PRESENTATION DES DEUX CHALLENGERS

Le D.B.-HBR :

Présenté au Salon d’octobre 1953 avec des phares escamotables, le millésime est 1954.

Mais, pour cet essai comparatif, c’est celui de 1958 que j’ai choisi pour l’opposer à l‘enfant de Dieppe, pour un meilleur équilibre.

Déjà né très évolué, le bi-cylindre Panhard ne va pas subir une profonde refonte contrairement à son concurrent sur 4 cylindres.

Dans le modèle qui nous occupe, c’est donc le 850 cm3 qui a subit une augmentation de son taux de compression à 8,2, un tarage plus fort des barres de rappel des soupapes.

Un arbre à cames spécial, allumeur à courbe d’avance particulière et enfin, l’adoption d’un ensemble admission/Echappement de fort diamètre coiffé par un carburateur double corps Zénith de 38.

Dans ces conditions, la puissance atteint 52 cv à un régime qui approche les 6.000 t/mn.

La voiture atteint 160,9, référence de choix pour une voiture de cette cylindrée.

Côté nervosité, le 400 mètres départ arrêté est couvert en 20’’ et le 1.000 mètres en 37 2/5.

Des chiffres très proches de ceux de l’Alpine A108, mais de cylindrée plus importante et de conception (moteur AR) qui favorise le passage de la puissance aux roues.

L’Alpine A106 :

Présentée en juillet 1955 par Jean Rédélé, le coach Alpine débute avec le nom de code A106.

Sur une plate-forme de 4cv Renault, il reprend les éléments mécaniques de la petite populaire Renault.

Moins connue pour nous panhardistes que notre archi-connu bicylindre, je mettrai donc l’accent sur le 4 cylindres de ce petit bolide.

Débutant avec un 750 cm3, le petit coach évolue en 1959 en 904 cm3.

Cette majoration a été obtenue en passant l’alésage de 54,5 mm à 60 mm, la course demeurant toujours de 80 mm.

Le carter inférieur est à ailettes et contient 4 litres d’huile.

Le vilebrequin est en acier forgé étudié spécialement pour cette voiture : le diamètre des manetons atteint 38 mm contre 35 mm pour le vilebrequin normal de la « 1063 », les pistons sont bombés pour un taux de compression de 9,2.

Un carburateur Weber de 36 dont les deux corps sont disposés perpendiculairement à l’axe du moteur.

L’allumeur, la pompe à essence, le ventilateur sont également spéciaux.

Les soupapes de fort diamètre sont rappelées par des doubles ressorts et, parmi les rares éléments de série qui subsistent, on ne peut guère citer que la pompe à huile et la pompe à eau.

Ainsi modifié, ce moteur développe 59 cv à 6.000 t/mn.

Avec un pont long et un arbre à cames plus pointu, la vitesse de pointe est de 160 km/h à 6.400 tours.

En ce qui concerne la nervosité, les 400 mètres départ arrêtés sont atteints en 20’’ 2/5 et le 1.000 mètres en 37 4/5.

On constate donc que les deux voitures sont très proches en performances pures.

LES IMPRESSIONS DE CONDUITE

La D.B. est agréable à conduire à grande vitesse, d’autant qu’elle dispose d’une souplesse et d’une puissance disponible à bas régime qui permettent d’envisager un usage en ville parfaitement normal.

Aucun trouble de carburation n’apparait à faible vitesse et jamais la voiture n’a tendance à hoqueter.

Les reprises à partir de 2.000 tours en troisième se font sans cliquetis et avec une aisance d’accélération intéressante.

Le moteur est certes bruyant, mais l’échappement, aux sonorités graves, est facilement accepté par un sportif.

La consommation reste dans la lignée de sobriété des Panhard et les presque 300 kg de moins par rapport à une berline Dyna Z, apportent un plus indéniable.

Il faut donc tabler entre 7 et 10,6 litres en conduite rapide et sportive sur un circuit.

La D.B. dispose d’une boite Panhard de série.

Le levier placé au plancher entre les deux sièges, présente la particularité d’être manœuvré non pas d’avant en arrière, mais de gauche à droite.

Avec un peu d’habitude, on constate que le maniement se révèle supérieur à la grille classique.

L’échelonnement de cette boite ne laisse subsister aucun trou et les accélérations sont toujours d’une puissance sympathique.

On pourrait peut-être reprocher à la première et à la seconde d’être un peu trop courtes.

Les roues patinent sur ces deux premiers rapports.

En se limitant à 6.500 tours sur les intermédiaires (car le moteur peut atteindre facilement les 7.000, mais ne pas abuser : attention à la casse… !), on obtient 80 en seconde et 120 en troisième, pour le bonheur de conduite.

Côté freinage, la D.B. munie de ses gros tambours et grâce à sa légèreté de sa caisse, il est progressif et d’une grande efficacité.

A la limité, on retrouve un certain broutage, mais beaucoup moins que sur la berline.

L’Alpine est très amusante à piloter et sur la route, la vivacité de ces réactions permet de se jouer à coup sûr de n’importe quelle voiture de série courante de l’époque.

Ses accélérations sont particulièrement intéressantes dans le trafic en raison de leur sécheresse aux vitesses moyennes, mais, il est bien évident qu’à partir de 130 km/h, elles sont bien plus molles.

Le moteur, bien que préparé, accepte comme pour la D.B., une utilisation en ville sans à coups.

En troisième, on peut évoluer à 1.500 tours et repartir avec une certaine vivacité.

Un léger plus par rapport à la D.B., dû aux 2 cylindres supplémentaires.

L’Alpine peut donc être utilisé normalement.

 Au niveau consommation, elle engloutit 1 litre de plus que la D.B., soit 11,7 litres sur un circuit.

Mais en conduite normale, ce chiffre tourne autour des 8 litres.

Quant au bruit, il est important et atteint aux approches des hauts régimes, des niveaux particulièrement élevés.

La boite 4 vitesses est à crabots avec un levier central et dont les rapports s’étalent sur 3 lignes.

Il est nécessaire de s’habituer à la boite avant de tirer le maximum de la voiture car la position respective de chacune des vitesses n’est pas très bien délimitée et leur enclenchement doit être opéré sans tâtonnement ni hésitations.

Si cette boite avait la réputation d’avoir une longévité discutable, Alpine l’a améliorée dans le bon sens.

Là aussi aucun trou entre les rapports et sert à merveille le moteur.

Si on veut conduire d’une manière détendue, il n’est pas nécessaire d’utiliser tous les rapports, car la puissance est présente partout.

A vitesse moyenne, le freinage est parfait.

La voiture réagit toujours d’une manière saine et aucun effort exagéré n’est exigé par la pédale.

Il faut dire que le travail accompli sur les mâchoires, les garnitures et le tambour percé de trous de refroidissement, sont à l’origine de ce comportement.

TENUE DE ROUTE ET SUSPENSION

Sur ce chapitre, la D.B. est imbattable.

Le châssis parait avoir une rigidité absolue et réagit toujours avec une belle franchise.

En ligne droite, la voiture se maintient sur sa trajectoire, qu’elle que soit la qualité du revêtement et elle se contrôle avec la plus grande facilité.

En virage, il convient évidemment de savoir qu’avec une traction avant, il est presque toujours préférable de virer en accélération mais, même en s’y prenant assez mal, la D.B. vire avec une docilité qui peut aller jusqu’à devenir dangereusement grisante.

Elle autorise sur routes sinueuses des évolutions d’une rapidité telle que fort peu de voitures de sport plus puissantes pourraient la suivre.

La D.B.-HBR possède une suspension assez confortable et relativement souple.

L’amortissement s’effectue dans de donnes conditions et les passagers ne sont jamais soumis à des secousses réellement désagréables.

La direction est très directe et juste assez légère pour ne jamais donner l’impression de flotter.

Cette fermeté s’accroit cependant dans les virages serrés pris sur les intermédiaires en accélération, mais sans aucune réaction parasite au volant.

Le rayon de braquage pourrait être moins important.

A première vue, pour nous panhardistes, il pourrait paraitre effrayant de se lancer sur la route à 155 avec une mécanique de 4cv Renault et pesant moins de 600 kg !

L’Alpine ne s’en révèle pas moins dans la plupart des cas, facile à conduire.

A toutes les vitesses, la voiture tient docilement sa trajectoire et son contrôle en ligne droite ne pose aucun problème particulier.

En virages, l’A106 s’accroche à vitesse moyenne et survire progressivement lorsqu’on flirte avec les limites de l’adhérence.

Ses réactions demeurent toutefois fort saines et permettent l’apprentissage du virage à grande vitesse dans de bonnes conditions ce qui, pour une voiture de sport de petite cylindrée, peut passer pour un compliment.

La suspension est ferme et le débattement des roues arrière est particulièrement bien contrôlé grâce au montage de quatre amortisseur et de deux bras de poussée. La notion de confort n’a cependant pas été négligée par rapport à beaucoup de voitures de sport anglaises de l’époque.

La direction est celle de la « 1063 », précise et très directe.

A grande vitesse, seuls des mouvements de très faibles amplitudes sont nécessaires pour guider le véhicule, mais si l’on n’est pas habitué à la direction de série de la Dauphine ou de la 4cv, une certaine période d’adaptation est souvent indispensable avant que l’on apprécie pleinement ses avantages indiscutables.

CARROSSERIE ET HABITABILITE

Les lignes de la D.B. sont très sobres et éminemment fonctionnelles.

Elle ne sacrifie à aucune mode, elle est faite pour être efficace aérodynamiquement.

La caisse est entièrement réalisée en fibre de verre et l’ensemble bien construit se révèle exempte de divers bruits.

La présentation est séduisante et la finition correcte pour ce type de voiture.

Les deux sièges avant sont très confortables, bien dessinés et les côtes d’habitabilité sont acceptables pour des passagers de grandes tailles.

Le seul point critique réside dans le peu d’espace libre latéralement entre la tête et le haut des portières ?

A l’arrière, les deux places de secours peuvent satisfaire deux jeunes enfants.

La visibilité sur les côtés et vers l’avant est bonne mais la lunette arrière, très inclinée, est vite voilée par la pluie.

Par ailleurs, on peut regretter qu’il ne soit prévu aucun dispositif d’aération particulier par grosse chaleur et que les vitres ne puissent s’escamoter totalement dans les portières.

En ce qui concerne l’équipement général, le tableau de bord est bien agencé et on y trouve un compte-tours et un thermomètre d’huile indispensables à la conduite sportive.

Les essuie-glaces sont peu efficaces à grande vitesse.

Le réservoir de carburant possède une capacité de 60 litres, ce qui donne une autonomie moyenne de l’ordre de 850 km.

Le bouchon de remplissage, s’il donne un côté sportif de plus, est mal placé et laisse trop facilement le trop plein de carburant se répandre sur la carrosserie et pénétrer même dans les jointures du coffre à bagages.

Bien qu’étant d’assez faibles dimensions, ce coffre permet néanmoins d’y loger une valise déjà importante.

En ce qui concerne l’Alpine, on retrouve là aussi le côté fonctionnel des lignes, sans aucune concession à l’esthétique.

Elle semble cependant un peu courtaude et dépourvue de tout porte à faux.

L’ensemble n’est pas laid avec un air de famille badgé Renault 4cv.

Là aussi, la carrosserie est réalisée en fibre de verre et également très bien construite.

Aussi dépouillée, elle ne ferraille pas du tout et comme sur la D.B., aucun bruit de carrosserie n’est perçu.

Une fois au volant, n’importe quel individu de taille normale doit se sentir à l’aise.

Mais l’accessibilité pose évidemment des problèmes communs à toutes les petites voitures de sport fermées.

A l’arrière, il existe un emplacement pour les bagages relativement vaste et, depuis l’apparition d’un nouveau pare-brise, la visibilité, sans être exceptionnelle, ne souffre guère la critique.

L’aération est difficile par temps de pluie, car les déflecteurs vous renvoie aussi bien de l’air que de l’eau.

L’habitacle est moins logeable que dans la D.B..

Le coffre est illusoire, il est encombré par la roue de secours et le réservoir d’essence de seulement 32 litres, limite l’autonomie à 400 km.

L’équipement général est succinct, mais présente néanmoins le strict minimum sir une voiture de sport.

Etant donné les caractéristiques du moteur, le compte-tours parait obligatoire.

Il est cependant moins agressif que celui de la D.B. et le confort des sièges est limite.

La visibilité à l’arrière est aussi très vite voilée par temps de pluie.

CONCLUSION

Avec la D.B. les amateurs disposent d’une véritable voiture de sport de de compétition capable de leur donner la victoire.

En tenue de route et vitesse de pointe, elle est imbattable.

Pour durer, son entretien ne doit pas se faire au hasard et sa mise au point parfaite sous peine d’ennuis graves.

Son conducteur ne doit pas confondre sportivité et brutalité.

Les surrégimes sont à proscrire. Mais quel régal sur la route et sur circuit.

Par contre l’Alpine sera meilleure en course de côte et passera mieux la puissance sur le mouillée.

Côté Alpine, attention également aux réglages et à la fragilité de la mécanique.

Comme pour la D.B., elle dépendra uniquement de son utilisateur.

Le moteur est étudié pour la compétition il n’est donc pas question de lui faire subir de mauvais traitements.

La marge de sécurité est très faible, tandis que la D.B. pardonne certaines fautes de pilotage.

Pour un prix raisonnable, elle a apporté à de nombreux amateurs la joie de conduire en compétition.

Les Alpes est son terrain de prédilection… d’où son nom.

Pour le Grand Tourisme, la D.B. est mieux placée et couvrira des kilomètres sans fatigue à condition d’emporter des boules Quiès… !

Charly RAMPAL              Graphiques A.J.