Après deux années de plein essor des courses du « mouvement 500 », c’est au début de 1951, que les pouvoirs sportifs automobiles s’interrogent sur le bilan de la Formule III de 500 cc. Beaucoup souhaitent faire évoluer la cylindrée de ces monoplaces initiatiques vers 750 cc.

Ces partisans s’appuient sur une certaine déception des courses antérieures tant au niveau du pilotage que du spectacle. Seule l’Angleterre a fait un effort et conserve la suprématie dans ce domaine. Les autres pays ne semblent pas s’intéresser à la question avec une foi telle qu’on puisse voir dans ce mouvement une solution d’avenir intéressante risquant de retenir l’attention des constructeurs. L’assemblage, en effet, de pièces diverses – s’il peut permettre à certains de satisfaire leur goût sportif – ne laisse pas entrevoir la possibilité d’obtenir des améliorations notables.

L’AVIS DE RENE BONNET

Aves Charles Deutsch, René Bonnet a été le réalisateur des petites « 500 » D.B. qui ont rivalisé, en 1950, sur de nombreux circuits avec les voitures britanniques.


René Bonnet a déclaré :
« Il me parait souhaitable aujourd’hui de laisser la formule III évoluer vers le 750cc . Toutefois, précise Bonnet, il faut dire à l’appui de cette opinion que je n’ai pas évoluer de la sorte sans mûre réflexion. Je tiens à dire que les enseignements, tirés de la saison passée, m’ont montré que nous faisions fausse route en nous lançant à fond dans le 500cc. Pourquoi persister dans l’erreur ? Je préfère envisager une solution qui me parait infiniment plus rationnelle.
Pourquoi me direz-vous ?

A ceci deux raisons :

1 – Il existe en Europe – et en France en particulier – des moteurs de cette puissance ou facile à ramener à cette puissance qui donneront des résultats surprenants.

2 – La course doit servir l’usager. En adoptant le 750cc, nous allons vers ce but en alignant en course des voitures qui sont de véritables… voitures.
Je m’explique :
Avec le 500cc, nous n’avons pas –loin de là – rempli ces conditions. Nos voitures sont des engins « entre les deux – mi-motos, mi-voitures – qui n’ont rien qui puisse véritablement servir le progrès technique et desquels on puisse tirer des solutions dont profiteront les futurs utilisateurs.

Avec le 750cc, au contraire nous bénéficierons d’un courant beaucoup plus avancé, des choses existantes qui nous permettront de progresser rapidement et ce, à des conditions infiniment plus avantageuses qu’avec le 500cc.

La décision de la Commission Sportive Internationale laissant entrevoir une évolution vers le 750cc, me semble parfaitement raisonnable et je souhaite que dès octobre prochain on s’arrête à cette solution d’avenir.
Dites bien cependant que le 500cc continue … et vive le 750cc. ! »

L’annonce d’un abandon probable de la Formule III et la position prise par M. A. Perouse, à la Commission Sportive Internationale en faveur des 750cc remplaçants les 500cc, ont suscité d’une part une certaine émotion dans les milieux intéressés, de l’autre des commentaires variés, parfois enthousiastes, notamment de ceux qui n’ont jamais accordé aux « 500 » une chance de succès.
Pourtant, depuis la fin de la guerre, le mouvement « 500 » a eu une reconnaissance officielle et a été salué avec satisfaction.

Avant de trancher la question, il est bon de mettre certains aspects du problème en évidence.

Le « mouvement 500 », amorcé en France depuis 1949, est né – à la suite de l’exemple britannique – pour permettre à certains sportifs de l’automobile de pratiquer leur sport favori.

C’est avant tout, sur ce plan, qu’il faut l’apprécier.
Et les menaces qui pèsent en 1951 sur le 500cc, émeuvent surtout ceux qui, en la matière, font du sentiment.
« S’ils sont sincères avec eux-mêmes et veulent bien considérer les résultats acquis depuis 3 ans, écrivait le journaliste André Reichel, ils doivent reconnaître que, pratiquement, le mouvement 500 piétine sans espoir, ce qui est grave. A part quelques mordus qui ont assemblé des pièces diverses et n’ont pu ainsi que satisfaire leur goût de la compétition, on note un seul véritable effort : celui de D.B.
René Bonnet lui-même l’un des animateurs de la marque, reconnaît qu’il a fait fausse route. Pourquoi être plus royaliste que le roi ?

Nous nous rallions ici au réalisme de René Bonnet qui voit dans les 750cc d’immenses possibilités d’avenir et affirme que cette formule nouvelle sera plus à la portée de la masse que le 500cc.

Pourquoi ? Parce que notre grosse industrie est plus à même, dans cette catégorie, de fournir, dans d’excellentes conditions, les éléments moteurs indispensables à assurer non seulement le développement du mouvement, mais encore sa suprématie.

On parle de travaux en 500cc qui seraient sur le point d’aboutir. Ceux-là même qui en parlent savent fort bien que ces travaux se sont avérés très délicats et, pour bien dire, absolument irréalisables.
Au contraire avec un 750cc, la position française devient fort avantageuse.
Abandonnera-t-on ces avantages certains que nous apporte le 750cc pour courir après d’utopiques réalisations en 500cc ? »

Cette vision de l’évolution de la Formule III de 500cc vers 750cc favoriserait la venue des grands constructeurs de l’époque en 750cc comme Renault et Panhard. Déjà se posait la question de ce qu’allait devenir le « Mouvement 500 ». Sa disparition était déjà programmée pour la fin de la saison 51… et les organisateurs de course adopteront largement la Formule 750cc.

Donnons maintenant la parole aux défenseurs des Racers 500 sous la plume de Henri Morisi, en égrenant leurs arguments :

– rendre plus facile l’accès des jeunes au sport automobile
– garantie de sécurité par des vitesses maxima peu élevée : ce qui était à leurs yeux primordial dans cette catégorie de débutants à une époque où la mort s’invitait à chaque course.
– Réalisation et mise au point technique plus facile.
– Formule bien rodée qui a été prise sérieusement en main.
– De nouveaux moteurs tournent : des quatre cylindres à double arbres à cames en tête. En Angleterre, l’ingénieur Eberan von Eberhorst a dessiné pour ERA, une 500 qui fera ses premiers tours l’été 1951. En Italie Gilera et Guzzi étudient la question de très près et ce serait odieux de se moquer ainsi des gens pour des raisons commerciales.
– Enfin, le fin mot de l’histoire : d’aucuns découvrent maintenant (après 3 ans d’existence) que la 4cv Renault et la Dyna Panhard ont une cylindrée de 750cc.
– C’est plus simple, disent-ils de faire des 750 que des 500 : oui, si c’est pour faire des machines d’exposition, mais pour courir, c’est une autre histoire. Un 4cv ramené à 500 et gonflé à bloc aura encore ses organes annexes qui tiendront : boite, pont, transmission. Coût en 500 = vilebrequin.
– En 750, à part la culasse qu’il faut refaire dans les deux cas, il faut revoir boite, pont et transmission si l’on veut les suivre. Belle économie !
– Dans l’autre cas, celui de la Dyna Panhard. Si le cochon de client savait en lisant le publicité bases sur les résultats sportifs toutes les transformations qu’il a fallu faire pour que la mécanique poussée tienne.. En 750, mais ce sera là aussi : boite, ponty, etc… à revoir.
– Il est inutile de dire que les 750 issues de véhicules de série seront moins chères. Et toutes les 500 qui existent et elles sont plus nombreuses en 51, que vont-elles devenir ? Elles courront avec les 750 ? Et pourquoi pas avec des 800, des 900 etc ? C’est vrai au fait que Panhard va sortit une 5cv en 850 : les 500 Cooper n’ont qu’à bien se tenir !

Non, tout cela n’est pas sérieux. Opposer délibérément des 750 aux 500 anglaises parce que l’on n’a pas su les vaincre l’an passé : est-ce sportif ?.

Il y aurait une solution : puisque pour certains c’est plus facile de travailler en 750, qu’ils acceptent sportivement de courir en sport. Le poids et le maitre couple seront pour eux un handicap suffisant pour que la lutte soit possible et égale.

Une 500 monoplace a sa chance avec une 750 sport. Il faut voir froidement les choses et ce qui peut paraitre une bonne solution n’est qu’une solution de facilité et ce n’est pas du sport. »

On le voit, la polémique lancée en mai 1950 faisait rage. Nous, au 21ème siècle, connaissons aujourd’hui le résultat, mais nous étions en 1951… avec la renaissance du sport-automobile d’après-guerre. Nous reviendrons vers ce passé.

Charly RAMPAL