C’est une ardente passion de l’automobile inculquée dès son enfance par son père que ce Catalan affable et chaleureux a affiché jusqu’au bout de son âge.

Sa madeleine de Proust, c’était l’odeur mélangée de cuir et d’essence qui baignait dans le garage paternel d’Enghein.

Après la guerre de 14-18, Jacques Poch a 10 ans. Il fait ses premières armes au volant d’une Citroën A, dotée d’une plaque minéralogique au nombre inférieur à 100 !

Son père possède alors une scierie à Arnage, où l’enfant se rend pour les vacances. Mais ce dernier ne quitte guère l’atelier de réparation des camions où il entretient des relations privilégiées avec le chef mécanicien.

La proximité de l’usine du circuit lui donne l’occasion d’assister aux premières 24 H du Mans en 1923.

La même année, il accompagne son père au Grand Prix de Tours où le Tank Bugatti l’impressionne vivement. C’est à cette époque que date son engouement pour la compétition.

En 1924, il persuade ses parents d’acheter une Talbot Type DC qui gagne alors de nombreuses courses.

Avec la disparition de son père, le monde s’écroule autour de ce garçon qui vient d’avoir 15 ans : plus d’usine, plus de garage, plus de voitures !

Son bac en poche, il doit entrer dans la vie active dès l’âge de 18 ans. Bien sûr, il choisit l’automobile, car sa passion est si forte qu’il n’envisageait pas faire autre chose dans la vie.

Pour son premier emploi, il est engagé comme vendeur au garage La Parisienne, l’un des plus anciens concessionnaires de France qui commercialise les marques Panhard, Talbot, Hotchkiss et Citroën. Idéalement placé à l’angle de la rue de Tilsitt et de l’Avenue de la Grande Armée, le magasin bénéficie d’une magnifique vitrine d’exposition.
Quant à l’immeuble, il accueille sur son toit un golf miniature qui attire les élégantes venues en Hispano-Suiza et en Rolls-Royce…

Jacques demande à travailler le dimanche, journée favorable compte tenu des nombreux promeneurs présents dans le quartier.
Il se souvient d’une Mercédes SSK et d’une Bugatti qui figuraient en stock parmi les voitures d’occasion !

Mais l’affaire fera faillite suite à des opérations immobilières malheureuses.
Ensuite, on le retrouve successivement chez Laroussé, boulevard St Germain, chez Baroen, rue de Courcelles et dans un garage de Neuilly, tous concessionnaires Citroën.

A cette époque, les grands garages engagent des fils de famille dans le but de profiter de leurs relations. Et une fois celles-ci épuisées, le vendeur est congédié… De plus, ce dernier doit posséder sa propre voiture de la marque représentée !

La rémunération, qui ne prévoit aucun fixe, est alors calculée sur le bénéfice final de l’opération, soit 50% de la marge bénéficiaire en tenant compte de la revente de la voiture d’occasion.
De ces conditions exigeantes, Jacques Poch tire avantage car le système lui permet la constitution d’un portefeuille de clientèle.

Jouissant d’une totale liberté de manœuvre, un bon vendeur se constitue ainsi un capital clients, qu’il conserve lorsqu’il change d’employeur.

Grace aux contacts pris pendant le salon de l’automobile, Jacques Poch engrange des adresses de prospects qu’il exploite tout au long de l’année.
Il se monte également un réseau d’agents relais auprès de garagistes de banlieue et d’auto-école qu’il commissionne.

Hélas, la reprise de Citroën par Michelin en 1934 entraine dans la réorganisation qui va suivre, la création de secteurs géographiques en dehors desquels les concessionnaires ne sont plus autorisés à intervenir.

Des années d’efforts se trouvent ainsi annulées. La conclusion s’impose : s’il veut conserver son capital , Jacques Poch doit se mettre à son compte.

En 1938, il a 26 ans, ce qui ne l’empêchement pas d’avoir tout compris et de monter sa propre affaire de négoce de voitures d’occasion.
Ses moyens étant limités, il acquiert un petit garage situé au fond d’une cour au 33 avenue de Neuilly.
Il fait tourner au maximum son stock de voitures qu’il écoule grâce à son carnet d’adresses, notamment auprès de marchands de province.
Démobilisé, il retrouve son garage en 1940, où il transforme les quelques voitures restées en stock, en utilitaires fonctionnant au gaz de ville, qu’il va louer.

LE TEMPS DU GAZOGENE

C’est alors qu’il rentre en contact avec le directeur de Facel qui lui cède l’exclusivité de la distribution du gazogène Facel pour la zone occupée. Il organise un réseau qui prouve vite son efficacité.
La firme de Jean Daninos (qui s’était exilé aux Etats-Unis) devient la première marque française de gazogènes.
L’affaire se révèle fructueuse dont il dégage une marge substantielle que Jacques Poch réinvestit dans son entreprise par l’achat d’un garage situé 8 rue Fourcroy dans le 17ème où il vend des gazos directement.

Après la guerre, il fait à Neuilly l’acquisition d’un vaste établissement : le garage Central, 127 avenue de Neuilly, ainsi que d’un atelier de mécanique et de carrosserie situé au 13 rue Laugier à Paris 17ème.

C’est là qu’il organise la distribution d’automobiles et de motos tchèques, puis de marques allemandes.

LE TEMPS DES COURSES

Ses affaires solidement établies, Jacques Poch peut s’adonner au second volet de sa passion : la compétition.

C’est avec Aéro Minor, une marque tchèque que son dynamisme conduit aussi bien aux 24 H du Mans qu’au rallye de Monte-Carlo où il s’inscrit en 1950.

L’année suivante, il rebelote sur Hotchkiss avec Maurice Vasselle, justement vainqueur de ce rallye en 1932 et 1933.
Il se régale de l’ambiance de cette époque.

En 1952, toujours au Monte-Carlo, Jacques Poch a compris que pour bien figurer et se faire plaisir, il lui fallait une Dyna X Panhard. La neige et la glace ont fait de cette 22ème édition une épreuve exceptionnelle dont il se souviendra toute sa vie !

Associé à Edmond Mouche, il conduisait donc une Dyna Panhard d’usine dont il apprécia le remarquable comportement.
Les choses avaient pourtant mal commencé. Aux Pays-Bas, il avait endommagé le dessous de la voiture en passant sur un trottoir. Une réparation de fortune fut faite dans un petit garage des environs et la nuit suivante fut fantastique. Une tempête de neige s’était abattue sur le Massif Central et la visibilité n’excédait pas 10 mètres. Après Clermont-Ferrand, des dizaines de voitures étaient parties dans le décor !

Privés d’essuie-glace et de dégivrage, l’équipage de la petite Dyna conduisait la tête dehors, les portières avant rabattues vers l’arrière, facilité par l’ouverture dite « suicide » de l’époque !

Jacques Poch et son compagnon, ne compteront plus leurs sorties dans les fossés. Heureusement que le poids plume de la Dyna leur permettra de la remettre sur la route sans trop de difficultés.

Le matin, en arrivant sur la N7 un peu avant Valence, la chaussée était transformée en véritable patinoire. Après plusieurs tête-à-queue, un platane traversa leur trajectoire.
Dégoûté, Mouche décide de tout arrêter d’autant qu’il restait les Alpes à franchir !
Il ne va pourtant pas tarder à changer d’avis. Car au bout d’une heure d’un repos bien mérité pris au bord de la route, passe l’Aronde de Jean Berha.
Ce dernier était parti une minute derrière eux : ils réalisent alors qu’ils avaient une heure d’avance sur lui avant de s’être arrêtés!

Motivés comme jamais, Jacques Poch et Mouche repartirent le couteau entre les dents ! Dopé par ce sentiment de l’exploit réalisé, ils entamèrent un festival qui marquera leur subconscient à jamais.
Tapant de tous les côtés sur les murs de neige, ils ne s’étaient jamais autant amusés !
Et malgré la moyenne imposée de 60 km/h, ils ne prirent qu’un seul point de pénalité entre Valence et Monaco.
Ils arrivèrent dans les 50 premiers avant le parcours commun, alors que la moitié seulement des concurrents rejoignaient Monaco dans les délais.

Je laisse volontairement de côté les Prestations de Jacques Poch au volant de l’Aéro-Minor lors des 24 h du Mans successif, nous éloignant trop du concept Panhard.

Durant ces années »Minor », Jacques Poch se forge une réputation de pilote d’endurance qui lui permet de se faire engager par Borgward aux 24h du M ans 1953, toujours avec Mouche.

FIN DE CARRIERE SUR PANHARD

Après bien des déboires qui le conduisent souvent à l’abandon, Jacques Poch revient au Mans en 1958 sur une Monopole-Panhard équipée d’un moteur de 745 cc avec Dunan-Saultier comme coéquipier.
Il découvrait de nouveau la conduite d’une Panhard. Mais cette Monopole avait le défaut de faire un violent écart lors des freinages appuyés. Inconvénient d’autant plus dangereux qu’il tomba cette année là des trombes d’eau toute la nuit et que la visibilité était nulle lorsque les grosses cylindrées les doublaient au freinage, surtout au bout de la ligne droite des Hunaudières.

C’était très risqué et cette nuit là, Jacques Poch prit la décision d’arrêter la compétition.

De plus, il tomba en panne de batterie. Or si le règlement n’autorisait pas le remplacement de celle-ci, l’interdiction ne concernait pas les éléments qui la composent ! L’équipe les changera tous et Jacques Poch pu repartir : belle interprétation du règlement !

Néanmoins, ils perdirent beaucoup de temps. Des quatre voitures engagées, celle de Jacques Poch a été la seule à terminer à la 17ème place.

Ainsi il allait tenir la promesse qu’il s’était faite en cette nuit de tempête et plus jamais il ne participa à une course ni même pour y assister de peur d’être repris par le virus !

PALMARES DE JACQUES POCH (Origine Racing Sport Cars)

1949 à 1958

Texte Charly RAMPAL (sur des informations de Jacques Poch) + Photos Monopole + Alain Gaillard