Si les voitures à mécanique Panhard brillaient par leur nombre dans le plateau 3, renforcées il est vrai, par les 2 CD habituellement inscrites dans la plateau 4, les 3 barquettes du plateau 2 avaient un éclat tout particulier, car elles représentaient vraiment l’esprit prototype des 24 Heures du Mans des années cinquante.

En effet, on notait la présence d’une Callista Ranelagh de 1951 pilotée par l’équipage Bérard et Tavano,

une barquette D.B.-Trouis de 1954 aux mains de la famille Blanchard père et fille :

Qui participa à l’édition tragique du Mans 1955 et qui portait le n° 59 :

Pilotée à cette époque par Héry et Georges Trouis lui-même, elle terminera 20ème au général et 14ème à l’indice.
A la demande de Trouis, elle avait été carrossée en aluminium par Dhoest sur un châssis à poutre centrale en « U » renversé, équipé de 2 longerons et de 2 traverses. Le tout étant alvéolé pour gagner les précieux kilos afin de faire encore baisser le fameux rapport poids / puissance.

Aventure peu commune, c’est ce châssis qui avait été utilisé auparavant et en hâte pour supporter la carrosserie prototype du futur coach HBR qui fut présenté au salon de Paris en octobre 1954.
Re-démonté ensuite pour être rendu à Trouis et transformé en barquette :

Et enfin, la célèbre D.B.-Trouis de 1952, dont vous avez pu suivre tout l’historique et sa préparation dans la rubrique « LES VOITURES – SPORT- PROTOTYPE » dont Le Mans Classic était l’objectif premier.

Elle était bien entendu pilotée par Claude Gayraud que l’on voit ici quitter le paddock pour rejoindre les stands afin d’assurer les relais :

Et par Philippe Gayraud, son fils, que l’on voit également quitter le paddock pour rejoindre la pré-grille sous le crépitement des appareils photo attirés par cette merveille (notez l’immatriculation !) :

Cette voiture n’avait jamais participé aux 24 H du Mans, mais les organisateurs comprirent vite l’intérêt de sa participation et son homologation, même laborieuse, eut finalement un dénouement heureux.

Car les innombrables heures de travail que Claude et Philippe avaient passé pour restaurer cette voiture, la mettre au point et la faire courir, ne méritait pas un refus !

Sinon, autant la mettre en vente en spéculant sur sa valeur, comme c’est le cas lors des ventes aux enchères qui entourent ces manifestations, où les voitures passent de mains en mains en prenant chaque fois une plus-value et ne verront jamais la piste.
Rien que pour cela, un grand merci aux Gayraud, Blanchard et Hatevilain.

Pour les Gayraud donc, le début de course se passa en fanfare et s’avéra prometteur avec une brillante 22ème place acquise à la force des poignés et à leur talent de pilote.

Après un départ tonitruant de Philippe qui commence par un passage dans l’herbe :

le châssis et le moteur de la barquette étaient mis à rude épreuve dans tous les virages où la largeur de la piste permettait des travers des plus spectaculaires mais habilement contrôlés :

Un peu à la manière de la Jaguar Type C de Chris Buncombe qui régala les spectateurs d’un festival de glissades de jour comme de nuit et qui se terminera par une collision avec un adversaire à Arnage.

Mais si la conception de la Jaguar se prête à cet exercice (puissance et propulsion), pour faire dériver la Trouis, il fallait aller vite.

A plus de 160 km/h sur les lignes droites, la petite barquette dans sa couleur brute d’aluminium, était la source de tous les éloges.

Hélas, lors de la course de nuit, le dimanche matin vers les 3h, les déboires mécaniques allaient commencer : une importante fuite d’huile avait envahi l’habitacle et un bruit mécanique suspect mit fin à cette belle démonstration.

L’équipe Gayraud décide alors de déposer le moteur. Une fois ausculté, le joint de palier arrière semble usé et la boite doit fuir au niveau de l’arbre de sortie.

Le moteur est alors remonté, puis démarré. Il est froid et le bruit suspect s’amplifie : il est alors localisé côté droit.
L’écœurement se lit alors sur leur visage : tout ça pour ça ? Le bruit était plus léger à chaud !

On ne peut pas continuer comme cela : il faut changer le moteur.
Un moteur de rechange refait à neuf a été emmené : il faut recommencer l’opération !

Le petit jour commence à poindre. Avec beaucoup de courage et avec l’aide d’Alain Roumanet et Michel Marchand venus en renfort, cent fois sur le métier, ils remettent leur ouvrage.

Stéphanie, l’adorable fille de Philippe, est là aussi : elle sera chargée d’alimenter en outillage les diverses mains tendues qui dépassaient de la voiture.

La fatigue commence à prendre le dessus et les gestes deviennent moins précis, mais ils y croient encore : jamais se laisser abattre, c’est le prix à payer en sport-automobile !

Il est 8 heures quand le moteur rugit de nouveau : l’équipe est satisfaite :

Il était temps, car la course est prévue pour 10h, juste le temps de se laver, boire un café et échanger la combinaison de mécano pour l’habit de lumière.

Les traits des visages sont tendus après cette nuit blanche, mais qu’importe, la bête est sur pied !

Pour couronner le tout, la pluie s’invite à leur délire, il faut partir quand même.
Le Safety-car ouvre la piste sur deux tours.
On ne va pas très vite, mais c’est bien pour roder ce moteur.
Au troisième tour, les fauves sont lâchés : Philippe monte dans les tours.
Mais sur la première portion des Hunaudières, la vitesse devrait augmenter : il n’en est rien.
Le moteur force et Philippe soupçonne un début de serrage !
Il stoppe alors pour éviter la catastrophe. Coupe le moteur et le laisse refroidir une minute qui lui parait une éternité.
Aller, il faut essayer de repartir, on ne va pas finir là quand même !

Ça repart tant bien que mal, mais pas pour longtemps : ça n’a tenu qu’un tour et pourtant, il ne fait pas trop chaud.

C’est sur la seconde portion des Hunaudières que le couperet tombe : le moteur serre de plus en plus et le bruit devient énorme.

Il faut arrêter et abandonner avant de tout détruire.

Une fois rentré, ils veulent en avoir le cœur net :
– premier moteur : clips de piston cassé en 5 morceaux + palier arrière avec du jeu dans le bloc.
– deuxième moteur : amorce importante de serrage et vilo décentré.

Dommage, car un bon classement au Scratch et à l’indice étaient à leur porté.
Ils termineront 49 ème au scratch et 41 ème à l’indice dominé par la Porsche 356 de Aga-Khan, Pril et Clark.

Pour cette première participation sous la forme d’une découverte, les Gayraud repartiront satisfaits avec des valises pleines de fabuleux souvenirs qu’ils partageront avec les amis tout près d’Albi.

De leur côté la famille Blanchard fit une remarquable prestation à leur rythme et sans soucis majeur. Le moteur préparé par Pinon les emmènera à une très belle 34ème place au scratch et 16ème à l’indice.

Quant à la troisième Panhard, la Callista Ranelagh de 1951, elle sera plus discrète et terminera dans les profondeurs des classements : 78ème au Scratch et 73ème à l’indice sur les 79 voitures engagées. Elle aura eu aussi le mérite d’être revenue sur la piste mythique de ses débuts.

»

Alors, qui sait, rendez-vous en 2016 ? On a tant de choses à effacer !

Pour illustrer ce plateau, Philippe Gayraud vous emmène à bord de la fabuleuse DB-Trouis :
tout d’abord, le départ très chaud avec passage dans l’herbe et tour de circuit = deux un moments rares à partager !

Le même équipage version nocturne : un autre monde !

Une autre vidéo résumée par notre ami et supporter Serge Mace :

Charly RAMPAL

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