C’est lors d’un des premiers Rétromobile à la Porte de Versailles de Paris dont je tenais le stand du DCPL pendant les 10 jours de l’exposition, qu’un Monsieur d’un âge avancé mais de belle stature, s’approcha de moi pour me demander la valeur d’un D.B. Le Mans et sa côte du moment.

La conversation s’engagea alors entre nous : il voulait vendre son D.B. de première main, mais pas sur le marché classique de la voiture ancienne, mais à un passionné qui l’entretiendrait, s’en servirait et connaissant bien les Panhard, d’où cet entretien verbal de bon aloi dans un milieu propice à la passion Panhard.

Vivant à Paris je possédais déjà une 24CT et une PL17 en plus d’une voiture récente : les places de rangement y sont rares ou d’un tarif locatif dissuasif.

Mais ce jour là, le Cosmos auquel je crois, se présenta à moi et il ne fallait pas en lâcher la prise, car il ne frappe jamais deux fois à votre porte !.  

Quoiqu’il m’en couterait, il fallait y aller car j’avais à faire à un objet rare, pas encore trop côté et surtout dans un état proche du neuf d’origine, mais sans hard-top.

Après la transaction administrative et financière réalisés dans la foulée (Action/Réaction étant ma devise), je devins possesseur d’un bel exemplaire en parfait état et surtout d’un couleur plus personnelles que les blancs, les bleus ou les rouges : coquille d’œuf !

Avec elle, je touchais le graal avec en plus cet écusson D.B. qui avait bercé mes rêves d’enfant farouchement attaché au sport-automobile français.

Car ce nom de « Le Mans » symbolisait en plus les nombreuses victoires mancelles : j’étais comblé.

Présenté au Salon de Paris 1959, je ne vous ferai pas l’injure de vous rabâcher ses caractéristiques que vous avez lu et relu dans les journaux spécialisés et dans mes articles de la rubrique « D.B. », mais de vous en donner mon ressenti de propriétaire sans vous mentir, comme le rappelle le titre de cette saga.

LIGNE GENERALE DU D.B. LE MANS

Mon modèle date de 1962 porte le numéro 502.

Admirons tout d’abord son style. Le verbe est peut-être mal choisi pour certains, car l’idée de Bonnet était bonne pour attirer la clientèle U.S., les formes sont tout de même un peu simplistes et les volumes désaccordés.

Cela dit, le Le Mans n’est pas laid, ni démodé, car assez plat avec des flancs excessivement bondés pour rattraper l’étroitesse des voies des essieux Panhard PL17.

En fait, il y a un manque d’agressivité dû certainement à la recherche d’élégance inspirée par la Simca Océane et proche, dans son dessin de la Sunbeam Alpine apparue fin 1959.

CONCEPTION

Si le D.B. Le Mans utilise un maximum de pièce de la PL17, il n’est pas sectaire et extérieurement, on reconnait quelques pièces empruntées à la grand série : poignées de Floride, pare-brise de DS retaillé et essuie-glace de 403.

A l’arrière les trois feux rouges qui semblent un peu perdus dans leur cavité, sont ceux du break DS.

Tout cela peut vous paraitre du bricolage, comme la grille de calandre et ces lourds pare-chocs qui semblent indéformables en aluminium coulé dont les inélégants butoirs qui ont disparus avec le temps pour pouvoir y ajouter deux phares longue portée.

Pour ce faire, la mienne en étant dépourvue, j’ai supprimé cette lourdeur avant par un simple tube et j’ai pu ainsi en fixer deux par leur cuvelage arrière à fond plat qui se positionne directement sur le polyester de la face avant.

Cette transformation affine l’avant de la meilleure des façons, à la manière des voitures de rallies de l’époque où l’on enlevait les deux pare-chocs en ne gardant que les butoirs.

Rajouté aux simples phares, j’évitais en plus la lourdeur des gros ensembles optiques Facellia.

Vu de face et de l’arrière, on voit bien que le 1,30 des voies sont identiques à celles des Panhard, légèrement étriquées  en largeur où elles « flottent» un peu.

Les jantes en étoile chaussées de 145 associées à d’imposants et les magnifiques tambours Al-fin ailetés, respire la confiance sur un freinage efficace et endurant.

Rappelons que ces tambours font 228 mm de diamètres sont issus d’un procédé américain développés en France par Floquet, combinaison d’un tambour en alliage léger à ailettes extérieures et d’un frette intérieure en fonte.

Outre le gain de poids, cette combinaison améliore les échanges thermiques au point que Panhard s’en inspirera sur les PL17 63 et les premières 24.

COTE MOTEUR

Le capot moteur en fibre de verre, comme le reste de la voiture, s’ouvre de l’avant vers l’arrière.

La mécanique Panhard est montée dans le même sens que sur la mère génitrice, c’est-à-dire en porte à faux dans un espace tellement allongé vers l‘avant que le dessus de la boite est bien visible sous la batterie.

Le moteur Tigre de mon Le Mans est tout ce qu’il y a de plus naturel à l’origine : un 848 cc de 50 ch DIN à 6.000 tours, alimenté par un carburateur double-corps Zénith de 38, compressé à 8,2 que j’ai fait refaire une seule fois par l’ami Bertrand Hervouet, tout au début et par sécurité, il est monté avec un pignon dural, des pistons non-fendus.

D’une fiabilité remarquable, avec lequel j’ai parcouru bon nombres de kilomètres entre Paris et Marseille, mais aussi pendant nos vacances à Marnhac près du Puy-en-Velay.

Pour ce faire et pouvoir emporter tous les éléments de vacances en plus des deux adultes et deux enfants, j’avais enlevé le pare-choc arrière et fixé sur ses ferrures d’attache une barre de remorquage pour y atteler une bagagère de 250 kg de charge utile qui n’a jamais affecté le comportement du Le Mans.

LE CONFORT DE CONDUITE

Contrairement aux sportives de l’époque spartiates à l’habitacle étriqué, la Le Mans est facile d’accès avec ses vastes portes, son plancher plat, son volume important pour les jambes et sa grande largeur aux coudes.

Les sièges avant son assez plats et larges et leur moelleux de bon aloi, la banquette arrière recevait mes deux enfants sans aucune manifestation de leur part.

Les kilomètres sont avalés sans fatigue et la position de conduite est parfaite, la visibilité est bonne même avec le hard-top que j’avais acheté peu de temps après, car la capote à Paris, ça craint !

Son coffre bien carré est d’une grande capacité et son accès est démentiel de facilité.

Mais le plus remarquable est de trouver en face du conducteur ce volant signé Nardi à trois branche bien polis et jante en bois, dont la mienne commençait à se décoller, mais rien de grave pour altérer sa beauté (c’est mon chauvinisme italien qui parle !).

La planche de bord est classique en noir mat sur laquelle ont trouve bien en face du conducteur deux gros cadrans Jaeger déjà utilisé sur de nombreux modèles sportifs, des Salmson au Alpine en passant par les DJet.

Ils sont néanmoins personnalisés aux initiales de la marque. Il n’y a pas de zone rouge pour le compte-tours gradué jusqu’à 6.500, tandis que le tachymètre, optimiste, annonce pas moins de 220 km/h…

Pour le reste je vous joins ci-dessous ses autres définitions :

Pour l’avoir vécu, l’étanchéité de la capote est loin d’être parfaite, mais c’est vrai qu’elle avait vécu, mais pas du tout déchirée : merci le hard-top.

Quant à sont rangement dans le compartiment arrière, il faut avoir fait polytechnique pour bien la replier et pouvoir refixer ensuite son cache en cuir !

Aussi, je roulais le plus souvent avec le hard-top ne l’enlevant l’été depuis ma domiciliation dans le Morbihan.

Par contre, il faut être deux pour l’enlever car il pèse son poids !

LE PLAISIR DE CONDUITE

Mais c’est à son volant que le DB Le Mans sait se faire apprécier. Cependant, il faut d’abord s’y installer, et là pas de problème  comme tous les cabriolets une fois capote replié ou hard-top enlevé.

La position de conduite est excellente, comme je l’aime : jambes tendus, bras semi repliés, avec possibilité de poser le coude sur la portière, relax quoi ! Rien à voir avec un HBR ou pire, un CD !

Par contre, pour la mettre en route, c’est pas le pied : le contact est incroyablement mal placé sous le volant, identique à la PL17, mais avec le volant à 3 branches larges, il faut se frayer un chemin en aveugle.

Mas il y a encore pire avec ce frein à main complètement enfoui sous la colonne de direction, contraignant à plonger les bras en se cognant la tête sur le volant pour l’abaisser complètement !

Je ne vous parlerai pas du moteur et de son bruit caractéristique, mais feutré ici grâce à la carrosserie en résine qui fait moins caisse de résonnance, mais de la commande de la boite de vitesses dont la grille est inversée.

Bonnet avait abandonné la très originale grille latérale (gauche-droite) de l’HBR au profit d’une première d’une 1ère en bas à droite, 2ème en haut, 3ème en bas à gauche, 4ème en haut.

Pour l’avoir abondamment pratiquée, elle est géniale, car sur cette voiture légère où la 3 et 4 sont les principaux rapports utilisés sur la route : le DB Le Mans n’est pas fait pour la ville bon sang !

Comme avec toutes les boites Panhard que j’ai utilisée, elle est fiable et j’en prends toujours grand soin, même en conduite sur les circuits.

Avec ses 200 kg de moins qu’une 24CT, le 850cc se régale : il est transformé ! Ce n’est pas encore le Monomill, mais presque !

Le 130 est facile à atteindre et les montées en régime affolent le compte tour et je ne vous parle pas de son freinage qui est excellent avec ses tambours Al-Fin qui tiennent toute leur promesse et en plus, on ne décèle aucun broutage : ça change de la Z6 !

UNE TENUE DE ROUTE EXCEPTIONNELLE

 C’est le point fort de cette voiture grâce à un châssis super-rigide pour un cabriolet qui se réfère à celui de la PL17 (pas de la poutre de l’HBR) ;

Bien porté par son train avant l’arrière suit sans rechigner : c’est deux là mon vieux, s’entendent super bien !  

A la limite, le Le Mans a une tendance bien normale au sous-virage. Précision de la direction avec son grand volant, stabilité hors norme, motricité excellent : on enfile une route sinueuse avec gourmandise à l’infini.

Sur les routes d’Auvergne où je passais régulièrement mes vacances dans les années 90/2000, bien après les Alpes, une excitation extrême vous remplie de joie et on en demande encore et encore.

Hélas, poussé par d’autres envies sportives et le manque de place, je me suis résolu à la vendre à la famille Panhard, le 14 mai 2013. Stéphanie Clapier tout d’abord, puis Robert Panhard.


Aussi, pour en garder son image en 3D, j’ai fait réaliser par Roland Roy (Maitre maquettiste) sa reproduction au 1/43ème. Et chaque jour je peux lavoir et graver son souvenir dans mon cœur.

Mais bon sang qu’est-ce que je regrette mon DB Le Mans, contrairement à mon CD qui ne m’a pas vraiment marqué de plaisir : on en reparlera !

Charly  RAMPAL