Nous en rêvions, NSU aurait pu le faire !

Depuis la création de la 24, les propriétaires et divers journaux automobile ont toujours vanté les qualités de cette voiture au service d’un moteur devenu au fil est années obsolète.

Non par son rendement exceptionnel pour un bicylindre de 850 cc, mais pour le manque de couple et sa limite dans son développement.

Un 4 cylindre et une boite adaptée auraient couronné ce chant du signe de la marque doyenne.

Quelques artisans habiles ont essayé d’y greffer un Renault (DB l’avait fait sur le Le Mans) ou un boxter Alfasud mieux adapté.

Mais cela n’était qu’un sursaut d’une rancœur longtemps renfermée.

Dans les années 1964 / 1965, Panhard avait contacté NSU pour l’utilisation future du moteur à piston rotatif créé par l’ingénieur Félix Wankel, confortant ainsi son image avant-gardiste.

Une première société fut fondée  en 1964 à Genève : la Comobil qui appartiendra aux deux constructeurs NSU et Citroën, vite remplacée en avril 1967 par la Comotor, basée elle à Genève.

L’objectif de cette société étant de fabriquer des moteurs pour les deux marques.

Il avait donc été envisagé de monter ce type de moteur sur la 24 avant que Citroën n’en équipa la M35 et la GS.

Mais avant cela, une note du 7 mai 1965, mentionnait des contacts avancés avec NSU pour équiper la 24 d’un ensemble mécanique (moteur et boite) 1100 NSU qui allait équiper la Typ 110.

Cette note, adressée à Jean Panhard, disait ceci :

« D’une lettre que je reçois de NSU, il résulte que l’ensemble moteur/boite de vitesses/ embrayage serait d’un prix aux alentours de 1.500 DM. D’autre part, NSU relance Alfa-Roméo au sujet de la Jeep . M. Von Heyde kampf (ndlr : le pdg de NSU) ajoute qu’il espère bientôt pouvoir donner une réponse positive ». Cette note prouve en effet, que Citroën avait bien l’intention d’équiper la 24 de ce superbe 4 cylindre arbre à cames en tête et refroidi par air, comme le Panhard.

MODIFICATIONS TECNIQUES ENVISAGEES

L’étude de cette greffe, allait se poursuivre, puisqu’une note datée du 16 juin 1965, liste les modifications qui seront nécessaires de faire sur la 24 :

1 – Basculement du moteur d’environ 14° vers l’avant (niveaux).

2 – Montage d’une roue intermédiaire afin de renverser le sens de rotation, d’une part, et d’obtenir l’entraxe du moteur / sorties de pont qui avait été prévu pour le Kastenwagen (ndlr : la fourgonnette), d’autre part.

3 – Modification des planétaires pour adaptation de transmission permettant un angle  total de 23°.

4 – Déplacement de la jauge d’huile moteur.

5 – Diminution de la hauteur du bossage de remplissage d’huile et obturation. Nouveau remplissage à prévoir.

6 – Déplacement du carburateur et du filtre à air, modification de la tubulure d’admission.

7 – Modification de l’anti-bélier de circulation d’huile.

8 – Déplacement de la commande de dépression par rotation de l’allumeur.

9 – Déplacement du silencieux d’échappement.

10 – Rotation de 180° de la commande de boite.

Suite à quoi, le bureau d’études NSU, en la personne du Dr Zorn, avait répondu point par point :

1 – Le basculement du moteur vers l’arrière de 14° entraine une montée du niveau d’huile et celui-ci se rapproche de l’axe du vilebrequin.

En même temps, une plus grande partie de la bielle est en face le niveau d’huile. La distance entre bielle et niveau d’huile pour un maxi de remplissage devient presque nulle.

Il y a un risque que la bielle ne plonge plus dans l’huile lorsque la voiture descend une cote.

Une modification du carter d’huile est nécessaire pour garder la distance actuelle entre le niveau d’huile et l’axe du vilebrequin, pour une quantité d’huile identique.

D’un côté du moteur, le joint du carter d’huile est situé constamment sous le niveau d’huile. Pour éviter une modification de la partie gauche du carter moteur et ( ?), il faut tourner la boite de vitesses avec la moteur.

Le remplissage d’huile de la boite doit être déplacé. Il peut en résulter des difficultés pour le graissage du différentiel.

L’axe de commande doit être perpendiculaire par rapport à l’axe du joint. Comme cette condition n’est plus remplie, il faut revoir la commande de boite.

2 – Montage d’une roue intermédiaire entre boite et différentiel a déjà été étudié.

3 – Pour la transmission souhaitée, il existe des solutions constructives.

4 – La modification du tube de jauge à huile est possible, pour pouvoir utiliser une jauge souple.

L’emplacement de la jauge sur le carter moteur est à étudier (pour faciliter l’accessibilité). Sur le moteur type 67, la seule place possible se trouve sur le carter de distribution.

5 – Diminution de la hauteur du bossage de remplissage d’huile et obturation sont possibles. Il faut déterminer un nouvel emplacement sur le couvercle de la distribution, en prenant garde de conserver une accessibilité suffisante.

6 – Une nouvelle tubulure d’admission est indispensable. Il faut étudier la possibilité d’utiliser le carburateur et le filtre à air de série.

7 – Le montage horizontal du raccord (anti-bélier) n’est pas possible. Le montage de ce système dans le tube d’huile, ou une autre solution, sont à envisager.

8 – La rotation de l’allumeur n’est pas possible. La commande à dépression doit être déplacée sur l’allumeur. 9 – Le pot d’échappement peut-être déplacé vers l’arrière de la voiture. Il faut prévoir une nouvelle fixation de l’échangeur pour le chauffage.

Les 26 et 27 juillet 1965, Jean Panhard et François Bedaux se sont rendu au siège de NSU à Neckarsulm pour débattre de tous ces points afin d’adapter le moteur 4 cylindres NSU sur la 24.

Avant même l’étude détaillée et le chiffrage qui en découlerait (délais prévu de 3 mois) , NSU communique rapidement une estimation approximative du prix et une nomenclature provisoire.

Ils en profiteront pour essayer une NSU 1000, à la suite de quoi, un accord est donné par Jean Panhard pour la fourniture complète de l’ensemble modifié.

Le moteur monté sur les NSU 1000 développe 55 ch (DIN), mais il peut être poussé facilement à 75 ch et ramené à 65 ch pour la 24.

Le prix de l’ensemble serait de 1.440 DM, non compris les modifications du différentiel, etv les livraisons sont envisagées pour la fin de 1966.

Pour conclure, le rapport fait par Jean Panhard note ceci : « Au moment du départ, NSU nous fait essayer une voiture Simca Ariane équipée d’un moteur NSU rotatif et d’une transmission hydrostatique. Cette voiture, dont la mise au point n’est pas achevée et qui, en particulier, a une transmission assez bruyante, permet à un conducteur quelconque de se déplacer tout à fait normalement avec des performances  qui paraissent assez étonnantes, compte tenu de la faible puissance du moteur rotatif ».

Cette voiture sera le prototype camouflé de la future NSU Ro80 qui sera révélée 2 ans plus tard au salon de 1967 !

LA PAROLE EST A CITROEN

Fort de cette visite, le projet est soumis le 16 septembre à Pierre Bercot, le PDG de Citroën qui contrôle désormais Panhard. Il approuve le projet et envisage même un début de production de l’ordre de 50 véhicules/jour !

Le 8 octobre, une lettre est envoyée à Jean Panhard par le Professeur Von Heydekampf qui confirme la livraison d’un moteur développant 65 ch. Quant à l’estimation du coût il la prévoit pour la mi-novembre.

Il estime à une année la mise en route de la production.

Pour avancer dans ce sens, Jean Panhard fait livrer une 24 à Neckarsulm dès le 18 octobre et lui-même se rend sur place 11 jours plus tard, avec un technicien de la Maison Panhard, pour répondre à toutes les questions et même en poser à ses homologues allemand, comme par exemple :

  • comment modifier le carter d’huile et le carter intermédiaire pour permettre le passage des longerons ?
  • demande d’un plan représentant la position des oreilles de fixation arrière, ainsi que la prise de compteur.
  • Demande des plans des brides de transmissions Weiss et Glaenzer.
  • Un plan représentant un projet de suspension arrière est soumis au professeur Strobel (Technicien NSU) pour avis.
  • M. Strobel doit fournir un plan du nouveau support avant alors en essais.

ETUDE DES PRIX

En parallèle, des études de prix de revient sont menées chez Panhard.

Au prix estimé de 1.500 DM, soit 1.845 FF de l’époque, ce moteur rendu à Paris revient en réalité à 2.183 FF, en tenant compte des droits de douane (7,5%), du transport et des modifications. Le flat-twin monté sur la 24 au même moment, coûte lui, 1.600 FF.

L’augmentation du prix de vente de la voiture sera donc augmentée de 810 FF. Sachant que la 24 CT coûte 7.670 FF, considérée déjà comme assez chère.

Mais Citroën arrêtera le projet et la dernière trace épistolaire sera datée du 24 janvier 1966 : dernier échange entre Jean Panhard et M. Frankenberger, directeur technique chez NSU.

Citroën pensant à juste titre que le jeu n’en valait pas la chandelle, plus préoccupé par le renouvellement de sa gamme. IL tirera bientôt un trait définitif sur la marque Panhard. Pour nous consoler si besoin, on retrouvera ce fabuleux moteur NSU sur une de « nos » MEP , la X7 que les Gayraud ont reconstruite :

Voilà ce qui aurait pu être une 24  NSU

Charly RAMPAL   sur des informations et documents recueillis par Bernard Vermeylen