LE COMPRESSEUR POUR NOS PANHARD

Les qualités routières de nos Panhard et le manque de souplesse de son bi-cylindre ont poussé certains propriétaires à équiper leur voiture d’un compresseur. D’un autre côté, les monoplaces à moteur Panhard favorisées par la légèreté de l’ensemble voiture / pilote, seront portées par l’augmentation de la puissance de rotation et de montées en régime en adoptant un arbre à cames plus « pointu » , un taux de compression élevé et d’un volant moteur allégé.
Ce plan d’augmentation de la puissance est connu, mais quelques uns préfèrent privilégier la souplesse et une puissance passagère au moment des dépassements par exemple.
Cette dernière philosophie relativement simple et efficace, se tournera plutôt vers le montage d’un compresseur de suralimentation.
C’est cette solution que nous allons balayer à travers, tout d’abord sa description technique et l’essai d’un compresseur MAG, monté sur un Junior.

UN PEU DE TECHNIQUE POUR MIEUX COMPRENDRE

La suralimentation consiste à introduire au moyen d’un compresseur, un supplément de mélange combustible dans le moteur, afin d’accroitre sa puissance aux divers régimes (souplesse) et de relever sa vitesse maximale de rotation.
Voyons ce qui se passe dans un cylindre d’un moteur ordinaire.
Au temps d’admission, le moteur fonctionne comme une pompe aspirante dont le rendement baisse considérablement avec l’accroissement de la vitesse de rotation.
L’introduction du mélange gazeux est étranglé par la buse du carburateur et par les sinuosités des tuyauteries qui provoquent des tourbillons variables avec la vitesse.
Malgré le prolongement du temps d’ouverture de la soupape d’admission au-delà des limites assignées théoriquement au premier temps du cycle à quatre temps, le coefficient de remplissage par rapport à la pression atmosphérique s’établit à une valeur toujours inférieure à l’unité, et s’abaisse à certains régimes de vitesse jusqu’aux environs de 0,7.

Le défaut de remplissage est la principale cause de limitation de la vitesse de rotation d’un moteur. On constate que le couple est maximal à un régime modéré lorsque le temps laissé à l’introduction du mélange dans le cylindre est relativement long et que le coefficient de remplissage est voisin de 1, après quoi, il s’affaisse peu à peu jusqu’aux hauts régimes de rotation.
La puissance qui est le produit du couple par la vitesse de rotation augmente jusqu’au moment où le moteur s’essouffle et elle tombe rapidement.

Pour augmenter la puissance d’un moteur, le moyen classique consiste à augmenter sa cylindrée (nous le verrons dans un article qui sera consacré au 954 Panhard), ce qui conduit finalement à réviser toutes ses dimensions. Le bi-cylindre Panhard en sait quelque chose puisqu’au cours de sa carrière, sa cylindrée est passée de 610cm3 à 750 puis à 848 puis à 954 et encore plus haut pour les DB ou les Hampe.
Mais le moteur s’en trouve considérablement alourdi de ses masses en mouvement et de la limite de son carter à retenir cette puissance pour laquelle il n’a pas été conçu.
L’emploi d’un compresseur présente au problème de l’augmentation de la puissance, une solution plus rationnelle du point de vue du rendement et de sa relative facilité à mettre en œuvre.
Il convient de plus aux véhicules circulant en montagne où la perte de la pression de l’air fait naturellement chuter la puissance de 10% pour 1.000 m d’altitude.
Il est d’ailleurs d’un usage courant en aviation pour le rétablissement en altitude de la puissance normalement obtenue au sol, et aussi pour obtenir momentanément un grand surcroit de puissance dans certaines conditions de vol.
On connaît également son utilisation en compétition où des voitures de petites cylindrées mais, suralimentées, tiennent la dragée haute aux voitures de fortes cylindrées sans compresseur, ce qui donne une idée des performances rendues possibles par le compresseur.
Pour un usage touristique, celui que nous examinons aujourd’hui, le montage d’un compresseur permet d’améliorer les reprises de vitesse et de pouvoir disposer d’une réserve de puissance utile dans certaines circonstances de marche.
Ici, l’appareil de suralimentation est en somme un souffleur. On se contente donc pour la suralimentation des moteurs de série d’une pression égale ou peu supérieure à la pression atmosphérique.
La suralimentation est rarement poussée jusqu’à la pression absolue de 1,5 atmosphère. Dans les cas ordinaires, on la limite aux environs de 300 grammes.
En outre, on s’attache à obtenir les qualités qui rendent réellement pratique l’emploi d’un compresseur sur une voiture, c’est-à-dire la sureté de fonctionnement, un entretien minime et facile et un bruit de sifflement atténué.

STRUCTURE DU COMPRESSEUR.

Il existe plusieurs types de compresseurs entrainés par le moteur : le compresseur à palettes, le compresseur centrifuge, le compresseur à gaz d’échappement et le compresseur volumétrique.
C’est ce dernier type qui est utilisé par MAG pour les moteurs Panhard.
Sur ce type de compresseur, le débit est déterminé par les espaces ménagés dans le corps de l’appareil par les pales en rotation.

Comparé au compresseur centrifuge, le poids du mélange gazeux forcé par le compresseur volumétrique dans le moteur croit sensiblement dans la même proportion que la vitesse alors que dans l’appareil centrifuge, il croit selon le carré de la vitesse.

Le compresseur MAG qui équipe le Junior de notre exemple de montage sur une Panhard, est composé de deux rotors à trois pales. Pour limiter leur encombrement, on a tendance à les faire de petits diamètre et à leur imprimer une vitesse de rotation relativement élevée.

APPLICATION AU MOTEUR PANHARD DE SERIE

Quelques précautions sont bonnes à prendre pour s’assurer le fonctionnement sans trouble d’un moteur de série auquel on adjoint un compresseur.

L’appareil est à monter avec soin comme toute machine entraînée par courroie pour que la poulie soit bien située dans le plan de la poulie menante, afin de faire travailler la courroie dans de bonnes conditions.
De même, la tension de la courroie ne doit pas fatiguer les roulements.
Du côté de l’allumage du moteur, s’impose l’adoption de bougies à haute résistance aux contraintes thermiques. L’élévation de la pression moyenne ayant pour effet un accroissement de la vitesse d’inflammation du mélange gazeux : il y a donc lieu de modifier la courbe d’avance dans le sens d’une réduction de la variation d’avance.
Du côté échappement on aura avantage, pour la bonne tenue des soupapes et pour faciliter l’augmentation de la puissance sans contrepression gênante, de monter un collecteur d’échappement à tuyauteries larges et sans coudes comme il est d’usage sur les moteurs de sport.

Employé sur les moteurs courants, le compresseur à basse pression n’impose pas de fatigue notable aux pistons et à l’embiellage s’ils sont d’une construction robuste, ni l’échauffement excessif aux soupapes et aux bougies si on ne demande pas fréquemment au moteur sa plus grande puissance.
Il est souhaitable que dans le montage, soit prévu un dispositif de mise hors circuit pour les circonstances où l’emploi du compresseur n’est pas utile.
Pour ce qui est de la carburation, on procèdera à un réglage correspondant au résultat à obtenir : par exemple en compétition, mais il est possible d’effectuer un réglage économique qui ne modifie pas sensiblement la consommation normale, contrairement à l’opinion que l’on pourrait s’en faire à première vue.
Il arrive même de constater dans le cas d’une suralimentation modérée à une surpression de 300 gr, une légère réduction de consommation due probablement à l’homogénéité du mélange gazeux par son passage dans le compresseur, et à une amélioration de sa répartition à chaque cylindre, alors que dans un moteur non suralimenté on est obligé d’ajuster le réglage aux cylindres les moins bien nourris.
On ne saurait cependant attribuer à cette constatation, un caractère général et elle n’est valable, bien entendu, qu’à vitesse égale par rapport au cas du moteur non suralimenté.
Le carburant utilisé doit être du 98 à l’indice d’octane plus élevé.

L’ESSAI

Passons maintenant de la théorie à la pratique. Comme je vous l’ai dit, c’est un Junior équipé d’un compresseur MAG qui fait l’objet de cet essai.
Equipé d’un tel compresseur, le 851 cm3 frôle les 60ch et réserve un souffle nouveau au Junior bien plus lourd qu’une Dyna Z1 par exemple. Sous le capot, il serait difficile de dissimuler ce compresseur de taille respectable. Il agrémente néanmoins joliment le compartiment moteur assez vide du Junior. Ce compresseur est surmonté d’un carburateur simple corps de 32 mm dépourvu de filtre à air, car passant à quelques millimètres du capot !

UNE SOBRIETE DE CONCEPTION DESOLANTE

La rusticité plus qu’apparente du Junior ne refroidissait pourtant pas les clients irrésistiblement attirés par cette auto « dans le vent » et qui fermaient les yeux devant quelques lacunes pourtant évidentes et pas dissuasives pour une auto que l’on n’achetait surtout pas par raison !
Un joujou pour adultes avides de sensations sportives ou désirant en mettre plein la vue.
Sensations sportives ou simple apparat, telles étaient donc les deux seules utilisations envisageables pour cette auto bien peu pratique.
Mais c’est côté mécanique que l’on doit se tourner pour illustrer cet article consacré au compresseur, toute considération personnelle étant déplacée.
Sur route, le moteur émet son bruit caractéristique et le compresseur se fait discret. En fait l’échappement bruyant rend presque imperceptible le bruit de succion du carburateur pourtant à l’air libre.
Dès les premiers mètres, l’agrément du compresseur se fait sentir. Le flat-twin a perdu son manque de coffre chronique et déplace l’auto avec une aisance toute particulière, dès les plus bas régimes.
Beaucoup mieux rempli et sensiblement plus coupleux, le moteur reprend sans peine en troisième en sortie de virages moyennement serrés et en côte, là où, avec une mécanique atmosphérique, il aurait fallu tomber la deux.
Le moteur est plus rond mais aussi plus nerveux, offrant des accélérations qui, à défaut d’être réellement vertigineuses, sont tout de même plus franches que celles du bi-cylindre d’origine.
Ainsi équipé, le Junior a gagné en agrément et en vivacité réussissant en outre à accrocher un vrai 140 km/h.
Au niveau des accélérations : le 400m départ arrêté = 21s 8 et le 1.000 m = 42 s et on passe de 0 à 100 km/h en 20s 2.
Le rapport poids / puissance = 12,33 kg/ch.

Charly RAMPAL