Le Rallye de Sestriere est une course de voitures sur route, traditionnellement organisé par l'Automobile Club de Turin en Février.
Ce rallye a été conçu par Emilio Christillin, alors président de l'ACI Turin, qui était aussi le premier vainqueur de l'épreuve sur Lancia Aprilia.

Le rassemblement a eu lieu régulièrement pendant dix éditions consécutives, avec un succès croissant, et avec la participation officielle de nombreux constructeurs automobiles et les pilotes talentueux comme Helmut Polensky, Walter Schock, Ada Pace, Gigi Villoresi et Alberto Ascari, vainqueurs de la 2ème édition sur Lancia Aurelia.

Mais il faut reconnaître que notre marque l’avait quelque peu boudé, laissant aux pilotes de la péninsule italienne le soin de défendre notre production nationale.

Cependant en 1957, une petite Dyna X 86 de 1953 créa la surprise en remportant la 8ème édition aux mains de deux italiens : Borghesio et Bianchi.

Cette manifestation essentiellement italienne, avec un règlement ciblant les voitures italiennes et des épreuves de classement pour pilotes italiens, ne laissant que peu de chance aux étrangers : tout le chauvinisme italien en quelque sorte, tel qu’on l’aime !

Il n’était qu’à voir, entre autres, sur la route, l’indécente aide organisée qu’apportent les constructeurs italiens aux voitures de leur marque.
Nos amis transalpins ne cachaient pas leur chauvinisme excessif, et lorsqu’on demandait à l’un d’eux, par exemple, les raisons pour lesquelles, lors de l’épreuve finale, et malgré l’article 26 du règlement, Cabianca et Abate, tous deux sur Alfa-Roméo-Giulietta, étaient autorisés à prendre le second départ, la réponse ironique ne se faisait pas attendre : « Parce qu’ils sont italiens… » : on ne peut pas être plus franc.

Cette année là, c’est plus l’annulation du Rallye de Monte-Carlo que la formule elle-même de son règlement, qui a permis au rallye de Sestrière de battre son propre record d’engagés : 125 partants contre 74 seulement en 1956.

De nombreux spécialistes de la conduite sur sol glissant, déçus de n’avoir pas pu donner libre cours à leur passion en janvier dernier, s’étaient donné rendez-vous à 2.000 mètres, dans l’espoir de pouvoir enfin s’expliquer sur leur terrain favori.
Hélas ! Tous durent déchanter. Même à cette altitude, la route était sèche comme en plein été, et sur les 2.127 km du parcours, pas le moindre brouillard, ni la plus petite trace de verglas.
A peine un peu de pluie lors de la traversée des Apennins.

Les organisateurs, en composant leur itinéraire, doivent tenir compte des éventuelles conditions atmosphériques défavorables ; ils négligent donc volontairement les cols trop sévères ou trop hauts, ainsi que les routes habituellement non dégagées.
Mais, si la température reste clémente, le parcours routier devenu sans difficultés, perd alors tout intérêt.

C’est pour cette raison que, depuis 1951, le Rallye de Monte-Carlo n’est plus digne de lui-même et que le Rallye de Sestrière 1957 a, sur le plan sportif, été si décevant.

Avec une moyenne fixée à 50 km/h seulement, des contrôles horaires très distants les uns des autres et une route sans difficultés, 107 équipages ont pu rentrer à Sestrière. Les quelques abandons étant le résultat de déficiences mécaniques survenus au cours des épreuves de vitesses à Monza, Modène, Imola et Castelfusano.

Par contre, il est regrettable qu’aucune course de côte n’ait été prévue. L’accélération-freinage (coutumier à cette époque), avec son faible coefficient, n’est pas suffisant pour éprouver les rapports de boite.

Par contre, les récentes modifications de l’annexe J permettaient de se faire une opinion sur la création d’une troisième sous-catégorie : les voitures « améliorées ».
Ces véhicules doivent, en principe, ne comporter que des améliorations légères, ne touchant en aucun cas les organes principaux du moteur.
L’objectif des législateurs était de permettre à des amateurs qui ne veulent pas dépenser des sommes considérables, de participer aux compétitions avec quelques chances de succès.

Conséquence, on a vu, par exemple, des Fiat 600 en catégorie « améliorée » aux performances stupéfiantes qui, sur le circuit de Modène, couvrir les 2,306 km du circuit en 1’34’’ 1/5à la moyenne de 88, 103 km/h, battant la première Panhard 750, classée dans la même catégorie, de plus de 2’’.
A titre comparatif, on notait que sur ce même circuit, la 4cv de Panuel, équipée d’un moteur 1063 « affuté » et dont la vitesse de pointe était de l’ordre de 132 à 135 km/h, a effectué le tour en 1’39’’ seulement et que la Panhard-DB de Picard-Gannot, classée en GT amélioré, a couvert la distance en 1’37’’.
Notons que les Fiat 600 d’origine développent 20ch et sont dotées d’une vitesse maximale ne dépassant pas 96 km/h.
Pour obtenir les temps donnés plus haut, ces voitures ont dû atteindre et même dépasser les 130 km/h sur la ligne droite. ce qui en dit long sur la largesse de la préparation.

Dans la catégorie reine des GT, la Ferrari 2,5 l a très nettement surclassé la Mercédes 300 SL, handicapée par un poids excessif : 1.400 kg contre 1.000 kg pour l’italienne, à égalité de chevaux.

En catégorie 2 litres GT, la seule Masérati engagée a très nettement battu ses adversaires, réalisant en valeur absolue, tant à Modène qu’à Monza, des chronos à peu près identiques à ceux des Mercédès 300 SL.
Contre elle, les Triumph furent modestes, les AC britanniques très effacées et même les Porsche, certes peu nombreuses au départ, ne jouèrent aucun rôle.

La catégorie 1.300 était presque exclusivement composée d’Alfa-Roméo-Giulietta. La plus rapide étant celle d’Abate qui fit aussi bien que la Masérati 1.500.

En série « normale » jusqu’à 1.600 cc, l’éventail des marques représentées était importante : Alfa-Roméo, Mercédès 220, Lancia-Aurelia, Ford-Zéphir, BMW et DS19.
Les Citroën firent mauvaise figure car leurs équipages comptaient sur la neige te le verglas pour tirer parti de la tenue de route de la DS dans ces conditions.
Or, celles-ci exécutèrent une épreuve de « démarrage-freinage pénible : elles calèrent toutes les quatre.
Cette fausse manœuvre n’épargna même pas Louis Chiron qui, pilotait l’une d’entre elles. Le coureur monégasque, probablement à court de forme, fit aussi, lors de l’épreuve finale, connaissance avec les bottes de paille.
Les DS 19 se retrouvèrent donc toutes en bas du tableau.

Les équipages français connurent des fortunes diverses et ne furent guère brillants dans l’ensemble, à l’exception toute fois, de Leguezec et Hébert, qui pilotaient pour la première fois une Mercédès 300 SL. Ils terminèrent premiers des français.

Une mention spéciale est à décerner à l’équipe féminine, Blanchoud-Chanal, qui enlève, une fois de plus, une coupe des Dames. Elles espéraient faire mieux dans la catégorie avec leur Saab, mais elles tombèrent, elles aussi, dans le traquenard des voitures « preparate ».

Pour Georges Houel, excellent pilote, mais piètre calculateur, la piste d’Imola fut fatale.
Le Docteur Angelvin ne pouvait faire guère mieux avec sa Triumph.

Côté DB, Picard-Gannot eurent des ennuis avec leur accélérateur.

La victoire finale fut indécise jusqu’à la dernière minute. On attendait Turry-Coccheti ou Fiorani-Munaron, ce fut le troisième larron : Borghesio qui remporta la palme.

C’est donc finalement l’ancêtre Panhard qui triomphe : alors que les compétiteurs cherchent en dehors de nos frontières des véhicules fort coûteux pour défendre leurs chances en compétition, les italiens se contentent d’un véhicule d’occasion français dont la côte était très basse.

Le 8ème Rallye de Sestrière ne marquera pas les annales du sport automobile, ni les esprits des concurrents étrangers qui y ont participé.
Malgré des comportements bizarrement scandaleux de quelques hôteliers qui ont du confondre « rallyemen » et « milliardaires » , il ne faudrait pas oublier l’excellente organisation de ce rallye, aussi bien pour le participant que pour le spectateur.

Il sera également noté l’emploi heureux et innovant des cellules photo-électrique pour le chronométrage.

Charly RAMPAL (Photo Magazine L’Automobile)