Aujourd’hui, le Tour de France automobile fait la une des actualités sportives et notamment cette formidable épreuve rétrospective mise sur pied par Peter’s organisation : qui se rappelle que notre marque avait remporté la première épreuve en 1899 aux mains de René de Knyff ?

En cette fin du XIX’ siècle, le journal « Le Matin » organise, du 16 au 24 juillet 1899, une course de vitesse en ligne à travers la France, ouverte aux Voitures, Motocycles et Voiturelles.

Cette compétition, la plus importante jamais organisée jusqu’alors, est placée sous le patronage de l’Automobile-Club de France.

Conçue grâce au dévouement des délégués du Touring-Club de France, des clubs automobiles des départements et municipalités traversés, elle prend pour la première fois, par la physionomie de son tracé, la dénomination de « Tour de France ».

Attendue avec beaucoup d’intérêt par les constructeurs et les pilotes, elle suscite, grâce à la presse qui la met en exergue régulièrement, et ce pendant plusieurs mois avant qu’elle n’ait lieu, une vive curiosité à travers toute la France et plus particulièrement dans les agglomérations situées sur son passage.

Prévue sur une distance de 2 200 km environ et scindée en sept étapes (de Paris à Paris), elle doit traverser trente départements dont de nombreux n’ayant jamais eu l’occasion d’être parcourus par une course d’engins mécaniques.

LE REGLEMENT

Le règlement, composé de vingt-neuf articles, donne l’accessibilité, à cette course internationale, à tous les véhicules à moteur.

Ces derniers sont classés en trois catégories.

La première, dénommée « Voitures », est réservée aux véhicules comportant au moins deux places côte à côte occupées par des personnes d’au moins 70 kg.

Ces voitures doivent être engagées, conduites ou accompagnées, pendant toute la durée de la course, par un membre de l’A.C.F. ou d’un club reconnu par lui.

La deuxième, intitulée « Motocycles » (en fait des tricycles), est ouverte à ces engins si leur poids à vide est inférieur à 150 kg.

Quant à la troisième, portant la désignation de « Voiturelles », elle accepte tous les véhicules ne rentrant pas dans les catégories précédentes (!) (dixit le règlement officiel).

Dans ce règlement, il est stipulé, en outre, que le chronométrage sera effectué sur des montres ou régulateurs donnant l’heure légale (heure extérieure des gares des chemins de fer français), que les véhicules ne doivent porter aucune marque de publicité, qu’il n’est accordé aux équipages qu’une heure le soir et qu’une heure le matin pour « les soins » à donner à leur véhicule, que l’on ne pourra engager qu’un seul véhicule par catégorie sous le même nom ou raison sociale, que les conducteurs ne pourront être changés sauf cas de force majeure ( et, bien sûr, que les responsabilités civiles et pénales de toute nature resteront à la charge des concurrents à qui elles incombent.

L’organisation a prévu, pour la traversée des communes et pour l’itinéraire routier, l’utilisation de trois types de signaux : l’affiche jaune avec flèche noire, indiquant la route à suivre (1 200 exemplaires seront placés) ; le drapeau jaune, signifiant « attention, ralentissez » (600 seront posés) ; le drapeau rouge, intimant l’ordre de s’arrêter, (conçu en 80 exemplaires), uniquement utilisé pour les passages à niveau en cas de fermeture.

De plus, 3 000 affiches sont placardées pour prévenir les habitants des communes traversées de l’heure probable du passage des premiers coureurs.

Le règlement, en imposant une vitesse maximale de 20 km/h dans les agglomérations, supprime, par le fait même de son application, tous les arrêtés régionaux et municipaux.

L’AMBIANCE DU DEPART

Tout avait commencé devant l’Automobile Club de France, place de la Concorde en ce samedi 15 Juillet, jour des contrôles techniques.

Ce jour-là, veille du départ, a lieu, de 14 h à 19 h, poinçonnant moyeux, châssis et bâti moteur de chaque concurrent sur les soixante-sept véhicules engagés, les commissaires ne savaient pas que leur maniement de marteau allait frapper les 3 coups d’une épreuve qui restera comme l’une des plus célèbres courses de l’histoire.

Cette opération est effectuée devant l’Hôtel de l’Automobile-Club de France, place de la Concorde à Paris, sous un soleil ardent et en présence d’un très nombreux public qui, devenant gênant par sa curiosité intempestive, oblige les organisateurs à faire appel aux forces de l’ordre afin de faciliter les allées et venues des concurrents et simplifier la difficile mission incombant à M. Paul Rousseau.

Cinq heures durant, ce dernier dut manier le marteau dans des positions souvent acrobatiques.

Seuls les motocycles eurent leurs moyeux plombés pour éviter toute détérioration.

Indépendamment de la présence d’un valet de pied de l’A.C.F. en grande tenue, habit à la française, gilet jaune, culotte courte et bas blancs, qui présentait les poinçons d’acier à M. Rousseau, les centaines de curieux présents purent voir défiler tout ce que le Sport Mécanique comptait de célébrités.

Les numéros de course furent distribués, dans chaque catégorie, d’après l’ordre des engagements et durent être peints à l’avant et à l’arrière des voitures ou de chaque côté du réservoir des motocycles.

DEJA UNE PREMIERE ANNECDOTE COTE PANHARD

Parmi les engagés contrôlés, certains ne participeront pas.

C’est le cas, par exemple, du malheureux comte Léon de Bertier de Savigny.

En se rendant au départ et en voulant éviter un piéton hésitant au milieu du boulevard Haussmann, il donne un grand coup de volant qui amène sa Panhard-Levassor sur la moitié inondée de la chaussée livrée aux arroseurs municipaux matinaux.

Partie en glissade sa voiture percute le trottoir, accroche un platane et termine sa course contre un banc public.

Dans ces chocs successifs, les roues avant sont détériorées et son mécanicien, projeté au sol, est victime d’une fracture de la jambe gauche.

LES FORCES EN PRESENCE

6 heures du matin, dimanche 16 juillet, la foule se presse déjà le long de la côte de Champigny, lieu de départ de la première étape qui devait mener les concurrents à Nancy.

Parmi eux, se trouvent de nombreux « Messieurs » de l’Automobile ou tout simplement de futurs « grands noms ». Panhard et Levassor est la marque la plus représentée : 8 véhicules Leurs pilotes sont les « grands noms » du moment :  Charron, le récent vainqueur de Paris-Bordeaux ; Pinson, pilotant la voiture utilisée par de Knyff, deuxième dans ce même Paris-Bordeaux ; Clément, futur constructeur ; l’Américain Heath ; le comte de Chasseloup-Laubat, rival de Jenatzy dans la lutte du record du monde de vitesse sur route ; Leys ; Girardot, très populaire grâce à ses innombrables places d’honneur dans les courses de ville à ville, et le célèbre de Knyff.

Les adversaires ont pour nom : quatre Amédée-Bollée (Jamin est le pilote le plus connu en raison de ses nombreuses victoires), dont ce sera la dernière apparition en compétition et quatre Mors (avec Levegh et surtout le Belge Jenatzy, nouveau recordman du monde de vitesse sur route depuis avril, à 105,88 km/h, sur la « Jamais Contente », une voiture électrique de sa construction), dont c’est le début d’une brillante carrière en compétition, prennent aussi le départ.

Concourent également : une Georges-Richard conduit par son constructeur, une Peugeot pilotée par Thorel, Lefebvre-Bolide (Lefebvre étant le détenteur du record du kilomètre mètre pour voitures à pétrole) et une Vallée aux mains de el-e on créateur, M. Flash.

Cette remarquable voiture, équipée d’un moteur quatre cylindres à plat et transmission par courroie,  reçut aussitôt le surnom de « la Pantoufle », en raison de la curieuse forme de son capot avant.

Tout comme la Vallée, la Bolide, la Richard et toutes les Bollée possèdent des moteurs horizontaux.

Vingt De Dion-Bouton, quatre Aster et un Gaillardet vont se mesurer dans la catégorie des Tricycles-Motocycles.

Les quatre voiturelles engagées sont des Decauville de 4 cv dont l’une est pilotée par le jeune Thery qui deviendra très célèbre en remportant, en 1904 et en 1905, la Gordon-Bennet.

Toute l’aristocratie est là , et c’est à 8 heures pile que le départ est donné par le Président de l’ACF , le baron de Zuylen , et du « Tout-Paris », que le départ est donné, à Charron qui s’élance le premier sur sa Panhard-Levassor de 16 cv.

De trente secondes en trente secondes le suivent les 19 autres voitures puis les 25 motocycles et enfin les 4 voiturelles. Sous un soleil éclatant, Girardot, parti deuxième au volant d’une Panhard-Levassor de 12 cv, mène la course durant presque toute la journée.

Mais à trente kilomètres du but, il doit s’arrêter sur ennuis mécaniques.

Il ne repart que vingt-cinq minutes plus tard, après avoir vu passer de Knyff qui franchit alors le premier la banderole du contrôle d’arrivée située au hameau des Baraques, à l’entrée de Nancy.

Il est en tête au soir de a première étape, malgré des ennuis de ressort.

Sa Panhard-Levassor de 16 cv a effectué les 290 km à la moyenne de 54,5 km/h.

Il devance Gleize, sur tricycle De Dion-Bouton, 1er de cette catégorie, qui a roulé à 52,5 km/h.

Arrivent ensuite Girardot et Pinson, tous deux sur Panhard-Levassor 12 cv, et Avis, 1er des « non Panhard-Levassor », sur Amédée-Bollée 20 cv.

En se présentant 1 h 40 plus tard, sur sa Decauville 4 cv, Gabriel, 1er des voiturelles, prend la 27° » place.

Déjà on compte 8 absents : 4 voitures et 4 motocycles.

Quelques chutes ont eu lieu dont celle de de Meaulne, sur tricycle de Dion-Bouton.

Avec un bras foulé, il termine l’étape.

Il finira d’ailleurs dans ces conditions le Tour de France. L’exploit de la journée est réalisé par Girardot : entre Toul et Nancy, il réussit à battre sur plusieurs kilomètres le « Rapide de Paris ».

L’étape suivante, Nancy-Aix-les-Bains (336 km), est très mouvementée.

Après que les participants ont été avertis au son du clairon de se tenir prêts dès 5 h 40, le départ est donné à 6 h dans l’ordre d’arrivée de la veille, devant une foule curieuse.

Girardot et de Knyff se livrent alors un duel effréné jusqu’au moment où celui-là brise une roue en heurtant un trottoir pour éviter un piéton tandis que de Knyff rencontre de nouveau des ennuis de ressort.

Charron en profite alors pour remporter l’étape (à 53,5 km/h de moyenne) devant de Knyff, Jamin et Gleize.

Le pauvre Girardot, il mettra 2 heures pour réparer en adaptant une roue d’une charrette locale.

Il termine 20ème à 3 heures du vainqueur.

La journée est fatale à de nombreux concurrents, ce qui n’empêchera pas de nombreuse passes d’armes et des sensations garanties comme Girardot et Charron poussant leur machine à des pointes de 90 km/h.

Après un jour de repos réparateur, Aix-les-Bains est quitté le mercredi 19 juillet à 6h du matin.

382 km plus loin ils seront à Vichy.

C’est de nouveau Charron qui remporte l’étape devant de Knyff et Pinson.

Les Panhard-Levassor dominent, mais rien n’est joué, un accident est vite arrivé.

Malgré sa victoire, Charron laisse la vedette à de Knyff; qui, toujours avec ses problèmes de ressort, se bât comme un beau diable pour conserver sa première place, et malgré sa rage de vaincre il n’en reste pas moins « homme de coeur » : près de St Etienne, Williams, pris d’une insolation s’évanouit au guidon de son tricycle De Dion-Bouton, à 50 km/h.

Après un « beau soleil », il reste inanimé sur la route quand survint à grande vitesse de Knyff.

L’ayant aperçu, il bloque ses roues , revient en arrière et porte les premier soins au blessé.

Il l’étend sur le borde de la chaussée et part chercher du secours et de l’eau.

A son retour, grâce aux soins de De Knyff, William retrouvé ses esprits.

Voyant de Knyff, le leader, il eut ses mots admirables : « De Knyff! vous ?… Mais allez-vous-en partez !… »

Secondé par des personnes accourues, de Knyff reparti à toute allure pour conserver sa place de leader : Il va y parvenir. 

La chaleur est intense, et beaucoup s’arrête pour faire le plein du réservoir ou arroser le bloc moteur pour le refroidir.

Nouvelle journée de repos le jeudi 20.

Seul Jénatzy, occupé à réparer sa roue avant faussée, près de St Yorre, n’aura pas ce loisir.

4ème étape : Vichy-Périgueux, 299 km. Le pauvre Jénatzy, n’ayant pu réparer dans les délais repartira, mais pour le plaisir, étant mis hors course..

Cette étape fut de nouveau très dure et c’est de Knyff qui l’emporte largement (20 mn) devant Girardot et Charron, consolidant sa place de leader.

Mais on n’oublie pas de vivre et de bien vivre pour autant le soir, un extraordinaire réception est offerte par le comte de Fayolle dans son château Renaissance.

5ème étape : Périgueux-Nantes (342 km) le samedi 22 juillet.

Enfin un parcours sans incident mécanique, ni accident.

C’est Chasseloup-Laubat qui l’emporte devant l’incontournable de Knyff (victime d’une crevaison) et Girardot

De Knyff a alors une heure d’avance sur Charron.

6ème étape : Nantes-Cabourg , est fertile en incidents.

Charron, prétendant à la victoire doit abandonner victime d’une rupture du palier de sa marche avant et doit rouler pendant 40 km … en marche arrière pour atteindre Alençon où une réparation de fortune ne donnera rien.

C’est Levegh qui, sous la pluie (enfin!) remporte l’étape, devant Chasseloup-Laubat et de Knyff.

Presque tous les concurrents arrivent fleuris, témoignage d’encouragement que les jeunes filles tendent au bout de longues perches.

7ème et dernière étape :

Ultime étape, pour les rescapés, a lieu sur 192 km..

Alors en tête Chasseloup-Laubat est trahi par son radiateur.

L’étape est remporté par de Arne devant Girardot qui ravit ainsi la deuxième place au pauvre Chasseloup-Laubat

De Knyff atteint l’arrivée vers 16h15 acclamé comme il se doit, Girardot ne voyant pas arriver Chasseloup-Laubat éclate de joie, il sait alors qu’il est second.

Photographes, journalistes, de Knyff se prêté à toutes les exigences du à son rang de vainqueur et il déclare : « la vitesse est le meilleur critérium de la valeur d’une voiture ».

Sa Panhard-Levassor 16cv aura parcouru 2210 km à 51 km/h de moyenne, ce qui est un exploit, l’automobile venant de naître. Le soir même, la presse vante le triomphe de de Knyff et de Teste et l’intérêt de cette gigantesque (terme souvent employé à l’époque) épreuve en faisant remarquer l’absence absolue d’accidents sérieux.

Cette course a permis de juger des progrès réalisés par l’industrie automobile française et de faire constater a travers tout le pays et principalement dans le milieu rural, que les véhicules à pétrole sont désormais bien au point et supérieurs à ceux à vapeur ou électriques.

La course permet de faire progresser l’automobile à pas de géant

28900 francs or de prix sont attribué. De Knyff empoche 6000 F

Le but du journal Le Matin et de l’Automobile-Club de France était de promouvoir la locomotion mécanique : objectif largement atteint grâce à la compétition !

Ce premier Tour de France automobile et motocycliste, né 3 ans avant son prestigieux homologue cycliste, sera considéré comme le plus important événement mécanique du XIXème siècle : Panhard l’a fait le premier !.

Charly  RAMPAL (Photos Archives Panhard, texte d’après les comptes-rendus des journaux de l’époque, La vie au Grand Air, La vie Automobile, l’Illustration et l’aide de Maurice Louche)