui explique le grand nombre de portes, dans la mesure où il ne pouvait pas y avoir de couloir central.

Les heures de montée et de descente étaient d’ailleurs réglementées, car à certains endroits, il était impossible de se croiser.

Les véhicules affrétés par les sociétés membres du S.L.A. (Syndicat des Loueurs Automobiles) étaient tous bleus.

Deux véhicules aux couleurs Excelsion Garage, d’aspect semblable mais de taille différente… Celui de dessus est sans doute établi sur un petit empattement de 3,75 m, alors que celui de dessous aurait plutôt droit à 6 m. On remarque la forme des vitres semblables à celle des voitures de tourisme.

Ces deux cars fabriqués aux alentours de 1937 étaient de toute évidence mus par des moteurs différents, mais des Sans-Soupapes dans les deux cas : un 4 cylindres de 12CV (2.563 cm3) pour le petit et sur un 6 cylindres de 24CV (8.870 cm3) pour le plus grand (type ZUVAST)..

Dès 1919, les premiers cars Panhard apparaissent sur les pistes marocaines : ce sont des 3 tonnes et demi à moteur 4 cylindres 16 CV Sans Soupapes, type SK4E2 d’une cylindrée de 3 175 cm3 (85 x 140 mm), qui donneront toute satisfaction, puisqu’ils furent régulièrement remplacés par d’autres modèles de la marque tout au long de l’entre deux guerres.

Dès 1945, le fameux moteur 4 HL s’installera à la place du Sans Soupapes sous le capot des utilitaires de la marque, et aussi sous celui de nombreux autres constructeurs.

Charly  RAMPAL  pour le montage et la réécriture d’un reportage en 2001 de Bernard Vermeylen à partir des archives Panhard, Photos : Cartes postales et archives Panhard.