PARIS / DAKAR EN 24… CT POSSIBLE !

Pilote aux essais spéciaux moto du centre d’essais et de recherche Michelin, Philippe BRETEY est passionné de compétition et sports mécaniques. Il a couru en moto 125 et 250 régional.

En Août 1979, il a réalisé un voyage de 8.000 km en Espagne et au Maroc avec une PL17 récupérée en épave dans un champ et remise en état par ses soins avec comme seul et unique ennui un changement de boite de vitesses au retour d’Espagne (ennui prévu, une boite avait été emportée en secours).

Le goût de l’aventure et un attrait pour les immensités africaines qu’il traîne depuis son enfance, ajouté à une bonne dose de connaissance mécanique, lui ont permis de modifier et même de construire une voiture sans trop de risque d’erreur, même si celle-ci est humaine.

Mais la connaissance de ceux qui partagent son métier au niveau de la préparation de véhicules spéciaux lui sera salutaire.

POURQUOI UNE 24 ?

Vu ses faibles moyens, le véhicule doit réunir plusieurs conditions :

– Ne pas être trop onéreux à l’achat comme à l’entretien
– Arriver au bout de la course
– Etre réparable par ses soins
– Intéresser les sponsors

Les voitures à 4 roues motrices étant exclues en raison de leur prix d’achat, il lui restait les deux roues motrices.
Les difficultés du Paris-Dakar sont de plusieurs sortes :
– Moyenne élevée sur les étapes (voiture rapide)
– Zones sablonneuses a franchir (bonne motricité, légèreté)
– Zones caillouteuses et ravinées (garde au sol importante, protection des chocs, première vitesses puissante, pneus et suspensions adaptés).
– Kilométrage important (solidité ou facilité de réparation).

LES ATOUTS DE LA 24

La Panhard 24CT a comme atout majeur pour une publicité quelconque, sa rareté. Elle sera la seule engagée et elle se remarquera à coup sûr parmi les Land Rover, Jeep et autres lada.

De ce fait, elle aura beaucoup de chance de paraître à la télé et sur les journaux d’autant plus que Panhard est une marque qui a fabriqué beaucoup de voitures de prestiges et qui avait des adeptes fervents et des détracteurs féroces !
De toute façon, elle ne laisse personne indifférent, ce qui est un point capital au niveau de la publicité.

Le deuxième atout de la 24CT est sa simplicité de construction et sa légèreté.

La solidité n’étant pas son point fort, il est nécessaire de renforcer les parties fragiles sans nuire aux qualité de la voiture.. De toute façon, solide ou non, une épreuve difficile comme le Dakar détruira forcément des éléments de la voiture et il est essentiel de pouvoir réparer soi-même toute avarie survenue en cours d’étape, plutôt que d’être obligé d’attendre une assistance plusieurs heures.

Ceci n’est possible qu’avec une voiture facile à réparer, des pièces légères, donc faciles à transporter dans la voiture, et une parfaire connaissance du véhicule de la part du pilote.

Cette connaissance ne peut-être acquise qu’en réalisant ou en modifiant soi-même sa voiture, ce que Philippe fera pendant 4 mois environ.
Cette voiture avait donc des chances d’arriver à Dakar malgré la faiblesse de son moteur, bien compensé par l’aérodynamisme, la légèreté et la motricité.
Mais, il ne fallait pas se bercer d’illusion, la moindre marche du podium lui serait interdite.

LA PREPARATION DE LA VOITURE

La voiture date de 1966, légère (850 kg), aérodynamique, possédant un centre de gravité placé très bas et très en avant, ce qui lui procure une bonne motricité et une bonne tenue de route. Les roues ont un diamètre de 15 pouces (intéressant dans le sable), le refroidissement du moteur se faisant par air forcé : les problèmes de radiateur et de joints de culasse sont éliminés.
Par contre la garde au sol est faible (12 cm), l’échappement est vulnérable, la puissance faible, le plancher n’est pas lisse et le porte-à-faux AV et AR est important.

REMEDES ET MODIFICATIONS

Pour augmenter la garde au sol, les barres de torsions AR sont plus tendues, butée de suspension plus haute, amortisseurs spéciaux à ressort et gaz réglables.
Pour l’AV, des lames de ressorts supplémentaires plus courbées et amortisseurs spéciaux.

Pour augmenter la solidité des trains AV et AR, une jambe de force en tôle de 5mm (2 à l’origine) est réalisée. Les chapes sont renforcées et ajout de lames supplémentaires qui serviront de butée.
Pour l’AR, montage d’un essieu de camionnette Panhard, fixation de l’amortisseur renforcée et placée sur l’arceau de la voiture

RENFORCEMENT DE LA CAISSE

Par un arceau soudé sur le châssis d’origine, servant de fixation aux amortisseurs AR et se prolongeant vers l’avant pour renforcer le berceau moteur.

RENFORCEMENT DE L’AVANT

Réalisation d’un berceau moteur plus solide comprenant un sabot en duralumin de 5mm formant étrave pour pouvoir glisser sur les bancs de sable ou les rochers ou pour se réceptionner après un saut éventuel. Ce sabot protège le moteur et le train avant et se prolonge par un plancher lisse sous la voiture.

RENFORCEMENT DU PLANCHER

Le plancher d’origine est remplacé par un plancher en duralumin de 2mm renforcé par du tube carré supportant les sièges et les accessoires intérieurs.

POUR L’ECHAPPEMENT

Nous savons que sur nos Panhard l’échappement tient le moteur et passe sous la voiture. Il fallait conserver ce système mais le modifier en faisant passer l’échappement par-dessus le moteur tout en gardant ses fixations d’origines.
Le tube remonte au milieu de pare-brise et se prolonge sur le toit entouré de laine de verre pour se terminer dans un silencieux fixé en travers du toit.

Pour la réserve d’essence, deux réservoirs de 58 litres sont placés à l’intérieur et la tubulure d’essence, comme celle des freins, passe à l’intérieur de la voiture.

La voiture a suivi un régime amaigrissant par :
– une carrosserie en polyester (sauf le toit). L’aspect extérieur étant bien entendu conservé.
– Toute la tôlerie intérieure superflue est supprimée, remplacée par un faux châssis léger supportant la carrosserie extérieure.
– Les vitres sont en macrolon sauf le pare-brise
– Les sièges sont des baquets légers
– Le chauffage et les garnitures ont été supprimés
– Les portes d’origine, très lourdes (30 kg) sont remplacées par des panneaux en polyester.

Le moteur quant à lui a subit une complète réfection (vilebrequin, pistons, chemises et soupapes neufs).
– le pignon de distribution est bien sûr en aluminium.
– La pompe à huile est à grand débit avec radiateur d’huile.
– Le filtre à air à plusieurs étages, débouche dans l’habitacle.
– L’embrayage a été renforcé (PK10)
– Le carter a été rendu étanche pour éviter l’introduction du sable.
– Le couple conique est plus court : 3 vitesses courtes et 4ème longue (pour les parcours de liaison).
– Le circuit électrique a été simplifié.
– La température d’huile moteur et de la boite sont contrôlés par des témoins.
– Un chalumeau léger type Oxyspack a été embarqué et solidement fixé.
– Le moteur et la boite ont été traités au HB2 (microlon).
– Un système de dépose rapide du moteur a été imaginé (échappement en deux parties)

Cette liste de modifications n’a pas été limitée et a augmentée au fur et à mesure de la construction de la voiture.
D’autre part des essais poussés ont permis de faire apparaître certains défauts qui ont été supprimés avant le grand départ.
En l’état la voiture atteint 130 km/h à 5.000 tours.
La garde au sol est passée à 20 cm.
La motricité avec des Michelin XR4 155 x 15 est excellente.

En course malheureusement un pont cassé en Algérie met fin à l’histoire.

La caisse fut rendue au Club, elle devint un buggy, puis elle fut vendue pour devenir chasse-neige en Haute-Savoie !

Cette 24 très typée est maintenant immortalisée sous forme de maquette au 1/43ème :

Récit Charly RAMPAL / Photos Yves Leguiller