9 Mars 1959 : c’est au Pavillon Dauphine que Panhard a convié la Presse pour présenter le dernier de ses produits : le moteur Tigre.

Ce moteur n’est pas inconnu aux passionnés de sport automobile, puisque c’est à travers les épreuves d’endurance et plus particulièrement au Mans que tous les ingrédients de ce moteur ont été testés.
Plus particulièrement sur les voitures de l’écurie officielle Panhard-Monopole. L’arbre à cames date de 1954 par exemple.

Ce moteur baptisé M5T sera disponible sur le haut de gamme des Dyna Z16 et d’office sur le cabriolet Z17.

La présence du monogramme « Tigre » sur le coffre arrière atteste la présence de la nouvelle cavalerie.

PRESENTATION : PANHARD FAIT SON CIRQUE !

Côté vitrine, c’est vers le cirque Bouglione que Panhard se tourna pour une mise en scène où la séduisante Pascale Audret tiendra le rôle de vedette au côté d’une mère et de ses trois petits.

Les séances de photos peuvent commencer. Pascale Audret est restée ganté pour prévenir des griffes déjà acérés du petit qu’elle tient dans ses bras.

Paul et Jean Panhard sont là.

La séance est écourtée, car le bébé tigre n’apprécie pas. Néanmoins les photos sont dans la boite et Jean Panhard peut faire son discours de présentation.

En plus des informations sur le véhicule, il en profite pour lancer la saison sportive en annonçant que la mécanique Panhard serait désormais défendue par une seule écurie : DB-Panhard.

La journée se termine sur un terrain plus favorable à notre nouveauté : Monthléry.

Cette présentation va se poursuivre encore quelques jours dans le magasin Panhard des Champs Elysée.

Dans un décor qui aurait plu à Indiana Jones, deux tigres sont mis en cage : une plate-forme de Z et un magnifique tigre Royal, adulte cette fois, dont le poids imposant obligera à poser la voiture sur des cales en bois.

Des morceaux de viande judicieusement disposés sur le filtre à air feront croire à une affection particulière entre ces ensembles de chair et… d’aluminium.

Bien entendu, le succès… de curiosité dépasse les espérances. Les médias sont présents et le public nombreux en fait un but de promenade.

Hélas, cette mise en situation est bientôt écourtée par des dépôts de plaintes de riverains agacés par les rugissements du félin appelant sa femelle. Cet enfer mécanique étant loin de le satisfaire !

QUE VAUT DONC CE NOUVEAU MOTEUR SUR CETTE Z ?

Les nouveautés consistent essentiellement dans un allègement de près de 20% de l’équipage mobile – pistons légers – et des culbuteurs ; dans l’adoption d’un nouvel arbre à cames et enfin dans le montage d’un gros carburateur Zéntih double corps, placé sur des pipes de fort diamètre. Dans ces conditions et avec une turbine de refroidissement de série, ce moteur dispose d’une puissance annoncée de 50cv à un régime frisant les 6.000 t/mn.

La puissance disponible de cet ensemble est perceptible dès le premier contact. On note une augmentation très nette des performances.

Concernant la vitesse de pointe, elle atteint 140,7 km/h, mesurée à Monthléry : augmentation très nette par rapport à la version 42ch qui elle, ne dépassait pas les 125 km/h..

Les accélérations ont été également nettement améliorées, puisque le 1.000 m départ arrêté est couvert en 40’’2/5, contre 46’’3/5 pour la voiture de série.

Dès que l’on atteint approximativement 3.000 tours, la voiture est fort agréable à piloter et les montées en régime sont assez impressionnantes et les 7.000 tours sont atteints avant que les soupapes s’affolent.

Malgré ses performances, le moteur Tigre reste sobre : en conduite sportive, on a du mal à dépasser les 9,5 litres aux 100, ce qui correspond à 110 de moyenne sur route ! Il faut le faire ! Sinon, en conduite normale sanctionné par un 72 km/h de moyenne on atteint 7,2 litres aux 100, ce qui est particulièrement sobre pour une voiture de cette époque..

Par contre, en ville, elle doit se conduire avec un pied droit extrêmement souple et progressif. Bien que disposant d’une puissance à bas régime appréciable, il ne faut pas ouvrir brutalement les papillons du carburateur et si l’on conduit trop sèchement, le moteur balance et quelquefois jusqu’à hoqueter et étouffer.

De plus, il n’est évidemment pas recommandé d’essayer de combattre ce comportement en usant de l’embrayage comme amortisseur, car une telle pratique pourrait entraîner une rapide détérioration de cet organe.

Quant au bruit, il est différent de celui de la 42cv – plus grave et plus plein – mais c’est surtout à l’extérieur que l’on se rend compte de l’augmentation du niveau sonore.

En tout cas, la conduite de la Z « Tigre » est très agréable aux mateurs sportifs que nous sommes. Si les crainte d’un relative fragilité s’était imposée aux essayeurs de l’époque, nous pouvons témoigner aujourd’hui qu’il n’en est rien et que ce 50cv deviendra la version de base des futures 24, qui elles iront jusqu’à 60cv de la dernière 24CT la plus aboutie.

Néanmoins l’opération fut un succès, preuve en est que Panhard, comme ESSO seront à jamais liés à cet animal, comme Peugeot à son lion.

Le félin sera par la suite remplacé par des hommes déguisés et des peluches garniront bientôt la plage arrière.

Ce souvenir restera gravé jusqu’à nos jours et en 1991, pour fêter son centenaire à Rétromobile, le Président d’alors du DCPL, Alain Guénet, n’a pas hésité à passer ses journées dans la peau du Tigre du plus bel effet !

Avec l’aluminium, le moteur Tigre restera lié aux Panhard d’après-guerre.

Charly RAMPAL