Au début des années soixante, notre marque préférée a profité des retombées commerciales et sportives de sa victoire au Rallye de Monte-Carlo en 1961, en plaçant 3 PL17 à la tête du classement général.
Aujourd’hui encore, on se gargarise toujours de cette victoire et nous même en février 2001, nous fêtions les 40 ans de cette victoire sur le stand du DCPL à Rétromobile, en présence du vainqueur, Maurice Martin.

Mais, il faut bien se rendre à l’évidence : la PL17 n’a rien d’une voiture sportive et encore moins d’une bête de rallye. Dès le lendemain de cette épreuve, la Presse écrite, mettait le doigt sur le côté mercantile et absurde d’un calcul d’indice visant à faire gagner ce type de voiture. Panhard, intelligemment profita de cette brèche réglementaire pour s’y engouffrer et en retirer des avantages évidents.

Le porte parole de cette révolte médiatique fut, comme toujours, l’Auto-Journal dans son numéro 165 du 9 février 1961, sous la plume de François Berteaux, analyse les méfaits de cette réglementation orientée.
C’est cette analyse que je vous soumets.
« Les jeux étaient faits depuis longtemps, bien avant le départ. Sauf conditions atmosphériques particulièrement défavorables, la victoire au 30ème Rallye Automobile de Monte-Carlo ne pouvait échapper à une certaine catégorie de voitures outrageusement avantagé espar un fol indice.

Aussi, les résultats ont-ils été accueillis sans surprise et sans passion par tous et particulièrement par la plupart des concurrents qui savaient déjà, qu’elle qu’ait été la valeur de leurs performances sur la route, qu’il leur était IMPOSSIBLE de remporter une victoire. Tout juste pouvait-on percevoir, dans cette grande salle du Sporting Club, transformée en une moderne Tour de Babel, quelques rires moqueurs ou quelques commentaires de dépit à l’adresse des organisateurs dont l’imagination avait, cette année, divagué plus que de coutume !

Trouver 10 voitures de moins de 1.000 cm3 parmi les onze premiers du classement officiel est déjà assez inhabituel à Monte-Carlo, cela n’a cependant rien d’étonnant : lorsqu’un indice intervient dans l’établissement d’un classement, il en est rarement autrement.
Mais que 3 Panhard se partagent les 3 premières places, dénote un calcul d’indice particulièrement orienté.
Aussi, ne faut-il pas attacher à ce tiercé de la marque doyenne plus d’intérêt qu’il n’en a réellement.
C’est une victoire qui ne prouve rien si ce n’est, de la part des pilotes gagnants, la parfaire connaissance d’un règlement absurde.

Il nous semble absolument impossible, en effet, d’expliquer logiquement comment une Panhard de tourisme de 850cc de cylindrée, ayant accompli les 130 km des épreuves de classement en 2h 10 mn, soit classée première tandis qu’une Saab de 847cc (également en voiture de tourisme et, qui plus est, était même un break) ayant accompli ce même parcours en 1h 58 ne se retrouve qu’à la quatrième place, alors que le test consistait justement à parcourir ces cinq secteurs déterminés le plus rapidement possible.

Il nous semble aussi impossible d’expliquer comment une Citroën de tourisme, ayant réalisé le meilleur temps scratch, avec même 3 mn d’avance sur son suivant immédiat, puisse se retrouver en 17ème position.

Il y avait à la base de ce règlement une injustice flagrante : nous ne voulons pas croire qu’elle ait été commise sciemment. Mais il est regrettable que la C.S.I. ne soit pas intervenue à temps comme c’était son droit et surtout son devoir, car, ne l’oublions pas, le Rallye de Monte-Carlo compte pour le championnat d’Europe.

En aucun cas, la C.S.I. ne devait autoriser la pénalisation de 10% appliquée aux moteurs deux-temps, pas plus qu’elle devait admettre que l’on puisse fabriquer un indice qui exclut d’office les 4/5ème des voitures de tout espoir d’une victoire finale.

Les Allemands ont déposé une réclamation en ce qui concerne la pénalisation des deux-temps, mais sera-te-elle examinée ? Peut-être tout de même avant le départ du 31ème Rallye Automobile de Monte-Carlo…

Les concurrents et les constructeurs ont droit à plus d’égards. Les uns et les autres, avec des moyens forts différents, dépensent des sommes importantes pour « faire Monte-Carlo ». Qu’adviendrait-il de l’épreuve dont ils assurent le succès s’ils s’abstenaient, faute de pouvoir valablement figurer ?

La mentalité « marchands de soupe » des organisateurs qui ne reculent devant aucun artifice pour prolonger des festivités inutiles n’est malheureusement pas là pour atténuer leur rancœur.

UN INDICE BIEN FABRIQUE

Précisons tour de suite, d’ailleurs, que contrairement à ce qui a été dit et écrit, M. Caviglioli, calculateur apprécié dans de très nombreuses épreuves, n’est pas le père de la formule, il n’a participé à son élaboration ni de près ni de loin : M. Jacques Taffe est le seul responsable.

L’affaire remonte au mois de juin dernier, lorsqu’il fallait coucher noir sur blanc le règlement du cinquantenaire. Or il était impossible de reconduire un règlement qui, en 1960, avait soulevé la réprobation générale.

Il fallait donc innover. Et constatons que les premières intentions des organisateurs étaient à la fois excellentes et empreintes du plus parfait esprit sportif (une fois n’est pas coutume).
Après 2.500 km de route, les concurrents devaient finalement se départager sur 130 km répartis sur 5 étapes spéciales prévues en terrain difficile et couvrir cette distance le plus rapidement possible.
Voilà qui contrastait singulièrement avec les dispositions antérieures. Mais hélas, une deuxième innovation, bien moins heureuse celle-là, annihila totalement les effets de la première.
Pour garantir ( !!!) les chances de chacun, on introduisit ce fameux indice qui a fait couler beaucoup d’encre.
Une formule restait à trouver. Depuis longtemps, c’est une vieille idée qui courait, on cherchait à faire jouer le poids de la voiture d’une manière ou d’une autre. M. Jacques Taffe saisit l’occasion. On était fin juin et cette période des examens scolaires lui remit en mémoire une formule célèbre : V = gt et e=1/2gt2 ~.

Même si cela n’a qu’un lointain rapport avec la course automobile, cette formule pouvait servir de base à un indice puisqu’on retrouvait les notions d’accélération, de masse, de temps et de vitesses. De quoi combler les plus exigeants !
Le principal soucis de M. Taffe fut donc de faire varier sa formule de manière à amener dans un classement fictif dix voitures de marques différentes dans un mouchoir de poche, en prenant comme références les temps accomplis dans le Turini en 1960.

Or, la meilleure Panhard en 1960 avait été celle portant le numéro 309 qui finalement s’était classée 49ème. Aussi, M. Paul Panhard doit-il féliciter également l’équipe Martin-Bateau, vainqueurs officiels en 1961, et l’équipe Serres-Pontier qui servit de référence malgré sa modeste performance de 1960.

D’ailleurs, cette dernière équipe a confirmé cette année sa démonstration puisqu’elle se classe finalement à la 116ème position, accomplissant les étapes chronométrées en 2h 20’ 14’’ tandis que Martin-Bateau, vainqueurs officiels, mettaient 10’ de moins.
Voici pourquoi les Panhard ont si facilement gagné cette année. Et si de très nombreux concurrents n’ont pas eu le courage de calculer, avant le départ, leur indice, il n’en a pas été de même à Monaco où, fait particulièrement curieux, sur cinq équipes monégasques engagées, quatre avaient choisi le Panhard PL17.

Pour saisir mieux encore le ridicule de cet indice, comparons les temps réalisés par Trautmann sur Citroën à ceux des vainqueurs officiels : le grenoblois au volant de sa DS a accompli la meilleure performance d’ensemble sur les 130 km en 1h 55’ 29’’. De l’avis unanime ce temps apparaît remarquable et il parait même bien difficile de pouvoir faire mieux compte tenu de la température, de l’état du sol et de la difficulté du parcours.

De toute manière, si ce temps avait la chance d’être amélioré, il n’aurait pu l’être que de quelques secondes, voire d’une ou deux minutes. N’oublions pas, en effet, que d’excellents pilotes comme Anderson (Volvo), Roland (Citroën) ou Bohringer (Mercédes), deuxième l’an dernier, n’ont pu faire mieux que 1h 58’ 30’’, 1h 59’ 20’’ et 2h 18’.
Or Trautmann pour battre Martin, aurait du améliorer son temps de près de 8mn.. Ce qui est irréalisable.
Tout cela, M. Taffe le savait mais s’il a persisté dans son erreur, c’est qu’il avait la conviction – ce en quoi d’ailleurs il en commettait une seconde – que tous les concurrents seraient pénalisés sur la route.
Ce n’étaient d’ailleurs pas impossible même avec l’itinéraire qui avait été prévu, à la condition toutefois que les étapes soient découpées plus intelligemment.
….

CARLSSON : LE MEILLEUR A NOTRE INDICE

Mais ici, nous devons avant tout la vérité à nos lecteurs et nous ne pouvons considérer la triple victoire acquise comme étant la preuve d’un comportement supérieur des PL17 face à leurs adversaires.
Pour nous, le véritable vainqueur est à coup sûr le suédois Carlsson. Les performances qu’il a réalisées, aussi bien sur les routes de montagne que sur les circuits de vitesse, sont absolument remarquables.
Notons qu’il pilotait un break : cette subtilité lui permettait d’avoir un indice meilleur.
Son second serait le français René Trautmann sur Citroën. Les vainqueurs Martin-Bateau, seraient 15ème dans ce classement établi en fonction des temps obtenus dans les épreuves annexes, mais en tenant compte aussi de la cylindrée des voitures comme de leur type. »

CONCLUSION

Le Rallye de Monte-Carlo est un excellent tremplin commercial et toutes les marques qui figurent au palmarès ne manquent jamais de tirer profit de leurs succès : il n’y a rien à dire à cela, bien au contraire. Panhard a su le faire, comme ici dans son magasin d’exposition des Champs Elysées :

Ou dans les magazines automobiles, comme ci-dessous en Belgique :

Charly RAMPAL (Les photos d’archives insérées dans l’article de l’Auto-Journal ne font pas parties du texte + Photos Archives Panhard)