Par deux fois, en 1960 et 1961, Guy Cottet a participé à cette grande épreuve qu’était le rallye Liège-Sofia-Liège, à bord d’un PL 17.

L’épreuve de 1961 avait fait l’objet d’un article que j’avais publié le 21 février 2011 dans la rubrique « RALLYE » .

QUI ETAIT GUY COTTET

Guy Cottet a 37 ans en 1960, il est chef d’atelier au garage Panhard du boulevard Saint Saëns à Alger et s’adonne à la compétition depuis 1957… sur Panhard bien entendu.

Il a gagné deux fois le rallye d’Hassi-Messaoud en 1959 et 1960. Il remporte cette année là également la course de la Bouzaréa en série normale et joue l’éternel second derrière Ferrer sur tous les circuits d’Algérie.

Il s’engage au Liège-Sofia-Liège en 1960 avec le pilote Nicol sur une Panhard, ce qui, avec la Panhard-Ghia des Belges Jowat et Mombaerts, porte à deux le nombre de voitures à mécanique Panhard.

Malheureusement, à mi-parcours, il sont victimes d’un accident et malgré une réparation de fortune, ils sont contraints à l’abandon à seulement 800 km de l’arrivée, à cause d’une panne de dynamo !

Il ne restait à ce moment là que 30 équipages sur les 90 qui avaient pris le départ.

A deux mois du départ du Marathon 1961, prévu du 30 août au 3 septembre, Guy Cottet se confie à un journaliste de « La Dépêche d’Alger » en ces termes :

« Deux mois après, avec Pignon, nous étions au départ du Tour de Corse, et là nous avons dû abandonner à la suite d’une nouvelle panne de dynamo.

Le Tour de Corse est très très vite, il y a tellement de virages que nous avons eu le  mal de mer et nous étions obligé de manger des sucres à l’alcool de menthe pour nous remonter.

J’espère pouvoir m’aligner cette année encore pour la Corse, mais avant tout, j’espère que nous terminerons avec « Graz » (Graziani) ce fameux Marathon et que nous y défendrons les couleurs de « L’Ecurie Alger » où je suis inscrit depuis deux ans. »

COTTET ET LES MARATHONS 1960 ET 1961

C’est donc sur une panne électrique toute bête, que Cottet du abandonner le Marathon 1960.

Cette dure épreuve n’avait pas non plus épargné les caïds du moment qui reçurent une sacrée leçon.

Et c’est l’équipage féminin Pat Moss et Ann Wisdom qui leur dama le pion en remportant ce Liège-Rome-Liège 1960, dernier du nom, que seulement 13 voitures bouclèrent.

En effet Maurice Garot, commissaire général de la course, veut lui conserver coûte que coûte son caractère d’endurance et non de succession de chronos comme sont devenus les autres grands rallyes.

L’accroissement du trafic routier et les règlements de sécurité routière chaque jour plus draconiens ont dévié la route du Marathon vers l’Est et à partir de 1961, il s’appellera Liège-Sofia-Liège.

Guy Cottet y inscrit de nouveau une Panhard PL17, seule représentante de la marque, mais cette fois-ci, avec comme co-pilote Georges Graziani, un graveur algérois et pilote amateur comme lui.

Nicol étant cette fois engagé sur une 404 Peugeot.

Parvenus à Liège, ils sont fort impressionnés par l’écurie Citroën, et par la participation des japonais, toute première offensive nippone dans le domaine du sport-automobile international.

Pour plus d’authenticité relisons ce que raconte Graziani dans la « Dépêche d’Alger » :

« Une place chez Panhard-Citroën était réservée à notre voiture.

Et dès lundi soir nous pûmes juger du degré extraordinaire de préparation de l’armada des Citroën.

13 voitures s’il vous plait !… Dirigées de mains de seigneur et maitre par René Cotton à qui, quelle que soit sa virtuosité et ses titres, chacun obéit en silence et humilité.

Mais cette merveilleuse organisation n’était rien à côté de celle des Japonais.

MM. Koga et Hamashima étaient les poulains de quatre ingénieurs et d’une infirmière venus spécialement de leur lointain pays depuis le mois de juin pour prendre le départ du Marathon et, sans aucun doute, le gagner, grâce à la « Prince Skyline », voiture intégralement japonaise.

Ces gens reconnurent plusieurs le parcours en entier : les passages difficiles furent filmés et chaque étape de leur reconnaissance, marquée par une étude approfondie mécanique, technique et médicale.

Ces deux jeunes coureurs, par ailleurs charmants, furent l’objet de soins incroyables.

Comme l’on dit dans notre jargon, « les Japonais avaient mis le paquet ! ».

Ajouter à ce luxe dans les préparatifs, une politiques de sourires, accompagnés de distribution de porte-clés luxueux en or et en argent, et vous saurez à quel assaut compte se livrer la Japon dans le domaine automobile contre notre Europe.

Les dirigeants de ces firmes automobiles lointaines on au moins le mérite d’avoir déjà compris l’atout majeur que représente la compétition dans la vente des autos.

Je dois malheureusement dire que ces jeunes gens vêtus de blanc immaculé dans leur rouge Prince Skyline, emportés par leur fougue orientale « se mirent en l’air » dans un virage à 11 km du départ.

Comme nous ne venions pas loin derrière avec Cottet, j’eus l’occasion de dire du mal des gens du pays du soleil levant, car ils causèrent un retard de 10 secondes  à notre course de vitesse entre Stévelot et Montenau. »

LES DESSOUS DE LA COURSE

Mais une surprise autrement plus désagréable les attendait le lendemain.

« Quand après avoir demandé à Cottet de jeter un œil de Maitre sur notre voiture pour voir si rien ne clochait, celui-ci se redressa pâle et hagard et me dit : « il faut tout foutre en l’air, la queue du carter en alu de la boite de vitesses est cassée ».

J’appris du même coup que la boite de vitesses avait une queue et que celle-ci était très fragile.

Petit conseil de guerre très grave : il était 14h30, tout notre emploi du temps minuté était bouleversé, entre autres la reconnaissance de la course de vitesse à la sortie de Spa, course de vitesse que d’aucuns considéraient comme une mauvaise plaisanterie à l’orée d’un périple de 5.500 km.

C’est là l’histoire d’un infâme petit boulon de rien du tout qui s’était dévissé durant les longues séances de train soutenues sur les routes de l’Est.

En effet, les phénomènes de résonnances qui affectent les éléments d’une voiture et en particulier son tube d’échappement, avaient provoqué le desserrage dudit boulon.

Les vibrations ainsi simplifiées avaient entrainé la casse de la queue support de boite.

Merveilleux Cottet : une fois de plus le miracle se réalisait sous mes yeux.

Aidé très médiocrement par un graveur si peu mécanicien, il réussissait à démonter le moteur, la boite, et soudait le carter alu, et remontait le tout en 5 heures de temps.

Le contremaitre Citroën venu un peu en spectateur, confiait à ses aides : « Tu sais, celui-là, c’est un as ! »

Je me rengorgeais quand Guy Verrier vint me dire : « Surtout ne le perd pas, le Cottet ».

Du coup je sus que rien de mécanique ne nous arrêterait durant l’épreuve ».

C’était sans préjuger des difficultés du parcours aux pistes machiavéliques, car seuls 8 équipages sur 85 regagnèrent l’arrivée, dont 3 Citroën.

Toutefois, la Panhard PL17 des algérois, Cottet Graziani a pu elle aussi regagner Sofia :

« Et vers 8h, c’est la terre promise ! Nous y voilà, enfin !

Réception monstre, sur l’inévitable Grand-Place avec ses banderoles, une foule énorme maintenue par une police impitoyable, un pu émus par ce qui nous semble déjà une prouesse : arriver enfin à Sofia avec de l’avance et une voiture en état.

Tous ces gens paraissaient heureux, curieux de nous voir, cous les « capitalistes ». Un terme qi nous faisait bien sourire Cotte et moi, s’ils savaient !

Nos voitures étaient rangées à l’intérieur du Grand-Hôtel Balkan, autour des restes d’une très vieille mosquée.

Reçus très gentiment par des jeunes gens parlant admirablement notre langue, nous sommes l’objet de leurs soins… et de leur curiosité.

Notre écusson « Ecurie-Alger » les attire comme les papillons, la lumire.

Ils se consultent dans leur idiome mystérieux pour nos oreilles et finalement les questions fusent, sur notre Alger, ses conditions de vie actuelle, etc.

Leurs informations à notre sujet sont extravagantes.

Tant bien que mal, avec Cottet, nous tâchons sans beaucoup de succès de faire varier leur optique.

Nous faisons le tour des voitures rangées.

Sadiquement, nous les comptons. 20 manquent à l’appel et certaines menées par des caïds !

Sournoisement, nos regards se portent sur les tâches d’huiles à terre qui ressemblent sous certains carters à des mares. Cottet me glisse : ça n’ira pas loin, ça ! »

Car entre les grands cols des Dolomites, les pistes rocailleuses yougoslaves et les moyennes infernales imposées, le Lège-Sofia-Liège était, autant que son prédécesseur, « l’Epreuve de vérité » par excellence.

Guy Cotte n’est plus. Il était cloué sur un fauteuil par une paralysie dès l’âge de 68 ans.

Mais il a toujours gardé les souvenirs de ces combats qu’il aimait confier aux amateurs avertis.

 Charly  RAMPAL   d’après La Dépêche d’Alger