Le week-end dernier des 22 et 23 juin, la piste mancelle fêtait ses 90 ans et 81 compétitions.

En effet, c’est en 1923 qu’André Lagache et René Léonard remportèrent les premières 24h du Mans sur Chenard et Walker à 92 km/h de moyenne.

Le tracé du circuit n’était pas non plus tout à fait le même en 1923 qu’aujourd’hui, ni celui des années 80.

Dès 1924, une moyenne minimale à respecter s’imposa sous forme d’une distance minimale issue d’une formule mathématique en fonction de la cylindrée et qui était révisée d’année en année sur la base de l’expérience acquise.

Un autre classement que la distance, tentait de mettre sur un pied d’égalité les voitures de toutes cylindrées, en les classant en fonction du pourcentage dont elles ont dépassé la distance minimale que le règlement leur imposait de couvrir pendant les 24 heures : c’était le classement à l’indice de performance que notre marque remporta 10 fois !

Pendant de longues années, le classement à l’indice de performance fut officiellement considéré comme le plus important.

C’est lui qui, jusqu’en 1960, constitua la base de l’attribution des coupes biennales Rudge-Whitworth et, en 1925, de l’unique coupe Triennale mise en compétition pour récompenser les constructeurs ayant accompli la meilleure performance après s’être qualifiés dans les 24 heures des années précédentes.

C’est au vainqueur à l’indice qu’étaient attribués les prix en espèces les plus importants, ce qui incitait Panhard, puis Bonnet à y participer régulièrement et à concentrer les efforts de toute une année sur cette course unique et aux retombées commerciales sans précédents.

A part le remplacement, en 1961, de la Coupe Biennale basée sur l’indice de performance, par le classement au rendement énergétique, le règlement des 24 Heures n’a cessé d’évoluer en fonction des progrès de l’automobile et a toujours été appliqué avec une sévérité impitoyable qui a contribué pour beaucoup à la réputation mondiale que l’épreuve a acquise.

Le changement le plus radical dans le caractère de voitures participantes n’intervint cependant qu’après la guerre, lorsqu’il fut décidé d’admettre des prototypes de course.

Cette clause fut introduite afin de permettre à l’industrie automobile, à peine remise des blessures de la guerre et qui n’avait guère repris que la fabrication d’anciens modèles, de présenter à la course et d’y expérimenter, des voitures non encore fabriquées en série, mais dont elle envisageait la production ultérieure.

La clause ne fut jamais révoquée, bien au contraire, la Fédération Internationale officialisa cette catégorie de voitures, qui augmentent sans doute le côté spectaculaire de la course, mais réduisent la valeur des enseignements pratiques que le public et même les constructeurs peuvent en retirer.

Pour l’ACO, l’organisation de la course se scinde en 3 chapitres bien distincts :
- l’étude du règlement et des modalités d’application
- l’étude et la mise en place du dispositif de sécurité
- la gestion commerciale de l’épreuve.

Pour les constructeurs, la sortie du règlement est un évènement très important, encore qu’en général, ils n’attendent pas la publication pour décider de leur participation à l’épreuve.

Pour la plupart d’entre eux et Panhard et DB en particulier, les 24 Heures étaient l’épreuve la plus importante de la saison. C’est sur elle que seront axés la plupart des essais effectués au cours de l’hiver et qui se poursuivront souvent même dans le cadre des épreuves précédant les 24 Heures.
C’est sur la base de l’expérience ainsi acquise que les caractéristiques des voitures qui seront envoyées aux 24 Heures, sont finalement déterminées.

Dans le cadre de la préparation, pour bien des constructeurs et même des concurrents particuliers, la séance préliminaire de deux jours que, depuis 1959, l’ACO organise sur le circuit au moins d’avril, est une date capitale, même si cette année 2013, elle eut lieu le 9 juin..

Les deux mois qui les séparaient de l’épreuve elle-même, permettaient de « digérer » les enseignements recueillis sur la piste et qui complètent ceux issus des règles à calcul ou des ordinateurs d’aujourd’hui.

C’est aussi une séance d’entrainement pour les pilotes qui n’ont jamais participé aux 24 Heures du Mans.

La préparation des 24 Heures par le constructeur ne se limite cependant pas à la construction et à la mise au point des voitures suivant un plan préétabli, presque toujours réalisé avec retard.

Elle entraine aussi une organisation et un plan d’action qui ne peuvent rien laisser au hasard, une charge d’actions importante dévolue, par exemple, à notre ami Etienne de Valance, alors directeur sportif de Panhard.

Il faut prévoir le transport des voitures, choisir le personnel dirigeant qui se rendra à la course, les mécaniciens qui accompagneront les voitures et ceux qui, au cours des entrainements et de l’épreuve, seront chargés du pointage, du chronométrage et de la signalisation.

Dans les années cinquante / soixante, seuls des techniciens parfaitement entrainés sont capables de tenir à jour un tableau de pointage précis pendant toute la durée des 24 Heures, y compris durant les premiers tours, lorsque les voitures passent groupées, et pendant la nuit.
Souvent ce rôle sera l’apanage des femmes, plus méticuleuses, sérieuses et plus précises.

Il faut aussi, un an à l’avance organiser la réservation d’un garage et des chambres d’hôtel pour toute l’équipe et prévoir des moyens de transport pour les voitures, car les temps sont bien révolus où celle-ci se rendaient à pied d’œuvre par leurs propres moyens, comme le faisait en 1954, notre amis Pagès et qu’il fit encore en 1991 lors du centenaire Panhard.

1991 : LE CENTENAIRE PANHARD AU MANS

Après les nombreuses victoires de Panhard sur ce circuit des 24 Heures (pas le Bugatti), plus aucunes voitures de la marque n’avaient roulé sur le grand, le vrai circuit des 24 Heures et devant la foule même qui se déplaçait pour cet évènement mondial.

Et bien, en juin 1991, Panhard l’a fait à l’occasion du centenaire de la marque que nous voulions sceller avec les 24 Heures du Mans.

La Fédération Panhard emmené par Jean Panhard et tous les clubs de la marque, mirent en commun leurs efforts pour concrétiser cet évènement exceptionnel.

Tout avait commencé le 13 juin 1987 au cours d’une réunion dans la salle Jean-Marie Lelièvre, sur le circuit des 24 Heures, sous la direction de Jean Panhard lui-même et face aux responsables de l’ACO.

Nous étions là, avec Guilhaudin, Bertaut, De Valance, Choulet, Mme Deutsch et les représentants des clubs Panhard, pour mettre en place ce projet, 4 ans à l’avance.

C’est encore une fois Etienne de Valance qui avait carte blanche et la responsabilité de l’organisation, comme il avait su le faire pendant des années trop vite passées.

Le bouquet final eu lieu donc en juin 1991, en lever de rideau des 24 Heures du Mans, pour rappeler au monde entier les 10 victoires de Panhard sur près de 18 participations sous principalement 3 bannières : Monopole, Panhard-usine et DB…

Quelques rares prototypes ankylosés par des années d’immobilisme dans divers musées, reprenaient vie, comme la barquette vainqueur en 1960

Ou le CD 1964 que Georges Philippe avait remis en état de rouler et dont il eut la récompense suprême de le conduire sur la piste de ses exploits.

Tout avait commencé le vendredi pour les invités.
De Valance était sur le pied de guerre dès le début de la semaine pour mettre au point avec JP Allain, la stratégie du déroulement, car aux 24 Heures du Mans tout doit être minuté.

Ce fut tout simplement grandiose. Je passerai sur les incontournables réceptions et collations du vendredi par les autorités locales.

Voir la trentaine de Panhard de tout poil s’aligner en épi devant des tribunes pleines à craquer, sous l’œil inquisiteur des caméras de télévision et le crépitement de milliers d’appareils photos pas encore numérisés.

Pendant 45 mn, un frisson de bonheur secoua les travées comme la « olla » sur les terrains de foot.
Les manceaux n’avaient pas oublié : à notre passage, par vagues successives, des bras s’agitaient, des bravos d’élevaient, des sourires émus témoignaient d’un élan du cœur que notre marque avait su conquérir.

Les avant-guerres n’étaient bien entendu pas oubliées : elles ont fait le renom de la marque.

Jean-Panhard à… la queue de vache (j’allais dire « au volant ») de l’ancêtre de 1891, emmenait la troupe.
Suivaient une rare berline de 1924 dans un état exceptionnel et à l’immatriculation d’origine, 2 Panoramiques de la famille Panhard et Personnaz, une berline Dynamic, le clou du défilé, l’impressionnante 35 cv des records et tous les modèles d’après-guerre.

Mais les plus remarquées, dans cet antre du sport automobile, furent les modèles du Mans : allant de la première DB à moteur Panhard carrossée par Antem, appartenant à Serge Macé, jusqu’au CD à ailerons de 1964…

… en passant par toutes les barquettes, dont la rare Pichon-Parat de notre ami récemment disparu, JP Allain.

Nous pûmes faire ainsi un tour des 13.600 mètres de ce fabuleux circuit.

Ce fut un moment inoubliable que de rouler sur le grand circuit et devant une foule immense que l’on peut retrouver aujourd’hui dans les éditions du Mans Classic, mais… à quel prix !

Charly RAMPAL