LE JUNIOR FAIT SON CINEMA
Les Panhard ont rarement été les vedettes du grand écran.
A peine a-t-on pu les apercevoir au détour de films des années cinquante, faisant partie du décor.
Mais, tout comme la célèbre PL17 de l’inspecteur Labavure, avec Coloche et Depardieu,
Ou la Dyna Z du film de 2002 « Effroyables jardins » de Jean Becker, avec André Dussollier, Jacques Villeret, Suzanne Flon, Benoit Magimel et Isabelle Candelier :
… le Junior du Poisson d’avril » de Gilles Grangier,
Ou encore la PL17 dans le film « Camomille » de Mehdi Charef (qui roulait en 24 CT)
… sont au centre de l’action.
C’est dans le film de Gilles Grangier « Poisson d’Avril » que le Junior Panhard fait son apparition au cinéma.
Paru à l’écran en 1954, ce film a deux vedettes principales : Bourvil et le Junior de Panhard.
Comédie de 2h, cette production française au sujet très léger, raconte une tranche de vie d’un mécanicien qui se laisse refiler un attirail de pêche et se trouve entraîné dans des mensonges sans fin.
A côté de ces deux vedettes, on découvre Annie Cordy dans le rôle de la femme de Bourvil, Louis de Funès avec les bacchantes de ses débuts cinématographique et Gérard Sabatier.
L’objet de cet article n’est pas de se pencher sur l’histoire du cinéma, mais de celle de ce Junior.
Mieux qu’une simple publicité, les extraits du film mettent en valeur la beauté de son style dépouillé, mais efficace d’attrait.
Ce film met le Junior en situation et l’environnement du début des années cinquante : il sent bon notre jeunesse (la mienne en tout cas !) dans ces petits villages de France, la vraie.
C’est ainsi que resurgissent ces garages plus portés vers l’atelier et l’entraide que sur le profit à tout prix.
C’est à travers ces films d’époque que notre patrimoine du souvenir se régénère.
Chacun retrouvera sa rue où il jouant gamin et qui était d’un tranquillité rassurante.
Ces pompes à essence où deux cylindres en verre se remplissaient alternativement au rythme d’une pompe manuelle actionnée par le pompiste : il n’était pas question de se servir.
Les voitures étaient bichonnées, on les caressait et elles étaient manipulées avec précaution car elles n’étaient pas encore devenues des biens de consommation.
Mais revenons au Junior du film.
Ce modèle était sorti en 1954, au moment du tournage du film.
C’est donc le tout dernier modèle sorti de l’usine.
Il est une évolution du type présenté en 1952 et 1953.
Pensé en mai 1953, il traduit les améliorations que souhaite apporter la Porte d’Ivry à ce modèle « jeune, fait pour les jeunes et ceux qui veulent le rester ».
Quelles sont ces évolutions ?
On monte un encadrement de plaque d’immatriculation arrière, on ajoute un nouveau monogramme Panhard à l’arrière comme à l’avant où il remplace l’écusson Dyna.
L’inscription Panhard est supprimée du pare-choc arrière et des chapeaux de roues.
Fin 1953, c’est le Junior qui doit assurer la transition entre lé « vieille » Dyna X et la révolutionnaire Dyna Z et l’essentiel des ventes.
On le reconnait facilement grâce à sa nouvelle calandre à barre unique, sorte de langue qu’il tire aux autres constructeurs en forme de moquerie de la jeunesse !
Les sièges sont maintenant réglables.
La planche de bord est maintenant à deux cadrans, perdant ainsi sa décoration façon Dyna X.
A la demande, elle peut recevoir un compte-tours et/ou une montre.
Enfin, le pare-brise qui pouvait s’escamoter partiellement, est désormais fixe.
Les petites vitres latérales du pare-brise ont été modifies et réduites pour rehausser un peu les portières et favoriser, probablement une meilleure étanchéité.
En septembre, on notera un capot légèrement plus plongeant qui se ferme par goujons de verrouillage.
Avec l’arrivée de la Dyna Z1 au début de 1954, le Junior est un peu oublié.
Et pour cause, toutes les énergies sont mobilisées pour mettre au point la révolutionnaire Panhard.
Néanmoins, en mars 1954, de nouveaux pare-chocs voient le jour : le Junior du film en possède.
Ils sont en une seule partie et munis de butoirs, à la fois plus fins et plus hauts, en remplacement des pare-chocs hérités de la Dyna X.
En mai, les monogrammes Panhard des capots avant et arrière deviennent identiques à ceux de la Dyna Z dont les lettres sont plus resserrées : rationalisation oblige !
Sur notre modèle, le volant est toujours celui de la Dyna X, ce qui situe bien la sortie de la voiture, puisque courant de l’été, le volant a été replacé par celui de la Z1.
En octobre, une nouvelle jauge à huile est montée.
La fin de l’année 1954, verra une modification de la fermeture du capot.
Le Junior ne sera plus modifié ni en 1955, ni en 1956.
Dommage qu’il n’intéresse plus la Direction de Panhard.
Son concept pourtant était excellent et il faudra attendre bien des années pour retrouver « la voiture des copains » que le japonais avait copié/collé.
Ligne épure, dessin d’un seul coup de crayon en arc de cercle, un arrière des premières Audi TT : tous les ingrédients pour séduire.
Côté moteur, elle reprend ce qui se fait de mieux dans la banque d’organes de Panhard.
En général, c’est le moteur Sprint qui est le plus souvent monté.
Pendant les deux dernières années de sa vie, elle pouvait recevoir un suppresseur MAG, grâce auquel la puissance passait à 60 ch ce qui lui permettait d’atteindre le 140 km/h, avec des reprises époustouflantes : galactiques pour l’époque ! (Lire mon article dans la rubrique « JUNIOR »).
Dans cette configuration et en usage sportif, les 13 litres aux 100 étaient atteints, ce qui écornait un peu les arguments publicitaires de la marque.
Malgré sa courte vie, le Junior aura été produit à 4.700 exemplaires.
Dans ces années bénites, bien des jeunes firent leur premières armes de play-boys ou de sportifs au volant d’un Junior.
Sur route ou le long des rivages ensoleillés, le Junior ne passait pas inaperçu.
Il permettait à son conducteur de se mettre en valeur, l’habit, comme on le sait, faisant le moine !
Si elle attire les jeunes, elle en limité la possession car elle est couteuse à l’achat et à l’entretien.
Elle était finalement l’apanage des privilégiés.
« Elle a été normalement conçue pour vivre et vivre longtemps dans la vitesse ; elle s’y joue comme dans l’élément même de sa construction ».
Le sourire de Bourvil à son volant traduit bien ce plaisir que l’on a oublié aujourd’hui où on est piloté, assisté par maints capteurs et automates générateurs d’embonpoint.
Dans le Junior, l’essentiel était bien là pour s’exprimer à son volant et donner au conducteur une manière d’exister.
C’était une autre époque. Il est temps de ranger notre jouet au risque de faire des envieux conscient de leur malheur.
Charly RAMPAL